Les 10 et 24 avril prochains, les 46 millions de Français électeurs seront appelés à élire le Président de la République. On peut estimer que 7 millions d’entre eux vivent avec un handicap ou une maladie invalidante, mais peu sont investis dans l’action politique, alors que leur engagement au plus près des futurs élus est déterminant pour que leurs besoins spécifiques soient pris en considération. Qu’en est-il dans les équipes nationales des candidats à la présidentielle ?

Un Facebook pour Nicolas Dupont-Aignan

Délégué national pour la dignité des personnes en situation de handicap de Debout la France, Erick Damaisin, malvoyant devenant progressivement aveugle, participe activement à la campagne du souverainiste Nicolas Dupont-Aignan pour lequel il a créé le groupe Facebook aider le handicap, le handicap vous aidera : « Tout le monde peut venir, on accepte tout le monde, on ne parle pas politique pour que tous apportent leur pierre avec leur vécu. Personnellement, j’aide à constituer des dossiers MDPH. J’agis aussi dans l’associatif, être dans les deux c’est mieux, pour apporter la connaissance de ce qui se passe. » C’est sur ces échanges qu’ont été élaborées les propositions du programme : « Tout le monde donnait des idées, en regrettant qu’il n’y ait pas de participants sourds ou malentendants. Par exemple au niveau des formations, il n’y a pas de suivi, on l’a mis dans le programme. Le gros avantage de notre groupe, c’est le vécu, on s’est efforcé de le mettre dans le programme. On propose une loi en faveur des enfants qui font un dossier Maison Départementale des Personnes Handicapées, ils doivent avoir une place, une décision MDPH = une place. » Erick Damaisin affirme ici une opposition à la fermeture des établissements médico-sociaux tout en favorisant l’inclusion, pour maintenir un système mixte.

Nicolas Dupont-Aignan

Concernant l’accessibilité de la campagne électorale, il n’a pas repéré de problèmes dans les lieux qu’il a connus, mais reconnaît des difficultés : « On a cherché un interprète LSF pour le meeting parisien du 3 octobre dernier, sans trouver, c’est prévu pour les meetings. On met des sous-titres sur nos vidéos. On a pensé à éditer des documents accessibles. » Et ce qui a convaincu Erick Damaisin de s’engager pour Nicolas Dupont-Aignan repose sur leur premier entretien et ce qu’il a perçu : « La première fois où je l’ai rencontré, en 2019, on est allés dans un bar trop bruyant ; on a changé de salle et il m’a aidé spontanément. Je l’ai trouvé très attentionné. »

Lydie Raer au service de Yannick Jadot

Le candidat Europe Écologie Les Verts (EELV), Yannick Jadot, peut compter sur plusieurs militants handicapés au sein de son équipe. D’abord, la 1ere adjointe au maire de Lyon, Audrey Hénocque qui apporte ses compétences dans le domaine de la commande publique ; elle est également présente en photographie sur toutes les pages du site Jadot2022, alors que les autres candidats ne montrent que des citoyens apparemment valides. Ensuite, Lydie Raer, conseillère municipale d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne) : « Je me suis engagée auprès de Yannik Jadot après la primaire écologiste où je soutenais Sandrine Rousseau, et on m’a proposé d’être référente thématique handicap. J’ai participé à l’élaboration du projet sur le sujet. Notre programme demande le respect des droits sur la base de la convention de l’ONU, est favorable à une désinstitutionnalisation, veut faciliter l’accès au travail par une éducation facilitée. Mais toutes les propositions n’ont pas été retenues. » Parmi celles qui l’ont été, on relève la déconjugalisation de l’Allocation Adulte Handicapé, la création d’une agence de contrôle de l’accessibilité universelle, sites web compris, et la prise en compte de la parentalité dans la Prestation de Compensation du Handicap. Sauf que l’AAH serait inférieure au Revenu Universel d’Existence que Yannick Jadot souhaiterait instaurer et que ce RUE compléterait, et que la PCH parentalité existe depuis plus d’un an… « Dans les propositions rejetées figure l’emploi du terme « validisme » qui ne fait pas consensus, ainsi que l’accompagnement sexuel : « Il y a une réflexion à mener, on doit travailler dessus avec la commission féminine du parti », concède Lydie Raer.

Yannick Jadot en campagne à Lyon avec, à sa droite, Audrey Hénocque

Côté accessibilité des événements et documents de la campagne électorale, elle doit encore convaincre : « J’essaie de faire du lobbying pour que les meetings soient accessibles, poursuit Lydie Raer. Cette accessibilité n’existe pas en standard, il y a eu des couacs lors de la précédente campagne des présidentielles de 2017. Pour la Langue des Signes Française et la vélotypie, c’est un budget, il faut discuter et convaincre. » C’est probablement pour cela que l’annonce « une plateforme « inclusion » sera bientôt en ligne ainsi qu’une version FALC du programme » n’est pas suivie d’effet. Pourtant, Europe Écologie Les Verts devrait être au top depuis longtemps, ce parti disposant de longue date d’une commission nationale handicap. « La commission handicap participe à la campagne, mais pas en première ligne », admet Lydie Raer…

Jean Lassalle, un montagnard à la Présidence ?

Personnalité atypique de la politique française, le Béarnais Jean Lassalle se présente à nouveau, fort de ses 435.365 voix du premier tour de la présidentielle 2017. Au sein de son équipe, une commission paritaire handis-valides (dont des professionnels) a élaboré des propositions en se réunissant en visioconférence. « On reste citoyens avant tout, justifie l’un des participants, Sébastien Cazaubon. Je suis une personne handicapée travaillant comme Accompagnant d’Enfants en Situation de Handicap. J’ai déposé [le 11 février] plainte au Procureur de la République contre Cluzel et Blanquer sur la situation des AESH. On a fait remonter chacun notre tour tout ce qui n’allait pas depuis les dernières présidentielles, pour actualiser ce qu’on pouvait garder ou rejeter. » Jean Lassalle a notamment retenu la redéfinition du handicap en « incluant ceux qui sont non visibles via une campagne nationale sur la diversité des handicaps, ajoute Sébastien Cazaubon. J’ai insisté sur la notion personne en situation de handicap plutôt que personne handicapée, la situation de handicap peut être temporaire. On veut mettre l’accent sur les 80% de handicaps invisibles. » En puisant dans son expérience, il a fait découvrir au candidat la réalité de l’inclusion scolaire : « Elle est catastrophique, alors qu’on ferme les établissements spécialisés. Le Pôle Inclusif d’Accompagnement Localisé est dramatique, avec des accompagnements de 20 minutes par élève ! » Et il propose de généraliser le travail à temps plein des AESH, pour 24h par semaine, payé 1.700€ par mois, avec suppression des PIAL.

Jean Lassalle

Si Jean Lassalle a également accepté la déconjugalisation de l’AAH, certaines propositions questionnent encore, dont l’assistance sexuelle qui « n’est pas rejetée mais doit être discutée avec les gens », précise Sébastien Cazaubon. Assurer l’accessibilité de la campagne électorale, qui ne comportera pas de grands événements, reste ardu. « On est un petit mouvement, explique-t-il. On fait avec ce qu’on a, et pour certaines choses c’est impossible. J’ai été confronté, à Mont-de-Marsan, à une salle en étage avec ascenseur en panne, on l’a refusée. On édite des tract sans couleurs agressives, avec des caractères plus gros. On prépare une version audio du livre programme. Jean Lassalle est avant tout un ami, j’aime bien sa façon de voir la France. »

Emmanuel Macron se prépare

Candidat déclaré la veille de publication de cet article, Emmanuel Macron a préparé activement sa campagne de réélection depuis le siège de la Présidence avec son secrétaire général Alexis Kohler, selon un proche du cercle présidentiel. Ce sont l’ancienne ministre socialiste Dominique Gillot, l’ex champion de natation handisport Charles Rozoy (qui avait pourtant annoncé le 16 mars 2020 son retrait de la vie politique après sa défaite aux municipales de Dijon, qualifiant cette expérience d’« enrichissante mais toxique ») et le précédent président de l’APF France Handicap, Alain Rochon, qui assistent l’équipe de campagne. Ce dernier minimise son rôle, conscient du risque de politisation au sein d’une association dont il est toujours administrateur : « Je n’ai rejoint aucune équipe de campagne, assure-t-il. J’ai juste accepté de donner un coup de main ponctuel et à titre personnel à Dominique Gillot qui auditionne quelques associations pour recueillir des suggestions. J’ignore ce qu’elle en fera ensuite, même si j’ai une petite idée. » Ce coup de main d’Alain Rochon permet de mieux comprendre l’orientation pro-gouvernementale qu’a prise depuis 2018 cette association de défense et de gestion. Également relais handicap, Charles Rozoy précise : « Alain Rochon accompagne beaucoup Dominique Gillot, il s’investit depuis toujours dans la campagne. On va à la rencontre d’associations pour avoir des remontées de terrain, écrire un programme, convaincre sur l’avenir, appeler à rejoindre Emmanuel Macron. Il faut savoir entendre les revendications, même si j’essaie de voir ce qui est positif, il y a plein de choses mises en place. » Il reconnaît toutefois que la centaine de propositions formulées est soumise à l’arbitrage des proches du Président sortant : « Je ne suis pas dans la rédaction du programme, je fais remonter à l’équipe qui rédige le programme en phase d’élaboration. On fait un travail commun, et à un moment il faudra faire des arbitrages. »

Portrait officiel d'Emmanuel Macron en Président de la République ©Soazig de la Moissonnière

« Je suis très attaché à faire reconnaître les personnes handicapées pour elles-mêmes, pas pour leur handicap », revendique Dominique Gillot qui se dit toujours socialiste de coeur. « Emmanuel Macron m’a connue quand j’étais sénatrice. Quand est venue la préparation de la campagne électorale, des personnes relais ont été annoncées pour préparer le second mandat, je suis relais handicap. Il n’y a pas encore d’équipe de campagne, elle est embryonnaire, les relais ont vocation à la rejoindre. Quand mon nom a été cité en décembre, des personnes m’ont recontactée, se souvenant comment j’avais procédé en 2017 pour recevoir leur plaidoyer. J’ai reçu des associations et élargi mon champ de contact à des auto-représentants qui ont une expérience de vie avec un handicap. Globalement, ces personnes considèrent que des choses intéressantes ont été faites, avec des avancées dont l’école, qu’on parle davantage du handicap, dans l’emploi. Il reste un certain mécontentement dans l’aboutissement récent des décisions politiques, dont des parents frustrés, dans l’emploi, la reconnaissance de l’accompagnement. Une volonté affirmée d’irriguer les politiques publiques est perçue, le niveau de satisfaction des personnes varie. » Siégeant au Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées (CNCPH), Dominique Gillot a participé à l’exigence d’accessibilité des documents de propagande et des opérations de vote. Et se remémore une réunion de travail au ministère de l’Intérieur en 2016 face à des fonctionnaires dépassés. « J’ai alerté la chefferie de La République En Marche sur l’accessibilité des opérations de campagne. » Sera-t-elle suivie d’effet ?

Un groupe permanent pour Jean-Luc Mélenchon

Militante de La France Insoumise, Marie-Laure Darrigade mène la réflexion pour le candidat Jean-Luc Mélenchon. « On a créé un petit groupe soudé d’une douzaine de personnes dynamiques. On milite à son rythme, et en fonction de son état de santé. Chacun vient d’horizons et handicaps différents, avec une vision large des sujets. On a travaillé sur l’accueil de militants handicapés, dans la diversité, avec des personnes handicapées psychiques ou vivant en établissement médico-social. Il a fallu d’abord prendre le temps de libérer la parole, pour ensuite construire le programme. » Il en est résulté la publication, le 11 février, du livret programme « Lever les obstacles à l’accès aux droits » travaillé également avec des associations, des collectifs. « On n’a pas la science infuse, poursuit Marie-Laure Darrigade. Ce qui nous guide c’est la mise en oeuvre de la Convention des Nations-Unies sur les droits des personnes handicapées (CIPH). » Si ce livret programme expose la place des personnes handicapées dans la société et formule des propositions transversales, il est également plus pertinent que le livre programme L’avenir en commun publié par Jean-Luc Mélenchon en octobre dernier. « Sur L’avenir en commun, lâche Marie-Laure Darrigade en parlant de l’équipe du candidat, on les a incendiés ! » « Ce qui nous rend fiers, appuie Alix Hermeline qui participe au groupe handicap également présent sur Facebook, c’est la règle de l’accessibilité universelle et la CIPH comme boussole. Alors qu’on a parlé que de la déconjugalisation de l’AAH ces derniers mois dans les médias, comme si la situation des personnes handicapées semblait se limiter à cela. »

Jean-Luc Mélenchon

Faute d’expression du candidat, c’est Marie-Laure Darrigade qui donne la perception du handicap qu’a Jean-Luc Mélenchon : « Il est sourd de naissance. Il est conscient qu’il existe une handiphobie latente dans toute la société. Et on n’hésite pas à s’en moquer, à s’insulter entre politiciens à coup « d’autiste. » La première cause de discrimination est le handicap, alors que Jean-Luc Mélenchon propose une vision universelle des droits de l’homme, de la femme, des réfugiés, des personnes handicapées, tous les citoyens. » Côté accessibilité de la campagne, les salles des meetings sont accessibles, avec interprètes LSF, programme et meetings en LSF et sous-titrage sur Facebook, programme en braille ou audio sur commande. La campagne de Jean-Luc Mélenchon décrochera-t-elle le trophée de la meilleure accessibilité ?

Valérie Pécresse dans les pas de…

Issue des primaires de droite et présidente du Conseil Régional Île-de-France, Valérie Pécresse a créé un groupe de travail mixte handis-valides supervisé par le professeur en médecine et conseiller régional IDF Philippe Juvin pour les sujets santé et autonomie, et le député handicapé moteur Damien Abad sur les affaires sociales. D’autres élus y participent, dont Sandrine Chaix (valide, conseillère régionale Auvergne-Rhône-Alpes), le sénateur valide Philippe Mouiller, le conseiller régional handicapé IDF Pierre Deniziot : « On fait partie des rares à avoir des responsabilités, justifie Pierre Deniziot. Pour élaborer le programme, on s’appuie sur des élus et des personnes engagées, on auditionne des associations et des personnes, pour leur expertise du quotidien. » Ce qu’appuie Damien Abad : « Une particularité de l’équipe Pécresse, c’est qu’il y a des militants handicapés. On veut une République du respect et de la reconnaissance, la question du handicap est de plus en plus centrale. » Et de souligner la forte présence de personnes handicapées parmi les premiers gilets jaunes et les victimes de la crise sanitaire.

Valérie Pécresse

« Même si je suis un opposant politique au Gouvernement, j’ai sous-estimé le niveau de leur colère à l’égard de l’actuelle secrétaire d’État Sophie Cluzel, reconnaît Pierre Deniziot. On a fait une première vague de propositions à la candidate qui les arbitre, il y en aura d’autres. Elles sont incluses dans les thématiques ou présentées en tant que telles. » Ne sont toutefois publiées sur le site Internet de campagne que trois propositions, l’une sur un statut d’aidant familial, la seconde pour la déconjugalisation de l’Allocation Adulte Handicapé, la dernière un séjour d’au moins 5 ans des étrangers non-Européens pour bénéficier de prestations sociales dont l’AAH et la Prestation de Compensation du Handicap, contre 3 mois actuellement. On aurait d’ailleurs apprécié entendre la candidate exprimer sa vision de la place des personnes handicapées dans notre société, mais elle n’a pas elle-même participé à la conférence de presse du 10 février dernier présentant « ses » propositions en matière de handicap. « Je pense que sa vision s’inscrit, comme pour les femmes, dans le cadre de l’égalité des chances, des opportunités de carrière, d’accès aux droits, assure Pierre Deniziot. Ce n’est pas une vision du passé, caritative ou un peu religieuse, qu’elle a exprimée dans une tribune libre. » Valérie Pécresse s’inscrit là dans la continuité de l’action de Jacques Chirac, sous la présidence duquel a été votée la loi du 11 février 2005. Côté événements de campagne, son équipe veille à l’accessibilité physique des réunions publiques : « Le meeting du Zénith de Paris le 13 février comportait des interprètes en Langue des Signes Française, une entrée réservée prioritaire et le stationnement réservé des véhicules de personnes à mobilité réduite, précise Pierre Deniziot. Le siège de campagne est accessible. On n’a pas encore étudié l’accessibilité des documents PDF pour les électeurs aveugles, ni la vélotypie. L’accessibilité de la campagne électorale ne va pas de soi. » Le déploiement parisien sera-t-il la règle ou l’exception : à vérifier sur le terrain.

Une première pour Fabien Roussel

Le Parti Communiste Français était absent des élections présidentielles depuis 2007, où Marie-George Buffet n’avait recueilli que 1,9% des suffrages. Devenu marginal dans la politique française, le PCF a décidé cette fois de ne plus soutenir la candidature de Jean-Luc Mélenchon et d’envoyer son secrétaire national, Fabien Roussel, dans la bataille. C’est la sénatrice honoraire du Nord et initiatrice en 2001 du label Tourisme et handicap, Michelle Demessine, qui anime le pôle handicap : « On a créé, un peu dans l’urgence, un groupe de travail avec une militante handicapée, une parente d’enfant handicapé, deux salariés du médico-social et moi-même, mère d’un adulte handicapé. C’est la première fois qu’on travaille comme cela. Trois domaines reviennent souvent : l’accessibilité universelle, les MDPH, la scolarisation pour privilégier l’inclusion tout en maintenant l’éducation spécialisée. Et les parents, c’est important aussi. L’aspiration à une citoyenneté doit être le fait des personnes elles-mêmes. » Les participants ont travaillé en présentiel et en visioconférence, avec des auditions de grandes associations. La militante, c’est Fatima Khallouk qui s’était faite connaître au début des années 2000 en dirigeant le magazine Jaccède disparu en octobre 2004. « Je milite localement à Alfortville, adjointe au maire depuis 2020. J’ai eu envie contacter l’équipe de campagne, au moment où Michelle Demessine réfléchissait à un groupe de réflexion programme. On s’est rencontrées au siège du PCF et on a réuni des personnes concernées dont le fils de Catherine Vella [présidente de l’Association Nationale des Parents d’enfants Sourds] qui voulait rencontrer Fabien Roussel. Il l’a vu, lui a raconté ses difficultés, obligé d’être accompagné de ses parents alors qu’il voudrait être autonome. Au meeting de Montreuil du 16 février il a échangé avec Fabien Roussel grâce à une interprète. »

Fabien Roussel

Côté programme, le résultat du travail en commun n’est guère révolutionnaire : « Pour nous, l’essentiel est de revenir à l’essence de la loi de 2005 [contre laquelle les parlementaires communistes ont pourtant voté à quatre reprises NDLR], une conception émancipatrice fondée sur les droits à l’autonomie, pour que les MDPH fonctionnent comme un vrai service public, supprimer les barrières d’âges et restes à charge. On applique ce principe des droits à tous les domaines. » Et de prôner également le maintien du médico-social en fonction du choix de vie, avec des établissements à taille humaine : « Notre vision est d’abord l’humain, appuie Fatima Khallouk. Elle n’est pas utilitariste, chacun doit pouvoir faire ses choix et s’autodéterminer. Le programme des « jours heureux » est un rappel de l’Histoire, celui du Conseil National de la Résistance. » Concernant la participation à la campagne électorale, le groupe a élaboré un mémento d’accessibilité avec des consignes précises pour l’organisation des meetings et réunions publiques, comportant un sous-titrage des vidéos, une traduction par interprète en LSF, un référent pour l’accueil des personnes orientées si elles le souhaitent vers un espace tranquillisé, l’édition de documents en facile à lire et à comprendre (FALC). « On a comme objectif de réaliser des documents en braille, et d’informer des dispositifs d’accessibilité avant les meetings » conclut Fatima Khallouk.

Marginalisation chez Eric Zemmour

L’entrée en campagne du polémiste Eric Zemmour a été particulièrement remarquée quand il a dénoncé, le 14 janvier dernier, « l’obsession » de l’inclusion scolaire : « Je pense qu’il faut effectivement des établissements spécialisés, sauf pour les gens qui sont légèrement handicapés. » Un propos qui n’empêche pas ce nouveau politicien d’avoir des handis-partisans. Tel Gaëtan Lor, aveugle âgé de 34 ans et fonctionnaire juriste au ministère du Travail. Il anime le pôle Le handicap avec Zemmour comptant moins d’une dizaine de participants et dont le porte-parole est le jeune Nordiste myopathe Hugo Van Leeuwen. Ce dernier, transfuge du Rassemblement National, affirme dans ses tweets soutenir Vladimir Poutine en pleine invasion de l’Ukraine ! C’est par amitié pour le responsable communication du candidat, l’extrême-droitier Samuel Lafont, que Gaëtan Lor s’est mis au service du polémiste dont il partage largement la sensibilité : « L’idée est de dire que pour le handicap, le système n’est pas fiable. Il doit profiter aux fils de France et pas de la planète. L’idée est d’interdire les prestations aux non-communautaires. » Entendez par là les personnes handicapées originaires de pays hors Union Européenne, mais pour sa part Gaëtan Lor va plus loin en voulant que les Français soient seuls bénéficiaires de prestations sociales.

Eric Zemmour

Au sein du pôle handicap, il a élaboré une quinzaine de propositions dont huit ont été retenues « en me battant » assure-t-il, mais pas publiées sur le site dédié au programme du candidat, composé de pavés au format image totalement inaccessibles aux citoyens aveugles… tel Gaëtan Lor : « Eric Zemmour nous a laissé une grande liberté en termes d’écriture, il veut donner une autre orientation à l’inclusion. Les mesures que nous proposons ont un coût qu’on assume. » Si le programme publié en ligne compte 18 thèmes, aucun n’aborde le handicap, sauf une proposition de limiter au niveau du Smic la somme des allocations et prestations sociales : une telle mesure supprimerait de fait le cumul entre l’AAH et un salaire à temps-partiel. Côté accessibilité des événements de campagne, Gaëtan Lor hésite : « J’ai envoyé des propositions au coordinateur des pôles, je fais ce que je peux pour que ça le soit. » Et on le sent embarrassé quand on lui demande quel rapport et conception du handicap a son candidat : « Je ne connais pas sa vision du handicap. Ce n’est pas un sujet, on voit les gens en fonction des réalités de terrain, sans les catégoriser. » A condition, bien sûr, qu’ils soient des Français de France

Des candidats sans solution

Si toutes les équipes de campagne des candidats pouvant obtenir au moins 500 parrainages d’élus locaux ont été contactées, certaines n’ont pas répondu. Par désintérêt probable pour Nathalie Arthaud (Lutte Ouvrière) dont l’attaché de presse n’a pas jugé intéressante, à l’occasion d’un meeting, la proposition d’interview sur sa conception de la place des personnes handicapées dans la société française. Ou au Rassemblement National, faute de militant volontaire pour s’exprimer : « Malheureusement, nous ne pourrons pas donner suite à votre demande, justifie le service communication de Marine Le Pen. La personne concernée ne souhaite pas apparaître publiquement. » Et on se demande pourquoi l’équipe de la socialiste Anne Hidalgo s’est abstenue de répondre, alors même que la candidate, à la traîne dans les sondages, a embauché dans son cabinet de maire de Paris l’actuel président du Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées qui y organise ses réunions de travail, le socialiste Jérémie Boroy ; comprenne, et vote qui pourra !

Laurent Lejard, mars 2022.

Ajout du 7 mars : candidat du Nouveau Parti Anticapitaliste, Philippe Poutou a obtenu à l’arraché les 500 parrainages d’élus nécessaires pour se présenter à la présidentielle. Le retard important dans sa quête de signatures a fait qu’on n’a pas contacté son équipe de campagne. Son programme propose l’augmentation de l’AAH déconjugalisée et du minimum vieillesse à hauteur du salaire minimum, une scolarité ordinaire ou spécialisée pour tous les enfants avec des AESH titularisés, le respect de l’obligation d’emploi et le maintien « dans l’emploi des salarié·e·s se retrouvant en invalidité, un « logement pour tou·te·s, en autonomie (accompagnement possible), ou dans des structures adaptées », la « gratuité des frais de santé et d’appareillage » et l’« embauche massive dans les MDPH ». Rien de bien révolutionnaire…

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