L'accompagnement
sexuel est défendu par un certain nombre d'associations en France
(dont l'APPAS présidée par Marcel Nuss)
qui militent en faveur des personnes en situation de handicap
pour qu'elles puissent accéder à la dimension sexuelle par le
biais de massages, caresses, tendresse, toucher, voire même l'acte
sexuel en lui-même. Ces associations craignent d'être assimilées
à un acte de proxénétisme, interdit par la loi, puisque l'association
formatrice de l'accompagnant sexuel sert d'intermédiaire entre
la personne en situation de handicap, qui serait "un client" et
l'accompagnant sexuel qui serait "un prostitué". Il faut rappeler
que le proxénétisme est un délit grave qui peut être punissable
de 7 ans d'emprisonnement et de 150.000€ d'amende, sans compter
la loi du 13 avril 2016 qui a voté la pénalisation pour les clients
des prostitués à raison d'une amende de 1.500€.
Cependant, on peut également considérer, dans le cadre de la réparation
d'un dommage corporel, que l'accompagnant sexuel ne peut être
assimilé à "un prostitué" lorsqu'il est sollicité par une personne
en situation de handicap grave, qui ne peut faire autrement que
de solliciter ses services pour répondre au besoin fondamental
qui est un des plaisirs de la vie et aussi de la santé, qui est
l'acte sexuel.
Il faut rappeler que l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS)
en 2002 a donné la définition suivante du concept de santé
sexuelle : "Un état de bien-être physique, émotionnel, mental
et social en relation avec la sexualité et non pas simplement
l'absence de maladies, de disfonctionnement ou d'infirmités [...]
afin d'atteindre et de maintenir la santé sexuelle, les droits
sexuels de toutes les personnes doivent être respectés, protégés
et assurés". La santé sexuelle de toute personne implique donc
la possibilité d'avoir des expériences sexuelles qui soient sources
de plaisir et donc la nécessité implique aussi que les droits
sexuels soient respectés, protégés et assurés.
L'OMS définit la santé comme un complet bien-être physique, mental,
social qui inclut la sexualité. Le droit d'entretenir des relations
sexuelles est reconnu comme un droit fondamental consacré par
la notion d'autonomie personnelle, composante du droit au respect
de la vie privée et familiale. C'est pourquoi l'accompagnant sexuel
doit être compris comme réalisant un besoin de bonne santé sexuelle
et donc de bonne santé en général, et que sa prise en charge est
possible dans le cadre de la réparation du dommage corporel.
En effet, les personnes gravement handicapées, qui ont subi un
dommage corporel consécutif notamment à un accident de voiture,
une agression ou un acte médical, doivent pouvoir obtenir réparation
de leur préjudice sexuel qui inclut les frais occasionnés pour
utiliser les services d'un accompagnant sexuel. Il est certain
que les personnes qui subissent un handicap grave n'ont pas souvent
la possibilité de se déplacer facilement, mais surtout, elles
subissent le regard des autres, qui ne facilite pas les relations
sexuelles, ainsi elles peuvent avoir recours à un accompagnant
sexuel. Par ses massages et son toucher, l'accompagnant sexuel
va participer à l'épanouissement de la personne gravement handicapée,
à son bien-être et à sa santé et lui permettre de retrouver son
droit à la sexualité d'une manière générale.
La nomenclature Dintilhac
qui est utilisée couramment, pour ne pas dire exclusivement, dans
des litiges en réparation d'un dommage corporel, définit le préjudice
sexuel notamment comme suit : "Ce poste concerne la réparation
des préjudices touchant à la sphère sexuelle. Il convient de distinguer
trois types de préjudice de nature sexuelle [2] le préjudice lié
à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié
à l'accomplissement de l'acte sexuel (perte de l'envie ou de la
libido, perte de la capacité physique de réaliser l'acte, perte
de la capacité à accéder au plaisir)". Il est indiscutable que
cette définition très complète du préjudice sexuel permet d'inclure
l'accompagnant sexuel dans le cadre de la réparation.
En effet, dans le cadre d'un handicap grave "l'acte sexuel lui-même
qui repose sur la perte de plaisir lié à l'accomplissement de
l'acte sexuel (perte de la libido...)" peut être en cause et celui-ci
est pris en compte par l'accompagnant sexuel qui tente de remédier
à cette perte de plaisir. Il convient d'indiquer que la Cour de
cassation, dans un arrêt du 17
juin 2010 retient aussi cette définition très large du préjudice
sexuel, qui est l'atteinte sous toutes ses formes à la vie sexuelle
: "Le préjudice sexuel comprend tous les préjudices touchant à
la sphère sexuelle à savoir le préjudice morphologique lié à l'atteinte
aux organes sexuels primaires et secondaires résultant du dommage
subi, le préjudice lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur
la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel,
qu'il s'agisse de la perte de l'envie ou de la libido, de la perte
de la capacité physique de réaliser l'acte ou de la perte de la
capacité à accéder au plaisir, le préjudice lié à une impossibilité
ou à une difficulté à procréer."
Dans ces conditions, les personnes en situation de grave handicap
ou de perte d'autonomie conséquente peuvent subir un préjudice
sexuel et notamment une perte de plaisir lié à l'accomplissement
de l'acte sexuel et peuvent donc être contraintes de solliciter
un accompagnant sexuel qui fait partie intégrante de leur droit
à réparation. L'accompagnant sexuel de par sa pratique et la pédagogie
apprise, va pouvoir tenter de redonner du plaisir à ces personnes
gravement handicapées par le biais de sa pratique.
Dès lors on peut envisager la prise en charge de l'accompagnant
sexuel au titre du préjudice sexuel dans le cadre de la réparation
du dommage corporel, uniquement pour les personnes gravement handicapées
qui n'ont pas d'autre solution qu'avoir recours à l'accompagnant
sexuel. Il existe donc un besoin ou une fonction qui a été endommagé
par un accident de la voie publique, une agression ou un acte
médical par exemple qui peut être indemnisé. En effet, le recours
à ce tiers pourrait rentrer dans la définition du préjudice sexuel
et donc une indemnisation à ce titre pourrait être envisagée dans
le cadre de la réparation du dommage corporel.
Le droit à la santé sexuelle se développe de plus en plus, alors
pourquoi ne pas concevoir aussi, pour des personnes gravement
handicapées, qui ont un besoin essentiel à assouvir et qui sont
des victimes, de pouvoir être indemnisées également pour ce poste
de préjudice. Cela serait une avancée jurisprudentielle possible
puisque prévue dans la définition même du préjudice sexuel. Il
serait temps d'accepter sans pudibonderie un préjudice qui fait
essentiellement partie de toute vie.
Catherine
Meimon Nisenbaum, avocate au Barreau de Paris, juin 2016.
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