Question : Quel est votre parcours personnel et professionnel ?

Charles Rozoy : C’est le parcours d’un petit gamin qui rêvait d’être champion olympique dès les bancs de l’école, c’est ce que je répondais quand on me demandait ce que je voulais faire plus tard. Forcément tout le monde se moquait de moi, je ne savais même pas dans quel sport. J’ai découvert la natation pendant l’école primaire, je me suis dit « je veux être champion olympique de natation ». Et j’ai tout fait pour l’être, en allant en sport-études, puis au pôle Espoir au lycée où je me suis entraîné encore plus sérieusement, c’était vraiment intense. Pendant cette période, j’étais champion du monde de l’entrainement, j’étais capable de faire des choses impressionnantes, mais en compétition j’avais du mal à passer le cap et accrocher des podiums, tout le temps 4e à quelques centièmes du temps international… A la fin du lycée, on m’a donné un ultimatum : « Charles, tu as trois solutions. La première, tu es sur le podium au championnat de France, la deuxième tu fais un temps international, la troisième t’es viré ! » J’ai fait 4e à deux centièmes du temps international et j’ai été viré : c’était le début d’une longue traversée du désert…

J’ai essayé de me diriger vers des études de médecine mais j’ai fait une dépression nerveuse, pris 30 kilos en quelques mois. Je me suis réorienté vers le sport et j’ai passé un brevet d’Etat de canoë-kayak. Parce que mon père était kayakiste et que c’était le seul brevet d’Etat qu’on pouvait passer en candidat libre. J’ai travaillé dans mon coin, repris du poil de la bête, et repris des études en STAPS [Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives]. J’ai commencé à me réaliser de nouveau, à devenir l’homme que je voulais être, et surtout j’ai renagé pour le plaisir en retrouvant le plaisir de m’entrainer, et le pourquoi. Et en juin 2008 j’étais champion de France du 50 mètres papillon, le début de ma carrière. Un décollage très vite interrompu parce que fin juillet, en rentrant du travail en moto, un chauffard m’a heurté et pris la fuite en me laissant sur le carreau, un bras encastré dans la barrière de sécurité. Ça été le début d’une autre vie, un parcours médical difficile, je me suis posé beaucoup de questions, réinventé. Dans un premier temps, les médecins ont réparé mon bras et m’ont dit « tout va bien se passer, tu vas récupérer », et plus tard annoncé brutalement que ce bras ne bougerait plus et que j’avais un handicap. « Ta vie est foutue » m’a dit un médecin ! C’est assez sympa quand on vous l’annonce comme ça, à 21 ans… Cette autre vie m’a conduit à la rééducation qui m’a ramené dans les bassins, et un jour je croise des enfants qui me voient faire ma rééducation : « C’est Rozoy, qu’est-ce qu’il était bon avant, maintenant il est foutu, il fait de l’aquagym ! ». C’était un choc, alors j’ai fait une course contre eux… que j’ai gagnée. Mon entraineur m’a proposé de reprendre la natation en handisport, et je suis retourné le voir en lui disant « je veux être champion paralympique ». Six mois après l’accident, je reprenais l’entrainement, et j’ai enchainé les titres de champion de France, d’Europe, du Monde, et en 2012 j’ai réalisé mon rêve, champion paralympique !

Question : 
Et sur le plan professionnel ?

Charles Rozoy : 
J’ai toujours été attiré par les associations, l’engagement étudiant. Après mon accident j’ai fait des conférences sur le handicap, la motivation, le dépassement de soi. J’ai créé juste après les Jeux de 2012 une société de coaching et consulting, pour accompagner les entreprises et former des gens sur le sujet. Ça m’a d’abord permis de financer ma carrière, et c’est maintenant devenu mon activité principale. Et en 2014 je me suis engagé en politique, dans la municipalité de Dijon au côté de François Rebsamen, élu  » société civile ». Je l’ai fait doucement au début, délégué aux équipements sportifs de la Métropole, puis j’ai pris la délégation au Sport, et maintenant je suis délégué au Sport et au commerce. Je suis de plus en plus investi, c’est une mission qui m’anime vraiment parce qu’elle est concomitante à tout ce que je fais, tous mes engagements proches des gens.

Question : 
Comment s’est produite la rencontre : vous avez pris l’initiative ou on est venu vous chercher ?

Charles Rozoy : 
Je m’intéressais à la politique depuis un moment, j’étais investi dans des associations à l’université de Bourgogne, je travaillais déjà avec les présidents d’université. J’ai eu la chance de rencontrer le préfet Pascal Mailhos, que je ne remercierai jamais assez parce qu’il a pris mon histoire à bras le coeur. Il m’a mis le pied à l’étrier en parlant de moi, m’a fait entrer au CESER [Conseil économique, social et environnemental] en tant que personne qualifiée. Tout s’est enchainé dans la foulée. J’avais déjà rencontré lors de divers événements François Rebsamen, il est venu me chercher en me demandant d’être 5e sur sa liste pour aller ensemble conserver la mairie de Dijon.

Question : 
François Rebsamen, c’est le Parti Socialiste. Vous êtes « société civile » mais proche de ses idées ?

Charles Rozoy : Aujourd’hui, je ne m’en cache pas, je suis En Marche. Tant que j’étais sportif, je ne souhaitais pas prendre d’engagement, de carte, parce que j’étais sportif de haut-niveau avant tout et que je devais être non-partisan. Bien sûr, François Rebsamen est un homme de gauche et ses valeurs me vont très bien dans le sens où il est très ouvert et a rassemblé très large. Dans notre liste, on allait du MoDem jusqu’aux écologistes. Quand on est dans une ville, plus qu’un parti on s’engage pour un homme qui a fait beaucoup pour notre ville.

Question : 
Vous êtes conseiller municipal délégué aux sports et au commerce : ça fonctionne ensemble ?

Charles Rozoy : 
Pas du tout, effectivement ! Je travaille avec l’adjoint aux Sports et avec celle du Commerce. En fait c’est tout simple : un sportif est assimilé au sport et je me suis battu pendant toute ma carrière pour montrer que je n’étais pas qu’un sportif, ce que j’ai montré à travers la création de mon entreprise. En 2014, j’ai dit que je voulais aller aux Jeux de 2016 pour faire mieux qu’à ceux de 2012, et surtout devenir un homme. J’en avais marre d’être vu comme Charles Rozoy le champion, « on va le mettre à côté de nous parce que c’est bien quand on fait un discours ». J’avais envie de dire « moi aussi je sais parler, dire des choses, j’ai des idées ». J’ai voulu le démontrer aussi dans la politique : tout en continuant à travailler dans le sport, je pense apporter dans d’autres secteurs et j’ai demandé au Maire de me faire confiance en ajoutant une délégation. L’adjointe au Commerce, Danielle Juban, m’a proposé de me former et de m’apprendre ce qu’elle sait. J’ai encore plein de choses à apprendre et ce n’est pas en restant dans mon confort et le sport que je vais apprendre. J’ai vraiment voulu faire cette démarche de sortir et montrer qu’il y a un homme derrière, qui peut être beaucoup plus intelligent que juste parler du sport.

Question : 
Vous avez participé à l’élaboration du programme électoral du candidat Emmanuel Macron : cela vous a-t-il suffisamment donné le goût de la politique pour évoluer vers un autre mandat, départemental, régional voire national ?

Charles Rozoy : 
Je n’ai jamais calculé où j’allais, c’est surement un tort, mais pour l’instant j’avance sur des projets sur lesquels je suis déjà bien occupé, pour aller jusqu’au bout du mandat municipal. J’ai choisi de ne pas me présenter aux élections législatives, on me l’a demandé plusieurs fois. Parce que je ne sentais pas prêt et que j’avais d’autres réalisations à conduire à leur terme. Il y aura d’autres élections, et oui, je serai prêt. Mais je n’ai pas envie de faire partie de ces gens qui font de la politique toute leur vie. J’aime ce que je fais, réellement, j’ai envie de m’investir.


Propos recueillis par Laurent Lejard, février 2018.


Charles Rozoy a publié sa biographie de sportif en 2014, sous le titre « Comment j’ai réussi à nager le papillon avec un seul bras sans tourner en rond« , aux éditions L’Équipe.

Partagez !