Les 25.000 élèves handicapés ayant besoin d’aide humaine à la cantine scolaire auraient pu en bénéficier dès la mi-avril 2024 si la proposition de loi, réglant le litige entre collectivités locales et Éducation nationale, adoptée par l’Assemblée Nationale le 8 avril dernier avait respecté le texte voté par le Sénat trois mois plus tôt.

Mais parce que la députée de la majorité gouvernementale (en fait la plus forte minorité) Virginie Lanlo, rapporteure du texte, a fait voter en commission deux amendements rédactionnels remplaçant le mot « sur » par « pendant », le texte devra à nouveau être examiné au Sénat ! Cette manoeuvre dilatoire n’a été relevée ou dénoncée par aucun député, de quelque parti ou groupe politique que ce soit, bien au contraire : outre la demande d’un rapport sur la mise en oeuvre, ils ont laissé passer en séance un autre amendement témoignant de la volonté gouvernementale de renvoyer l’application à plus tard, au mieux pour la rentrée de septembre. Les députés offrent ainsi au budget l’Éducation Nationale plusieurs mois de répit, sur le dos des élèves privés de cantine.

Rappel des faits : l’Éducation Nationale doit fournir du personnel d’aide (AESH) aux élèves handicapés que leur Maison Départementale des Personnes Handicapées a considéré nécessaire. Année après année, ce ministère n’a pas prévu le budget nécessaire pour assurer cette aide pendant les heures de cours, et ne voulait pas la prendre en charge pendant la cantine (« pause méridienne ») et les activités périscolaires. La commune bretonne de Plabennec avait obtenu en avril 2011 un arrêt de la plus haute juridiction administrative, le Conseil d’État, enjoignant l’Educ’ Nat’ de payer les personnels nécessaires. 9 ans après, le Conseil d’État a inversé sa décision : les communes, départements et régions doivent financer l’aide à la cantine et aux activité périscolaires : grand succès remporté par Sophie Cluzel, alors secrétaire d’État aux personnes handicapées… Mais comme la plupart de ces collectivités locales n’ont pas voulu pas payer les personnels employés par l’Éducation Nationale, l’obstination étatique a handicapé davantage les élèves handicapés.

Pour régler le litige, le sénateur Cédric Vial a défendu et fait voter le 23 janvier dernier une proposition de loi chargeant l’État de régler la facture, pour la seule pause méridienne. Bien qu’oubliant les activités périscolaires, l’adoption de ce texte dans les mêmes termes par les députés aurait définitivement réglé l’affaire. Mais non, c’était trop simple, il fallait la faire durer en renvoyant le texte au Sénat à une date encore inconnue. Et si cette assemblée décidait d’en changer ne serait-ce qu’une virgule, ce n’est pas à la rentrée 2024 que les élèves handicapés connaîtraient les joies de la cantine, mais encore plus tard en tenant compte de la seconde lecture obligatoire à l’Assemblée.

On n’en est pas encore là, mais un fait est évident : une fois de plus, le Gouvernement a menti aux parlementaires et à la population. « L’État prendra ses responsabilités et financera désormais l’accompagnement des enfants en situation de handicap sur le temps du déjeuner », clamait le 30 janvier le Premier ministre, Gabriel Attal, à la tribune de l’Assemblée Nationale. Ce « désormais » vient se télescoper avec les amendements rédactionnels de sa collègue du même parti politique, pour laquelle cela veut dire « plus tard. »

Laurent Lejard, avril 2024.

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