« Les enfants handicapés doivent être accompagnés pendant tous les temps de la journée scolaire ». Ce rappel d’Isabelle Leheutre, adjointe au maire de Plabennec (Finistère) chargée de l’enfance, de la jeunesse et des affaires sociales sonne comme un rappel à la loi adressé au ministère de l’Éducation Nationale. Ce qui est en cause, c’est non seulement l’organisation mais aussi le financement de l’aide humaine de l’accueil du matin, pendant la pause de midi et la cantine, la garderie du soir après la classe et les autres activités périscolaires. « En 2011, l’Éducation Nationale refusait de couvrir ces activités pour les enfants bénéficiant pourtant d’une notification de la Maison Départementale des Personnes Handicapées, précise Ludivine Mingant, directrice du service municipal enfance et jeunesse. L’Éducation Nationale considérait que seule la pause méridienne pouvait être prise en charge, mais sans prendre en compte les besoins des familles. Elle renvoyait à la commune et aux familles d’organiser les temps d’accueil du matin et du soir. » En clair, les parents auraient dû prendre sur leur temps de travail ou d’activité, ou prévoir et payer les aides humaines nécessaires alors que les autres enfants étaient traités dans le cadre commun.

Face à ce refus, la municipalité a soutenu les familles concernées, que ce soit l’actuelle de droite ou la précédente de gauche : « La motivation est toujours la même, commente Isabelle Leheutre. Le refus de l’Éducation Nationale est à contre-courant des obligations d’accueil des élèves en situation de handicap. Elles ont un coût et ce n’est pas à la commune de le supporter ». C’est pourtant ce que cette ville de 8.000 habitants a fait, en assurant en 2010 et 2011 à une famille concernée les heures d’accompagnement scolaire refusées par l’Inspection Académique. Tout en portant l’affaire devant la justice administrative, qui lui a donné raison dans un arrêt du Conseil d’État rendu le 11 avril 2011 confirmant un référé du Tribunal Administratif de Rennes : « Les missions des assistants d’éducation affectés à l’accueil et à l’intégration scolaires des enfants handicapés s’étendent au-delà du seul temps scolaire ; Considérant qu’il incombe à l’État, au titre de sa mission d’organisation générale du service public de l’éducation, de prendre l’ensemble des mesures et de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour que le droit à l’éducation et l’obligation scolaire aient, pour les enfants handicapés, un caractère effectif ; qu’à cette fin, la prise en charge par celui-ci du financement des emplois des assistants d’éducation qu’il recrute pour l’aide à l’accueil et à l’intégration scolaires des enfants handicapés en milieu ordinaire n’est pas limitée aux interventions pendant le temps scolaire ». La Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie et le Défenseur des Droits ont adopté cet avis de longue date, comme en témoigne cet historique documenté.

Une décision claire et nette, que l’actuel ministre de l’Éducation Nationale conteste plus de sept ans après comme il l’a déclaré au Sénat le 20 novembre en réponse à une question de la sénatrice centriste Françoise Gatel. Elle lui rappelait cet arrêt en déplorant qu’une « note du ministère en date du 5 janvier 2018 [annonce] que leur financement devait être supporté par les communes. » Jean-Michel Blanquer a justifié cette position en invoquant « le cadre d’un référé [qui] ne saurait donc, en droit administratif, faire jurisprudence. Aussi, afin de trancher définitivement cette question, mes services ont formé deux pourvois en cassation, qui permettront au Conseil d’État de se prononcer sur la question ». La question, ce sont deux nouvelles condamnations de l’Éducation Nationale, sur le fond cette fois, d’abord par le Tribunal Administratif de Rennes puis le 25 juin 2018 par la Cour Administrative d’Appel de Nantes. L’un et l’autre jugement confirment que l’Éducation Nationale doit fournir et rémunérer les Auxiliaires de Vie Scolaire pour l’ensemble des heures accordées par la MDPH. La même Cour avait rendu un jugement similaire le 15 mai précédent, au profit d’une famille et de la commune de Bruz (Ille-et-Vilaine) qui fait partie de l’aire urbaine de Rennes. Le Conseil d’État devra donc à nouveau se prononcer, et rien ne permet de penser qu’il tranchera autrement qu’en 2011. Pendant ce contentieux, les enfants sont accompagnés comme ils le doivent, la commune de Plabennec prenant en charge les aides refusées par l’État : « On a contractualisé avec les AVS pour assurer les temps d’aides, ajoute Isabelle Leheutre. Les montants sont symboliques, c’est une question de principe. »

Ces poursuites à répétition, relayées dans la presse locale, ont attiré l’attention d’autres villes plus importantes pour lesquelles l’impact financier est plus élevé. Elles ont pris contact avec Plabennec. « La prise en charge varie selon les territoires, précise Ludivine Mingant. Dans le Finistère, la pause méridienne est couverte par l’Éducation Nationale mais pas dans d’autres départements. Les besoins de l’enfant doivent être réglés. Et on doit travailler sur l’inclusion. » Effectivement, l’inclusion, l’État la discute, Plabennec la réalise…

Laurent Lejard, décembre 2018.

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