Les commentateurs ont eu bien du mal à sortir quelques éléments du Comité Interministériel du Handicap qui s’est réuni le 6 octobre dernier. Aussi se sont-ils rabattus sur les « éléments de langage » distillés la veille par les cabinets de la Première ministre et de la ministre chargée des Personnes handicapées : « CIH de méthode visant à fixer la manière de travailler du gouvernement, impulser une nouvelle dynamique et définir les priorités », autrement dit les dispositions c’est pour plus tard. Ce Comité est en effet présenté comme préparatoire à la prochaine Conférence Nationale du Handicap d’abord annoncée pour l’hiver puis, quelques heures plus tard, au printemps 2023.

Pour patienter, quelques os ont été jetés en pâture aux commentateurs : publication d’une circulaire rappelant l’importance d’un pilotage interministériel des enjeux du handicap, « communication publique 100% accessible et une politique RH plus inclusive », nomination prochaine d’un délégué interministériel à l’accessibilité et de sous-préfets référents. Détaillons tout cela :

  • La circulaire intitulée « Mise en oeuvre de la politique interministérielle pour l’inclusion des personnes handicapées » remémore que depuis 10 ans chaque chef du Gouvernement publie « sa » circulaire aux ministres sur la prise en compte du handicap dans leur action, projets de loi et décrets, sans qu’ils le fassent ; les circulaires de Jean-Marc Ayrault (septembre 2012), Manuel Valls (juillet 2014), Edouard Philippe (novembre 2017) et Jean Castex (novembre 2020) sont demeurées des chiffons de papier.
  • La mise en accessibilité de la communication gouvernementale, enclenchée il y a deux ans pendant la crise sanitaire, fait l’objet d’une nouvelle charte précisant ses contours ; cette accessibilité sera financée sur le budget de chaque ministère, ont assuré les services de la Première ministre, et non plus comme en 2021 et 2022 par les crédits dédiés à l’emploi des travailleurs handicapés.
  • La politique de recrutement s’est surtout traduite par des suppressions de postes dans la fonction publique, ultralibéralisme européen oblige.
  • La création d’un délégué interministériel à l’accessibilité universelle, outre qu’il va empiéter sur les prérogatives de la déléguée ministérielle à l’accessibilité du cadre bâti et des transports, rappelle feu le délégué interministériel aux personnes handicapées dont le résultat de l’action fut à géométrie variable : nul quand le premier titulaire de la fonction fut Patrick Ségal, faible avec son successeur de 2002 à 2009, Patrick Gohet ; la fonction n’a d’ailleurs pas survécu à son départ tant son utilité restait à démontrer.
  • La nomination de sous-préfets à l’accessibilité consistera en fait à affecter cette responsabilité aux fonctionnaires en poste qui traiteront ce sujet parmi les autres dont ils ont la charge.

Rien de bien solide ne ressort de ce premier CIH du gouvernement d’Elisabeth Borne, si ce n’est un arbitrage défavorable : si la Première ministre a décidé de nommer un délégué interministériel à l’accessibilité universelle, c’est en rejetant la création de la fonction de haut-commissaire à l’Accessibilité. Élaborée par l’administration centrale, cette proposition donnait une réelle capacité d’action au titulaire ayant rang de préfet et disposant de l’autorité nécessaire pour parler d’égal à égal avec les directeurs d’administrations et les préfets. Ceux qui ont connu la réalité de ce que fut la fonction de Délégué Interministériel aux Personnes Handicapées en savent la portée très limitée. De plus, le futur délégué interministériel à l’accessibilité universelle ne disposera d’aucun budget ni moyens ; il sera rattaché au secrétariat général du CIH, lui-même doté seulement de cinq cadres et une assistante. La réalité de cette nouvelle fonction dépendra également de la personnalité de celle ou celui qui l’occupera, ajoutant encore de l’incertitude à l’incertitude.

Laurent Lejard, octobre 2022.

*Macroner : se montrer très inquiet d’une situation mais ne rien faire. Verbe créé par les Ukrainiens au printemps dernier pour qualifier la gesticulation politique du Président français pendant que l’armée russe envahissait leur pays.

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