Depuis 15 mois, le Centre National d’Information sur la Surdité, Surdi-Info, est en sommeil à la suite du renoncement de son gestionnaire, la fondation OVE (ex-Oeuvre des Villages d’Enfants) qui a d’ailleurs poursuivi son oeuvre de désengagement en fermant brutalement, mi-avril dernier, la radio parisienne du handicap Vivre FM. Mais le dormeur est en train de se réveiller sous l’impulsion d’un repreneur, la Fondation Pour l’Audition (FPA), émanation en 2010 de la fondation Bettencourt-Schueller et de l’héritière milliardaire Françoise Bettencourt Meyers.
« On a estimé que ça répondait à un réel besoin des personnes concernées par une surdité ou un trouble de l’audition, justifie Léonard Francelet, responsable de la communication de la FPA. Il était hors de question pour la fondation que ce service qu’on considère être un service public ferme ses portes et ne puisse plus répondre aux besoins des personnes concernées et à leurs proches. » Même si la tutelle d’État ne semble pas s’être manifestée, une passation de responsabilité a été effectuée entre OVE et la FPA, complète Pauline Descours, responsable du projet CNIS : « Laurent Matillat, son responsable à la fondation OVE, a été maintenu dans ses fonctions jusqu’à ce que la passation soit faite à la Fondation Pour l’Audition, pour que tout se passe bien et qu’il n’y ait pas de ‘rupture de parcours’ pour les utilisateurs mais aussi pour les partenaires, qu’ils aient une personne à contacter pour ce projet. »
La version 2 du CNIS maintient un comité de pilotage rassemblant 11 associations nationales couvrant l’ensemble de la diversité des surdités et des personnes qui les vivent, un comité éditorial pour repenser les contenus du site Internet et notamment son architecture, auxquels s’ajoute un comité stratégique.
Les permanences téléphoniques d’écoute et d’information, et « une psychologue à votre écoute », vont rouvrir d’ici la fin du mois. « Depuis un peu plus d’un mois, on répond déjà aux questions qui arrivent par mail, ajoute Pauline Descours. On sera joignable par téléphonie accessible avec transcription en temps réel, codage en Langage Parlé Complété et traduction en Langue des Signes Française [téléphonie sous-traitée à l’opérateur Elioz comme précédemment]. La version 2 est aussi l’occasion de repenser le parcours utilisateur pour que les gens trouvent plus facilement l’information sur le site Internet, et d’embarquer véritablement les associations pour leur donner un poids afin qu’on puisse travailler sur les thématiques où il y a des difficultés d’information. » Les appellations CNIS et Surdi-Info devraient évoluer, et une nouvelle charte graphique déployée.
Pauline Descours apprécie que le CNIS soit repris par une fondation dédiée aux thématiques de l’audition et aux surdités au sens large du terme. « On va travailler davantage sur l’humain, par exemple l’acceptation de sa surdité, comment l’évoquer avec son entourage ou au travail, dans tous les points de vue c’est-à-dire, par exemple, celui de la personne et de l’employeur, des collègues : comment est-ce qu’on aborde ces thématiques-là pour améliorer finalement la qualité de vie des personnes concernées. » Le service continuera à travailler pour ses deux publics cibles : les personnes devenues sourdes et les parents qui apprennent la surdité de leur enfant. « Pour eux, la surdité, c’est quelque chose de nouveau, ils n’y connaissent absolument rien. On va créer des parcours utilisateurs ‘Je suis parent’, ‘Je suis une personne concernée’, et tout ce travail est en train de se faire en interne, avec les associations qui ont leur droit de regard dessus, pour une mise en place en septembre. »
Le comité stratégique devra valoriser les actions du CNIS pour le faire connaître et reconnaître. Outre des représentants associatifs, l’État sera représenté par la Direction Générale de la Cohésion Sociale (DGCS) c’est-à-dire l’administration du handicap. Si le côté gouvernance est connu, le budget de Surdi-Info V2 demeure confidentiel ; on sait seulement qu’il est financé par l’État à hauteur de 200.000€, soit la moitié de ce que consommait la fondation OVE avant de jeter l’éponge, et que l’adossement de la FPA à la fondation Bettencourt-Schueller devrait la mettre durablement à l’abri du besoin. Des personnels de la FPA seront toutefois sollicités pour faire jouer les synergies, notamment pour la communication, les ressources humaines ; le service a embauché une répondante pour la plateforme d’écoute et d’information, et emploiera également une psychologue, en recourant au besoin à des moyens variables en fonction des besoins des utilisateurs. Toutefois le CNIS ne veut pas communiquer les objectifs négociés avec la DGCS en termes d’utilisation de la plateforme par les usagers potentiels alors qu’elle constitue l’enjeu de sa pérennité : parviendra-t-il à toucher son public ?
Laurent Lejard, juin 2025.
Avec le soutien d‘Acceo-Tadeo