La célèbre Zone Interdite de M6 a encore frappé, cette fois sur le thème des « Scandales et défaillance de l’État, dossiers noirs du handicap. » Une enquête d’un an composée en partie d’images floutées, qui remet d’abord en cause l’inclusion scolaire, sans nuance, en tirant argument des insuffisances de l’Éducation nationale en matière de recrutement et formation des Accompagnants d’Élève en Situation de Handicap, et également d’enseignants en ULIS dont « un tiers n’aurait pas la qualification requise » affirme le commentaire. Si les lacunes de l’État sont connues, de même que le comportement lamentable de quelques enseignants et personnels, ils sont ici instrumentalisés pour finalement en arriver à justifier l’exclusion scolaire, comme certains politiciens savent si bien le faire.

Une enquête dans « le milieu du handicap où règne l’omerta » qui enchaîne avec Olivier Paolini. Lequel a enseigné dans un Institut Médico-Éducatif de Narbonne (lire cet article) dont il dénonce l’état proche du péril, et sa dangerosité pour les enfants accueillis dans des conditions hors-normes en termes d’hygiène et de sécurité. Toutefois, l’enquête oublie de dire que Monsieur Paolini est également président-fondateur du mouvement macroniste L’inclusion en marche : un lanceur d’alerte dénonçant l’indécence d’un établissement d’éducation spécialisé d’une main, et de l’autre un militant actif du pouvoir qui en est l’une des causes. Néanmoins cette Zone Interdite a ainsi dézingué l’éducation spécialisée après s’être payée l’Éducation nationale.

Et voilà le téléspectateur plongé dans la maltraitance au sein d’établissements médico-sociaux. Le constat est partiel, partial, reposant en totalité sur les personnels : turn-over élevé, postes vacants, recours massif à des intérimaires deux fois plus chers, emploi de faisant-fonction « de ce que vous voulez. » Aucune explication du contexte de la dégradation du secteur médico-social entamée bien avant la crise sanitaire du Covid et accentuée depuis sans qu’une amélioration structurelle soit en vue. Non, dans Zone Interdite, des personnels sont sadiques et leurs faits de maltraitance institutionnelle ignorés par les directions d’établissements et l’administration qui les contrôle.

Face à cette enquête à charge, le Gouvernement a hâté la présentation d’une nouvelle Stratégie nationale de lutte contre les maltraitances, dont une partie des mesures est reprise des Stratégies précédentes parce que pas mises en oeuvre. Elle cible les conséquences, non les causes profondes comme le déplore dans une tribune le président de l’Unapei, celles qui sont liées à la dévalorisation des métiers du médico-social et aux moyens insuffisants : « En ne proposant aucune solution d’accompagnement permanente, pérenne et durable […] le gouvernement creuse davantage le fossé avec ses concitoyens. Nous ne pouvons tolérer ce déni de réalité, ni ces oeillères face à des constats connus de tous, à tous les échelons du territoire. »

Dans la Stratégie gouvernementale présentée le 26 mars, les personnels sont en première ligne et la responsabilité des pouvoirs publics totalement gommée. Ce sont pourtant les Départements et les Agences Régionales de Santé qui financent insuffisamment et refusent de créer les structures nécessaires aux besoins, et les procureurs de la République classeurs de plaintes sans suite qui ont le pouvoir de régler la sempiternelle question des maltraitances. Les premiers ont le pouvoir d’agir structurellement et durablement, les derniers de réprimer les comportements délictuels ; encore faudrait-il qu’ils écoutent et croient la parole des victimes au lieu de la mettre quasi-systématiquement en doute. Mais la Justice est absente de la Stratégie nationale. Finalement, Zone Interdite et le Gouvernement jouent la même partition : haro sur les personnels !

Laurent Lejard, avril 2024.

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