Mon histoire commence un jour d’hiver. Peut-être faisait-il beau, je ne m’en souviens pas. Un stupide petit caillot de sang décide de se loger dans mon cerveau, je m’effondre en plein boulot : je fais un accident vasculaire cérébral (AVC). Je me réveille le lendemain ne contrôlant plus mon corps. Ma mémoire et mes souvenirs sont intacts. Ouf : je n’ai pas fait 5 ans d’études, ni appris toutes ces langues étrangères pour rien ! Le verdict tombe : j’ai un locked-in syndrome (LIS). J’arrive juste à cligner des paupières. Contrairement à beaucoup de LIS, j’ai peu ou pas fait de coma.

Grâce à la rééducation, je récupère progressivement les rotations de la tête (très utile pour une curieuse comme moi !), certains muscles faciaux (j’ai perdu mon éternel sourire, même si je sais sourire spontanément) et partiellement ma main et mon coude gauche. Mon majeur est le doigt le plus fort (je fais très bien les doigts d’honneur !) et l’utilise pour plein de choses… Je conserve mes cinq sens : je vois très bien, même si ma lecture est ralentie par un saut à la ligne hasardeux, j’entends parfaitement et deviens très forte à reconnaître les voix à force de ne pas savoir me retourner lorsque quelqu’un vient par derrière. Je sens tout, du moins quand de l’air passe dans mon nez, je goûte avec joie, malgré ma langue qui bouge très peu. Je conserve ma sensibilité partout : j’apprécie les massages et déteste les mains froides ! J’ai gardé mes réflexes mais perdu tout contrôle sur ceux-ci. Je soupire et tousse n’importe quand, je ris et pleure à la moindre émotion, c’est assez déroutant pour moi comme pour mon entourage…

Ceux qui ont vu ou lu « Le scaphandre et le papillon« , premier livre à parler de ce syndrome, auront en tête un monsieur dans la fleur de l’âge étant devenu une vraie « plante verte ». Peu imaginent une jeune femme désirant commencer sa vie. Grâce à mon bras j’ai relativement vite su mieux communiquer que rien qu’avec les yeux, même si ça reste lent. Pour mon plus grand malheur, j’ai eu mon attaque très jeune : j’avais juste 25 ans quand l’irréparable est arrivé. A mon grand regret, j’étais loin de me marier ou d’avoir des enfants. Mais j’ai la « chance » d’avoir encore mes parents, qui peuvent prendre soin de moi. Je suis en effet devenue très dépendante, par exemple pour mettre un pull, me maquiller ou même… me gratter.

Je réside chez mes parents, à une demi-heure au sud de Bruxelles. Ils ont agrandi la maison pour que j’aie une salle de bain adaptée et une chambre au rez-de-chaussée. Comme avant, je dévore des bandes dessinées, je fais la fête chez des amis (des volées d’escaliers ne m’arrêtent pas s’il y a quatre costauds pour me porter), je joue encore à certains jeux de société où je guide mes actions par « oui-non », et je continue à voyager, même si je dois me contenter de ce qui est accessible. Bien sûr j’ai dû faire une croix sur le sport. Je voudrais beaucoup rencontrer des semblables, je projette de commencer un peu à travailler et j’espère le succès du site internet que j’ai créé : Handilien.

Mon père cherche souvent sur le web ce qui peut améliorer mon confort. Quand on sait ce qu’on cherche, on parvient à trouver. Cela prend parfois du temps, mais on se débrouille. Rails, porte-carte, camionnette font ainsi leur apparition. Un service wallon propose des aides techniques disponibles, telle cette télécommande par balayage qui me permet de contrôler la télévision à l’aide d’un simple bouton. Je ne suis plus obligée de rester sur du téléshopping et me farcir plusieurs fois la météo ! Le même service m’a proposé un ordinateur commandé à l’oeil, et nous avons découvert qu’un lit pouvait se contrôler par infrarouge, et donc par télécommande.

Le centre de revalidation (réhabilitation) me fait aussi beaucoup connaître. Grâce à la kiné, je rencontre divers objets tels que un verticalisateur, un vélo assisté ou une canne quadripode. C’est mon ergothérapeute, dont le métier est de faciliter la vie quotidienne, qui me trouve le plus de choses pratiques. Je découvre les antidérapants, des objets facilitant le boire et le manger, et un logiciel gratuit par balayement pour taper du texte d’un seul clic. Je vois à mon grand étonnement qu’il existe plein d’aides différentes reprises dans un catalogue ! Par hasard, je tombe sur un site internet qui propose des randonnées aux personnes à mobilité réduite. Et coup de chance : la prochaine rando est juste à coté de chez moi ! Je fais connaissance de la Joëlette, sorte de chaise à porteur sur roue, permettant de passer partout.

Mon père assiste à la journée d’Alis, Association des Locked-In Syndrome et me rapporte qu’il y a vu un petit appareil qui vocalise ce que l’on tape. C’est exactement ce qu’il faut pour communiquer avec des non-habitués ! Je regrette que personne ne me l’ai proposé plus tôt. Je me rends compte de la difficulté à savoir tout ce qui existe…

Je décide donc de remédier à ce manque d’information en créant un site Internet. Ayant trop peu accès à Internet en centre, je repousse la création à mon retour chez moi. Je remarque aussi qu’il existe plein d’associations géniales, mais qui n’ont pas les moyens de faire de la pub ! Et comment être au courant de tout ce qui s’organise, sinon en proposant d’en faire la pub ? Si vous voulez savoir ce qu’est un caillebotis ou une flasque, surfez sur handilien.eu !

Caroline, janvier 2012.

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