Présenté par ses concepteurs comme un fauteuil roulant nouvelle génération, le Gus est en fait un gyropode assis, l’un des deux modèles disponibles sur le marché français depuis la liquidation judiciaire, en avril 2022, du Nino [et outre la fabrication artisanale de l’association alsacienne Paramove à base de réemploi de pièces de Segway, lire ce reportage.] A la différence de son unique concurrent, le Genny ressuscité en 2024 à près de 17.000€ pièce, l’aspect fonctionnel, frustre, presque brutal du Gus s’accompagne d’un avantage considérable : un prix de vente tout juste inférieur à 10.000€.
Le Gus a été créé pour résoudre le besoin de mobilité d’un homme devenu handicapé, Pascal Malvezin. Son beau-fils, Philippe Cardoso, déjà engagé dans la conception du gyropode assis et verticalisateur Gyrolift dont le fabricant a été liquidé il y a deux ans (lire Les ratés du 14 juillet 2023), a bricolé une solution. « Philippe a récupéré un gyropode debout, scié son manche, fixé dessus un siège de tondeuse et installé une commande au niveau des genoux permettant de conduire l’appareil, raconte Oscar Rochet, responsable commercial. Il l’a apporté à l’hôpital, entraînant un rassemblement des personnels soignants se demandant ce que c’était ! » C’est ainsi que Pascal Malvezin s’est lancé dans le projet Gus et l’amélioration de l’engin : un fauteuil roulant qui ne ressemble pas à un fauteuil traditionnel et passe partout, à l’intérieur comme à l’extérieur.
Depuis ce premier prototype, six autres ont suivi jusqu’à la finalisation du Gus actuel, dont le nom résulte d’une soirée arrosée d’où est sorti « viens avec ton gus » : Gyropode Utilitaire Sportif. Un engin à motorisation électrique bridé à 10 km/h pour respecter la réglementation routière, une autonomie de trente kilomètres, pouvant gravir des courtes pentes à 20%, parcourir des chemins à 6% grâce aux pneus basse pression. Comme tous les gyropodes, l’engin se déplace en fonction des mouvements du corps, penché vers l’avant pour avancer, l’arrière pour reculer, et freiner en se redressant. Toute personne en capacité de mouvoir son torse peut piloter un Gus, ce qui inclut potentiellement les paraplégies basses et hémiplégies : « Les deux critères principaux, c’est d’être alerte pour maîtriser les mouvements avant-arrière, et autonome sur la machine, avec la mobilité du haut du corps », précise Oscar Rochet.
On change de direction au moyen d’un guidon dont le système a une sensibilité réglable, par exemple pour l’usage d’une seule main, alors qu’avec un gyropode debout tourner s’effectue en penchant le corps vers la droite ou la gauche. Une appli mobile chargée sur un smartphone vendu avec le Gus assure par liaison Bluetooth les réglages fins, des fonctionnalités pratiques, un SAV connecté et la sécurité du pilote en analysant les paramètres de conduite, par exemple pour freiner l’engin s’il prend trop de vitesse. Le guidon facilement amovible rend le transfert aisé et permet de s’accouder à une table, deux accoudoirs relevables améliorent le confort du pilote. Le siège est basique, avec un coussin maintenu par velcro facilement remplaçable par un autre mieux adapté. À l’arrêt, une fourche avant et béquille anti-bascule arrière assurent l’immobilisation de l’engin ; cette sécurité se déclenche également à la vitesse d’un airbag lorsqu’en roulant l’une des roues tombe dans un trou. Côté signalisation, un kit lumière est disponible en option pour circuler de nuit. Avec ses 63kg, le Gus ne peut entrer dans une voiture qu’au moyen de rampes, mais il peut être déplacé par un piéton debout. Et il est aussi compact qu’un fauteuil actif sans repose-pieds.
A l’exception de la batterie lithium-ion Samsung (trop puissante pour que l’appareil soit transporté en avion) et des pneus, le Gus est intégralement fabriqué en France, carte électronique incluse. Les pièces de structure métallique et la carrosserie sont fournis par des fabricants français, l’assemblage étant réalisé en atelier à Vallon-en-Sully dans l’Allier, sans aucun souci de design. « On voulait proposer un produit démocratique en termes de prix, justifie Oscar Rochet. A 7.500€ [avant l’augmentation de novembre 2025 qui le porte à près de 10.000€ NDLR] par rapport à un fauteuil roulant manuel, le commun des mortels va penser c’est cher. En revanche, quand on compare le Gus avec une technologie équivalente, il est plus accessible. C’est dans l’ADN de notre entreprise. Design veut dire coût supplémentaire. » A l’avenir, GusNGo envisage néanmoins de proposer une personnalisation de l’engin. Toutefois, bien qu’homologué Cerah, faute d’inscription sur la Liste des Produits et Prestations Remboursables par la Sécurité Sociale le Gus ne peut être financé, partiellement, que par la Maison Départementale des Personnes Handicapées, essentiellement au titre du Fonds départemental de compensation, ou l’Agefiph dans un cadre professionnel. Ce qui explique le faible nombre d’exemplaires vendus, une cinquantaine. Mais avec une technologie de pointe associée à une appli mobile, le Gus, même s’il n’en jette pas, vaut la peine d’être testé, et plus si affinités.
Laurent Lejard, novembre 2025.



