Jacques Chirac est mort dans sa 87e année, le 26 septembre dernier. Ce professionnel de la politique aura marqué la vie publique française pendant une quarantaine d’années, et les personnes handicapées lui doivent pour beaucoup d’exister enfin dans la société française. En tant que Premier ministre du président Valéry Giscard d’Estaing, il a porté la première loi leur accordant des droits globaux : accès à l’éducation et à l’emploi, création du revenu minimum d’existence qu’est l’Allocation Adulte Handicapé, d’une allocation pour les parents d’enfants handicapés, d’une obligation d’accessibilité des constructions neuves, entre autres innovations ouvrant la voie vers l’autonomie. Douze ans plus tard, Premier ministre de cohabitation de François Mitterrand, il porte la loi instaurant une obligation de résultat dans l’emploi d’au moins 6% de personnes handicapées pour le secteur privé. Et c’est en tant que Président de la République que son Gouvernement porte et fait adopter la fameuse loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Elle crée un droit à compensation du handicap, rend obligatoire l’inscription des enfants dans l’école de proximité, étend l’obligation de résultat dans l’emploi aux trois fonctions publiques, entre autres avancées considérables. Jacques Chirac aura, toute sa vie durant, été attentif à la place des personnes handicapées dans la société, allant jusqu’à créer une Fondation gestionnaire d’établissements médico-sociaux.

On ne connait pas vraiment les motivations de Jacques Chirac, il ne s’en est jamais justifié; d’ailleurs, le devait-il ? Il était sensible aux autres, c’est ce qui restera. Qu’il n’ait oublié, pendant sa longue carrière, ni son compte en banque ni son parti politique au point d’avoir été mis en cause dans des affaires politico-financières (dont une lui a valu en 2011 une condamnation à deux ans de prison avec sursis) est dans la logique des moeurs politiciennes passées et, malheureusement, présentes. Ses successeurs Nicolas Sarkozy, François Hollande et Emmanuel Macron ont fait l’objet, directement ou indirectement, d’accusations similaires; ce n’est pas le propos ici. Mais tous n’ont eu de cesse que de détricoter les droits accordés aux personnes handicapées : ponctions par dizaines de millions d’euros en 2009 et 2010 sous Nicolas Sarkozy au détriment des aides à l’emploi en pleine hausse du chômage des travailleurs handicapés, ponctions renouvelées et amplifiées sous François Hollande qui leur ajoute la suppression de l’accessibilité universelle des transports et du cadre bâti, destruction sous Emmanuel Macron de l’accessibilité du logement et lancement d’un projet de suppression de l’AAH…

Tous les pans de l’oeuvre législative de Jacques Chirac ont été attaqués ou sont menacés. S’il ne faisait pas de grands discours sur la place des personnes handicapées dans notre société, lui a agi. Et bien d’autres, qu’ils soient hauts-fonctionnaires, ministres ou Présidents de la République, n’ont eu de cesse que de détruire l’édifice législatif qu’il avait édifié pour protéger et émanciper les personnes handicapées. On le regrettait déjà ; qui reprendra le flambeau ?

Laurent Lejard, octobre 2019.

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