Marie-Thérèse Boisseau, Secrétaire d’Etat aux personnes handicapées, et Jean-François Mattéi, Ministre de la santé, se sont livrés à un exercice de funambulisme en présentant à la presse le 10 décembre 2003 les orientations du texte de loi réformant l’aide aux personnes handicapées. Le texte lui- même n’a pas été rendu public, il est réservé notamment à quelques associations membres du Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées (C.N.C.P.H). Contrairement aux dires de Monsieur Mattéi, ce texte a été adressé au C.N.C.P.H la veille de la conférence de presse. Il nous est actuellement impossible de présenter une analyse précise de ce que le Gouvernement veut inscrire dans les faits, mais on peut dire qu’il y a un peu de statu quo, des intentions affirmées et de nombreuses inconnues.

Côté statu quo, le système allocataire demeure quasiment le même : l’allocation adulte handicapé (A.A.H) perdure dans ses conditions d’attribution et son montant. Elle deviendrait cumulable avec un emploi à temps partiel sans qu’aucun chiffre ne soit précisé. Il n’est annoncé aucune évolution relative à la prise en compte des ressources du conjoint ou assimilé dans le calcul de l’allocation. Aucune disposition relative à l’allocation d’éducation spéciale n’ayant été présentée, on suppose qu’elle n’est pas concernée par la réforme.

Les intentions affirmées consistent en l’affirmation du principe de non- discrimination appliqué à l’éducation, l’emploi, la citoyenneté et l’accessibilité : « La nouvelle législation organise de manière systématique l’accès des personnes handicapées au droit commun » lit- on dans l’exposé des motifs du texte de loi, qui poursuit : « Toute personne handicapée aura droit désormais aux aides qui lui auront été reconnues nécessaires pour compenser les conséquences de son handicap ». Quels seront les matériels homologués, les aides humaines financées et autres prestations ? Des décrets d’application préciseront sans doute ce droit universel : tarifs pris en charge, prise en compte des revenus du bénéficiaire, procédure, etc. En matière d’accessibilité du cadre bâti et des transports, on imagine mal que des dispositions soient inscrites dans la loi alors que le Gouvernement a fait signer aux ministres concernés et à quelques entreprises une Charte nationale qui n’a aucune portée autre que morale. La simplification des procédures est attestée par un tout- en-un, les différentes commissions et sites vie autonome devant fusionner dans une Maison départementale du handicap qui semble naître sous une mauvaise étoile : les deux ministres n’ont pas répondu aux questions portant sur les moyens humains et administratifs alloués à ces Maisons qui devront établir le plan personnalisé de compensation du handicap de près de trois millions de personnes.

Les inconnues résultent de la précipitation. L’hécatombe lors de la canicule a conduit le Gouvernement à ficeler rapidement un plan Dépendance dont les dispositions se télescopent avec la loi Boisseau. Une mission d’étude doit clarifier les compétences de la future Caisse qui financera les aides à l’autonomie et, attendant cet arbitrage, on ignore qui gérera les quelques 12 milliards d’euros alloués par l’Etat et la Sécurité Sociale à la politique en faveur des personnes handicapées. A propos de la Sécurité Sociale, le silence est complet sur le devenir des pensions d’invalidité et des rentes accident du travail : que deviendront- elles lors de la réforme de l’assurance- maladie ? Que dire également de l’absence d’un volet prévention- dépistage précoce des handicaps ? Faudra-t-il attendre la loi de santé publique du Ministre (en sursis) Jean-François Mattéi ?

On ressort de cette conférence de presse funambulesque avec au moins une réponse précise à nos récentes interrogations (lire cet Editorial) : Marie-Thérèse Boisseau est « très heureuse de travailler dans le gouvernement » et souhaite y rester après les élections régionales. « Ma mission est difficile mais me comble » a-t-elle ajouté. On est ravi pour elle mais les personnes handicapées partageront-elles le même sentiment ?

Laurent Lejard, décembre 2003.

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