Le 11 mars 2002, lors de la table-ronde qui réunissait au ministère délégué aux Personnes Handicapées hauts-fonctionnaires, individus et associations, une femme très déterminée s’est fait entendre : Monique Marestin.

A l’aube de la cinquantaine, Monique est plus remontée que jamais : elle était à la pointe du combat mené par des grands handicapés dépendants, prête à engager une grève de la faim, afin d’obtenir le financement de leurs aides à domicile. Sa vie, Monique la vit assise depuis l’âge de cinq ans, du fait d’une amyotrophie spinale d’origine indéterminée. Elle voulait étudier, « j’ai toujours aimé la lecture » précise- t- elle, « malgré une dyslexie qui me gène encore », mais l’accès à l’école lui a été refusé à douze ans et c’est par l’enseignement à distance qu’elle a acquis les diplômes qui lui ont permis de devenir enseignante.

Sa vocation a failli être condamnée deux fois. La première, à cause de ce grand « ponte » de la médecine qui lui prédit que sa maladie ne lui permettra pas de dépasser l’âge de vingt ans. Monique s’amuse, fait la fête avec une bande de copains rencontrés à l’APF de Pau, ville dans laquelle elle vient de s’installer, parce qu’elle va bientôt disparaître, elle est en classe de première: « j’avais un peu perdu la tête, ça a failli foutre en l’air mon parcours professionnel ». La seconde fois où sa vocation a été mise en danger est le fait de l’Éducation Nationale qui n’autorise pas les personnes porteuses d’une maladie d’origine génétique et évolutive à présenter le concours du Capes. Monique sera maître auxiliaire, une situation insatisfaisante en rapport à son travail, à sa volonté et à ses besoins.

Parce que vivre de manière indépendante lorsque l’on est totalement paralysé est un luxe qu’il faut pouvoir se payer et pour cela Monique Marestin a beaucoup travaillé. Après avoir quitté le giron familial, elle crée un cours privé, destiné à faire bûcher les indispensables mathématiques aux jeunes palois, et travaille beaucoup, ce qui contribue à détériorer son état de santé. Dans le même temps, elle milite pour l’amélioration des conditions de vie des personnes handicapées dépendantes pour combattre ce principe en vertu duquel « plus on est handicapé, moins on est aidé ».

Son action conduit à la réalisation d’un film, « Station debout pénible », exposant les conditions de la vie quotidienne de plusieurs personnes handicapées dépendantes. Les conseillers généraux décideront, après l’avoir vu, de déplafonner l’allocation compensatrice pour tierce personne : dans les Pyrénées-Atlantiques, il est possible depuis deux ans aux grands handicapés moteurs, dont les déficiences ont une origine génétique, de percevoir jusqu’à 1.830 euros d’ACTP par mois.

Monique a le coeur à gauche et tient à le proclamer ; c’est probablement pour cela qu’elle a des mots si durs envers les ministres du gouvernement Jospin, et les hauts-fonctionnaires de l’État: ceux qui participaient à la réunion du 11 mars 2002 furent piégés à deux reprises, incapables d’indiquer quelle part du SMIC représente l’allocation adulte handicapé, ni même l’excédent pour lequel les bénéficiaires de cette allocation sont privés de la Couverture Médicale Universelle. Mais Monique n’a pas eu l’honneur d’en discuter de vive voix avec la ministre de l’Emploi et de la Solidarité, qui n’a pas répondu favorablement aux multiples demandes de rendez-vous formulées ces trois dernières années.

Malgré l’accord du 11 mars, Monique demeure vigilante. Elle veut vivre pleinement et prépare l’arrivée prochaine de son enfant, une fillette d’origine africaine âgée de sept ans qu’elle va adopter afin de la sortir d’une vie de misère. Une adoption simple, au sens juridique du terme, parce que les services sociaux refusent à une femme handicapée, et dont les actes ordinaires de la vie sont effectués par des aides à domicile, la possibilité de devenir mère. Monique Marestin se définit comme « atypique »; ses combats le prouvent chaque jour.

Laurent Lejard, avril 2002.

PS : Monique Marestin est décédée en janvier 2005.

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