80.000 exemplaires vendus : Marie Cao est encore émerveillée du succès de librairie de son premier ouvrage, Le grand guide des signes avec bébé, paru il y a tout juste trois ans chez Marabout et présentant 200 signes pour communiquer avec des tout-petits. Elle leur a donné des suites avec une dizaine d’histoires signées : Fini la tétine !, Une chouette rentrée à l’école, Une pincée de magie pour Noël… Le principe : une histoire comportant une vingtaine de mots-signes que l’on peut apprendre au moyen de vidéos à visionner grâce aux QR codes des pages de chaque livre. Marie Cao met actuellement la dernière main à son prochain ouvrage, Mon imagier à signer – Les 280 mots incontournables des tout-petits, qui sera publié le 21 février toujours chez Marabout. Sur des illustrations de Youlie et Emmanuelle Pioli, le vocabulaire présente les parties du corps de l’enfant, des animaux, les légumes, les transports, etc. A chaque mot le dessin correspondant, le signe dessiné et sa vidéo accessible par QR code.

C’est la relation avec sa première fille qui a conduit Marie Cao à utiliser des signes : « Elle était un bébé très compliqué pendant ses premiers mois, avec un important reflux gastro-œsophagien, des hurlements toutes les nuits, de la douleur et moi, sa maman, qui ne comprenais pas ce qu’avait mon bébé. Et un jour je me retrouve face à elle à lui dire : « Mais dis-moi, fais-moi un signe de ce qui ne va pas ! » Là je me suis dit : « Il faut absolument que je mette en place avec mon enfant les signes que je connais par le biais de mon métier », parce que je savais que cette pratique se faisait aux États-Unis. Au bout de quelques semaines, ça se met en place, ça marche et me permet de mieux la comprendre, et je le partage sur les réseaux sociaux. » Communiquer avec son bébé au moyen de signes n’est pas nouveau, y compris dans l’édition comme en témoigne l’ouvrage publié en 2006 par une autre maman, Nathanaëlle Bouhier-Charles, chez l’éditrice sourde Monica Companys ; toutefois, Signe avec moi n’a pas connu le même succès de librairie à une époque où les réseaux sociaux étaient embryonnaires.

Quand bébé fait apprendre aux parents

« Le grand guide, poursuit Marie Cao, mon tout premier livre, est sorti juste avant le confinement Covid et ça a fortement joué. » Interprète diplômée en Langue des Signes Française et psychologie du développement, l’autrice Marie Cao s’est spécialisée dans la relation parents-petits enfants. Outre des conférences sur la « parentalité positive », elle est suivie sur Instagram par 186.000 internautes : « J’ai amené sur les réseaux sociaux la vulgarisation des signes et de la langue des signes, et créé des contenus gratuits. J’avais une communauté qui était très engagée, et ça répondait vraiment à un problème pour les parents, pouvoir mieux comprendre son bébé, s’épanouir en tant que parents. J’ai apporté ces solutions-là, et quand mon livre est sorti, il y a eu un réel amour de la part de ma communauté, de tous ces gens qui, pendant des années, avaient appris les signes grâce à moi au travers de mes vidéos sur Instagram ou Youtube. C’était une manière également de me remercier et d’offrir aussi autour d’eux ces signes, cette communication qui avait tant marché pour eux. »

Le salon, extrait de Mon imagier à signer

Mais comment ça marche ? « A chaque fois qu’on s’adresse au bébé pour des choses importantes, comme le bain, une promenade, une douleur, le lait, l’eau, on va faire le signe en même temps que l’on nomme ce qu’on est en train de faire : « Je te donne de l’eau, regarde, ça c’est de l’eau » et on fait le signe. Il va être associé petit à petit par l’enfant à l’objet, au besoin, à ce qu’il ressent, vu qu’il n’arrive pas à communiquer autrement qu’avec le cri ou le pointage, parce que l’enfant communique spontanément avec ses mains pendant son développement préverbal. Il va envoyer des bisous, faire des coucous, et surtout utiliser le pointage en montrant du doigt. A ce moment-là, quand on introduit les signes le bébé se met à les imiter et il voit que ça déverrouille des situations qui viennent apaiser. Il va comprendre le système nourri par le parent ou le professionnel de la petite enfance. » Marie Cao estime qu’il n’est pas nécessaire de devenir expert du signe, et que deux suffisent pour apaiser bien des problèmes : « Il y a le signe encore et le signe fini qui permettent de débloquer énormément de situations. On va dire : « Est-ce que tu veux encore du yaourt ? Est-ce que tu veux encore le bain ? » Le bébé va petit à petit apprendre que l’action continue avec ce geste là, et le signe fini va permettre à l’enfant de dire « stop, je veux que ça s’arrête ». On va le mettre en place au quotidien, et déjà juste ces deux signes résolvent de nombreux besoins chez le bébé. »

Une nouvelle langue pour la famille

Sa fille aînée, âgée de 6 ans, a évolué vers une connaissance de la langue de signes qui lui permet de communiquer avec les personnes sourdes de l’entourage de sa maman. Depuis son installation dans le Pays Basque, Marie Cao évolue moins dans le milieu Sourd : « Il y a encore beaucoup de colère dans la communauté sourde, ce qu’on comprend au vu des toutes petites évolutions qu’on observe. Il s’est ouvert aux entendants, pour collaborer, faire bouger les choses. Mais l’enseignement bilingue régresse, des écoles ferment, il devient difficile de trouver des enseignants bilingues ou Sourds. On se tourne de plus en plus vers la réparation de la surdité plutôt que de proposer de l’accompagnement et le bilinguisme. La liberté d’éducation pour les parents n’existe pas aujourd’hui, et c’est un milieu qui se retrouve un peu fermé parce que la société, l’État ne mettent pas de choses assez concrètes en place. »

Extrait de Mes histoires signées - C'est l'heure du dodo

A son niveau, Marie Cao a contribué à ouvrir aux entendants le monde des Sourds en leur donnant l’envie d’apprendre leur langue : « Des parents ont cherché à approfondir, côtoyer des personnes sourdes, se former à la langue des signes. Je me rappelle d’une maman qui travaille dans le champagne et qui, grâce au bébé-signe, a employé des interprètes pour traduire les vidéos expliquant tout le processus de production, organiser des visites en langue des signes sur son domaine, et on va observer effectivement de nombreux parents qui s’ouvrent à la langue des signes, soit carrément se forment et changent de voie. Dans les fratries, des enfants un peu plus grands veulent apprendre la langue des signes, comme moi j’ai pu le faire autour de 11 ans et c’est devenu une vocation pour moi. »

Un autre impact, essentiel, lui tient à coeur : « Quand le bébé signe, ses signes arrivent dans les foyers avant un éventuel diagnostic de surdité. Donc les parents signent avec leur enfant, communiquent au travers de signes et apprennent aux alentours de 9 à 12 mois qu’en fait il est Sourd. Ils n’ont alors pas d’a priori sur la langue des signes ni une perception négative, ils ont une image assez neutre de la langue des signes qui permet de communiquer. C’est dans mes tripes, faire entrer la langue des signes dans les foyers français avant les diagnostics de surdité, pour que les parents puissent faire finalement un choix éclairé au moment de décider de la langue d’éducation de leur enfant. »

Laurent Lejard, janvier 2024.

Les ouvrages signés de Marie Cao sont rassemblés sur cette page de l’éditeur Marabout.

Avec le soutien dAcceo-Tadeo

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