En 2013, l’Organisation des Nations-Unies mettait l’accent sur l’absence de secours adapté aux victimes handicapées d’épisodes de catastrophes naturelles. Elle avait alors publié une première enquête, constatant les carences en matière de prévention et d’information adaptée en temps réel. « En 2023, l’ONU a relancé l’enquête, constatant des progrès très limités et incitant l’ensemble des pays à avancer sur l’inclusivité, explique Ghislaine Verrhiest-Leblanc, directrice générale de l’Association Française pour la Prévention des Catastrophes Naturelles et Technologiques (AFPCNT). Il y avait une certaine urgence à adapter les stratégies de gestion d’urgence, de préparation et d’alerte aux publics spécifiques. »
Cette Association Française pour la Prévention des Catastrophes Naturelles et Technologiques créée en 2000, soutenue par l’État, travaille historiquement avec des experts français et internationaux sur la prévention des risques naturels. « En 2021 la ministre chargée de l’Ecologie a commandé une mission pluridisciplinaire d’expertise après l’accident de Lubrizol [incendie de l’usine chimique de Rouen] et les inondations du sud de la France. Elle a rendu un rapport assez mitigé sur la culture du risque : est-ce que les gens étaient conscients des actions à mener avant, pendant et après un événement, de façon éclairée ? Le rapport a proposé au Gouvernement de s’appuyer sur le tissu associatif ou une agence pour contribuer à développer la culture du risque d’une manière plus opérationnelle. L’APFCNT s’est positionnée, et a reçu pour 4 ans le soutien de ce ministère. »
Elle agit en complément de l’action de l’État dans ce domaine : « L’expérience montre que toutes ses actions régaliennes ne suffisent pas, et qu’il y a lieu de compléter. Ce que nous a aussi montré la crise sanitaire du Covid, c’est que la parole des autorités a perdu de la crédibilité auprès de la population. Alors on va écouter les besoins des personnes pour y répondre dans les formats qui marchent, qui sont attendus par les gens. » Mais aller au contact des publics sourds ou malentendants n’a pas été facile, malgré deux points de mesure demandés par l’AFPCNT à l’IFOP auprès de 20.000 personnes. « On avait demandé si on pouvait catégoriser les réponses avec des critères de situation de handicap, l’IFOP nous a répondu qu’il n’était pas possible de filtrer du fait du règlement de protection des données. Ces enquêtes ont montré que la moitié de la population ne se savait pas être exposée aux risques, et quand on demandait aux gens s’ils se sentaient préparés, plus de 80% ne s’estimaient pas prêts à faire face à un événement, n’ayant pas assez d’informations opérationnelles pour avoir les bons réflexes. »
C’est après des ateliers réunissant des personnes âgées que l’AFPCNT a commencé à adapter ses messages. « C’était davantage les valides à éduquer par rapport aux situations de handicap, en ayant des formats de communication très simplifiés. Cette simplification est au bénéfice de tous : en rendant nos support plus performants pour les personnes handicapées, ils le sont aussi pour l’ensemble de la population. » L’association a organisé des ateliers avec des personnes déficientes visuelles ou auditives, pour les écouter et tester des supports adaptés. Il en est également résulté une fiche de Recommandations pour une prévention plus inclusive des risques majeurs, à destination des décideurs locaux. « On prône, avec la Croix-Rouge, la préparation d’un kit d’évacuation d’urgence contenant couverture de survie, boissons, vivres, papiers importants, etc. Les personnes handicapées visuelles disent notre accompagnant c’est le chien guide, il faut prévoir de quoi manger, une gamelle pour lui donner à boire, une canne blanche de secours dans le kit. »
Des ateliers ont également été organisés à La Réunion avec des personnes sourdes pour tester des formats de clips en langue des signes, et des affichettes destinées aux entendants et comportant quelques mots-signes de risques et de prévention. Le clip d’information Citoyen résilient est interprété en LSF, et trois affichettes traduisent des mots essentiels en LSF, en créole martiniquais signé et en créole réunionnais signé. « Forts de cet atelier à La Réunion, on travaille cette affiche en clip avec interprète en créole réunionnais signé, pour que ça parle aux Sourds et que ça incite les entendants à apprendre à signer ces mots-là. » L’ensemble des ateliers a impliqué une trentaine de personnes. L’AFPCNT compte s’appuyer sur des associations de personnes handicapées et leur réseau pour faire connaître son action et ses supports, sans qu’on ait constaté à ce jour dans leurs actions de communication vers le public qu’elles s’impliquent dans cette évangélisation. Et l’association n’a pas sollicité le Centre National d’Information sur la Surdité, Surdi-Info, dont elle ne connaissait pas l’existence, et se contente d’évoquer le Centre National de Relais des appels d’urgence, le 114, dans son jeu de popularisation des appels d’urgence. « C’est tout un monde qu’on ne connaît pas. A part avoir travaillé avec des associations locales lors des ateliers, et quelques contacts nationaux, on n’a pas de relation quotidienne avec ces organisations. » Et au vu du très faible nombre de vues des vidéos de la chaîne Youtube de l’AFPCNT, il lui reste un important travail d’information à réaliser auprès de la population, sourde ou pas…
Laurent Lejard, mars 2025.
Avec le soutien d‘Acceo-Tadeo