Le 11 janvier 2008, une plaque commémorant l’action d’Odette Abadi sera dévoilée dans le collège et lycée privés Morvan à Paris. Odette Abadi (qui fut après-guerre le médecin scolaire de l’établissement) fut déportée pour avoir organisé depuis Nice, en 1943 et 1944 avec son mari Moussa, juif tunisien, un réseau de sauvegarde d’enfants juifs après l’occupation de la zone libre par les Italiens puis les Allemands. Le couple sauva 527 enfants d’une mort annoncée.

Cet événement s’accompagne, à la mairie du 9e arrondisement de Paris, d’une exposition, accessible au public sourd, retraçant l’histoire du réseau créé par le couple Abadi, et d’autres événements dont une table ronde le 12 janvier durant laquelle l’ancien ambassadeur (et résistant) Stéphane Hessel saura certainement mettre en perspective la déportation des Juifs durant l’Occupation avec certains événements se déroulant en France à notre époque…

« La seconde guerre mondiale est enseignée en classe de 3e, explique Annie Carcaillon, professeur d’histoire au collège Morvan. J’ai demandé dans les deux classes qui voulait devenir guide de l’exposition, une dizaine d’élèves ont répondu. Ils ont été très volontaires, je n’ai pas eu besoin de les relancer ». Tous les élèves des deux classes ont visionné le film documentaire « Le réseau Marcel », réalisé par Maria Landau et Jacqueline Sigaar. « Les élèves sont très sensibles à la déportation des enfants juifs et des autres, poursuit Annie Carcaillon. Pour eux, Odette Abadie est un héros. Ils sont très touchés par son action, le génocide, la déportation. Ils ramènent pas mal de ressenti à eux, et savent que des sourds furent déportés. Ils ont été captivés par le documentaire, le courage d’Odette. Même s’ils ont, et c’est un peu normal à leur âge, des idées simples : méchants Allemands, gentils Français. Mais l’un des élèves, très intéressé par la période, savait que les Français eux-mêmes avaient réalisé des rafles et des déportations ».

Les élèves disposeront de fiches leur apportant le vocabulaire nécessaire, en français comme en langue des signes; ils feront visiter l’exposition aux autres élèves sourds, malentendants et entendants. S’ils font preuve d’un grand sérieux dans la préparation de cette activité, ils ressentent l’exposition, l’histoire qu’elle raconte, comme un fait ancien, circonscrit dans le temps, sans résonance particulière avec notre époque : génocide rwandais, épuration ethnique en ex-Yougoslavie, « éloignement » de jeunes élèves étrangers du territoire français. « Je trouve très positif que les élèves s’intéressent, conclut Annie Carcaillon. Mais ils sont dépassés par une société trop violente pour eux. Une violence qui s’exprime même entre eux ».

L’action d’Odette et Moussa Abadi. Le 31 août 1942, un premier convoi de Juifs part de Nice pour le camp de Drancy, suite à l’échange entre René Bousquet (Secrétaire général à la police de Vichy) et Reinhard Heydrich (chef de l’Office central de la sécurité du Reich). Bousquet est appuyé par le chef du Gouvernement, Pierre Laval, qui fait adjoindre au convoi des enfants de moins de 16 ans. En septembre 1943, les occupants italiens sont remplacés par les Allemands, qui entrent à Nice pour la « nettoyer », tâche effectuée par Aloïs Brunner, qui pourchasse les Juifs. En réaction, Moussa Abadi et son épouse Odette passent dans la clandestinité et s’appellent désormais Marcel et Sylvie Delattre. Leur travail de sauvegarde des enfants commence : ils leur procurent des faux-papiers, organisent leur accueil dans des familles et sont aidés par Monseigneur Paul Rémond, évêque de Nice. 527 enfants seront finalement sauvés par le réseau Marcel.

Une histoire qu’il est urgent de (re)découvrir. Pour ne jamais oublier.

Laurent Lejard, janvier 2008.

L’histoire d’Odette et Moussa Abadi est présentée par l’association Les enfants et amis Abadi. Une découverte très complète du réseau Marcel est disponible en suivant ce lien. Odette Abadi (décédée en 1999) a raconté sa déportation dans Terre de détresse Birkeneau Bergen Belsen, publié chez L’Harmattan en 1995 et disponible en version papier et numérique. L’historien médiéviste Moussa Abadi (disparu en 1997) fut une figure importante de la critique dramatique française. L’exposition « Enfants cachés et déportation » se tient du 8 au 12 janvier (seulement) à la mairie du 9e arrondissement de Paris, 6 rue Drouot.

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