Le 14 décembre dernier, sur la pelouse d’un stade de Tarbes (Hautes-Pyrénées), le corps et la vie du jeune Mathias Dantin ont basculé lors d’un match de rugby organisé par l’Union Nationale du Sport Scolaire (UNSS) entre deux lycées : « Sur une action en fin de partie, j’ai passé le ballon et un adversaire m’a pris par derrière, m’a soulevé et fait retomber sur la tête. Ce n’était pas un plaquage régulier mais une agression parce que ce n’était pas dans le fait du jeu. Mon père qui se trouvait à vingt mètres est parfaitement témoin des faits, ainsi que mes coéquipiers de classe. En retombant sur la tête, j’ai ressenti une énorme douleur, comme la foudre. Au sol parfaitement conscient, j’ai ressenti comme un essaim d’abeilles qui me traversait le corps et m’a fait comprendre qu’il y avait un très grave problème. Les premiers mots pour mon père qui est arrivé sur moi dans les secondes suivantes, c’était ‘ça a craqué, je sens plus mon corps’. »

Mathias Dantin et sa mère, Fabienne

Après deux interventions chirurgicales, trois semaines entre la vie et la mort pendant ses deux mois en réanimation, Mathias a enchaîné sur plusieurs mois en centre de rééducation, à Cambo-les-Bains (Pyrénées-Atlantiques), à deux heures de route de la maison familiale. Ses parents y ont loué un appartement, et Fabienne, sa mère, s’y est installée à demeure pour soutenir son fils. Maintenant, Mathias est de retour au foyer familial à Momères, à quelques kilomètres de Tarbes, tout en poursuivant une rééducation intensive en externat, toutes les journées de la semaine. La vie de ce jeune homme de 17 ans est désormais dictée par les séquelles d’une tétraplégie C4-C5. « Je suis dans une phase de réadaptation, avec le retour à la maison, comment me débrouiller pour devenir le plus autonome possible. On m’a fait comprendre que j’avais un nouveau corps, qu’il fallait que je m’y habitue. On dit qu’il faut arriver à accepter, mais on n’accepte pas forcément, on fait avec autre chose. »

Mathias entre Antoine Dupont, capitaine de l'équipe de France de rugby, et son sélectionneur Fabien Galthié

Dans ce nouveau parcours, Mathias et sa famille ont pu compter sur la solidarité du monde du rugby. « Dès les premières semaines, le président du Stade Bagnérais, Patrice Padroni, a contacté mon père pour lui venir en aide et monter une cagnotte, faire des événements et parler de mon histoire pour qu’elle ne reste pas dans l’ombre. Au début, on ne comprenait pas parce qu’on est des gens normaux, nous n’avons jamais rien demandé. Au fur et à mesure, on a compris l’utilité dans le sens où on reçu beaucoup de messages de soutien, et le rugby nous a pas mal aidé. Moralement, et encore aujourd’hui, il nous aide à avancer et à pouvoir se projeter dans les projets et événements à venir. » Cette solidarité humaine aide cet homme en devenir à se reconstruire, lui qui a abandonné l’idée d’une carrière militaire dans les forces spéciales qui le motivait à se sculpter un physique adéquat.

20.000 euros d’indemnités pour solde de tout compte

C’est, comme souvent, côté responsabilité que ça se gâte. « Il faut savoir que Mathias n’est reconnu par personne, complète son père, Jérôme Dantin. Il ne rentre dans aucune case. C’est un blessé du rugby dans un tournoi scolaire, mais pas reconnu comme un grand blessé du rugby par la Fédération Française de Rugby parce qu’il n’a pas été blessé dans le contexte de la FFR. Il n’est pas reconnu par l’Éducation nationale parce qu’il n’a pas été blessé au lycée, et à peine par l’UNSS puisque, pour ce genre de tournoi, elle n’a pas une assurance adéquate. Mathias a reçu automatiquement un chèque de 20.000€ à titre provisionnel, et pour toute sa vie si on ne dit rien. Il se serait simplement foulé le genou, ç’aurait été la même assurance. » Pourtant, l’UNSS n’est pas une petite organisation, elle est la seconde en France en termes de licenciés et a la particularité, de par ses statuts, d’être présidée par le ministre de l’Éducation nationale qui s’exprimait ainsi le 3 juillet dernier : « Le ministre déplore cet accident survenu lors d’une rencontre entre deux lycées organisée dans le cadre de l’UNSS en décembre dernier et assure tout son soutien à Mathias et à sa famille. Depuis cet accident survenu en 2022, à l’initiative de la direction nationale de l’UNSS, en janvier 2023, les commissions mixtes nationales consacrées au rugby ont travaillé à un renforcement des mesures pédagogiques réglementaires et sécuritaires.

Mathias Dantin avant l'accident lors d'un entrainement

En conséquence, des mesures de sensibilisation et de prévention complémentaires ont été prises pour garantir l’intégrité physique des licenciés. Le dépôt de plainte par les parents de Mathias permettra à la justice d’établir les responsabilités de chacun dans le déroulement des faits et leur traitement. » Il faut comprendre que le ministre-président de l’UNSS n’a pas demandé à cette dernière de rechercher un accord d’indemnisation avec la famille.

« On a supplié au niveau local, reprend Jérôme Dantin, on a supplié le sportif et aujourd’hui on supplie le politique au plus haut niveau, c’est-à-dire l’Élysée avec le président de la République en personne dont une partie de la famille vit à Bagnères-de-Bigorre. On se bat pour que Mathias soit reconnu à part entière par toutes ces institutions. » A l’âge qui est le sien, Mathias Dantin est en droit d’obtenir une réparation de ses préjudices corporels qui pourrait dépasser les 15 millions d’euros, ce que la justice devra trancher dans les prochaines années : les parents ont déposé une plainte pour établir les responsabilités et obtenir ensuite réparation. Parce qu’actuellement, c’est la famille qui a financé le véhicule d’occasion permettant de transporter Mathias (25.000€), son fauteuil roulant (35.000€ dont 19.000€ restant à sa charge) et les premières adaptations de la maison. Sans oublier toutes les dépenses engagées depuis l’accident. « On ne peut pas vivre dans la soumission en subissant tous les jours cet accident provoqué par une personne dans le cadre d’une institution », conclut Jérôme Dantin.

Laurent Lejard, octobre 2023.

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