A bientôt 30 ans, Matthew Urango alias Cola Boyy est le grooveur qui monte ! Derrière un look années 70 et une apparence de marlou se dissimulent un talent fou : écouter ses titres donne irrésistiblement envie de danser tant il sait envelopper l’auditeur et l’amener dans son monde. Découvert dans sa Californie natale, il est produit par la maison de disques française Record Makers, et son premier album sort le 18 juin prochain. Musicien chanteur, Cola Boyy est également politiquement engagé. Il s’en explique ici.

Question : Comment vous définissez-vous, musicien handicapé qui réussit dans sa musique, anticapitaliste qui veut faire bouger le monde ?

Cola Boyy : Je suis un artiste révolutionnaire qui essaye de refléter les luttes et les maux quotidiens de la classe ouvrière avec ma musique. J’aide à connecter et unir les gens plutôt que de passer mon temps à les mettre dans mille catégories et sous-catégories. Que tout le monde soit en compétition, s’accusant l’un l’autre : voilà ce que veut l’ennemi. Cela étant dit, je ne peux pas changer le monde, je ne suis que « Boyy » 🙂 C’est la classe ouvrière qui doit reprendre le combat pour mettre définitivement fin à l’exploitation et à l’oppression !

Question : Vous avez connu dans votre enfance et adolescence la mise à l’écart et des discriminations, qu’est-ce qui a changé depuis que vous avez gagné en notoriété ? Est-ce que cela fait de vous un modèle à suivre ?

Cola Boyy : J’ai appris que les violences que j’ai subies dans mon enfance étaient la faute du capitalisme, pas de l’agresseur qui passait et ne savait pas ce qu’il faisait. En gros, il n’était pas mon ennemi, il était juste façonné par une société arriérée ; nous l’étions tous. Maintenant que j’ai acquis une certaine notoriété grâce à ma musique, je suis mieux traité qu’auparavant : c’est lié à la classe sociale, tout comme un entrepreneur est mieux traité dans une société capitaliste. Je ne considère pas cela comme un progrès pour les personnes handicapées pauvres ou de la classe ouvrière. L’existence d’un artiste issu de ces milieux ne signifie pas que leur condition ait réellement changé. La représentation n’est pas la réponse à ce problème de classe, je ne veux pas mentir aux lecteurs en prétendant que tel est le cas.

Question : Le regard des autres vous a touché, irrité, énervé. Comment le vivez-vous en Californie et ailleurs aux USA, et en France, avec quelles différences ? Have You Seen Her, 2018

Cola Boyy : Cela ne me dérange plus, ces moments ont toujours été brefs et sans importance. Ce n’est pas ce sur quoi je me concentre dans mes interactions quotidiennes avec les gens. Le monde ne tourne pas autour de moi : quand je sors, je n’attends vraiment pas des autres qu’ils se focalisent sur moi, déroulent le tapis rouge, me « protègent » ou partagent mes luttes. Les travailleurs ont tous leur propres luttes auxquelles ils sont confrontés tous les jours ! Si des gens pensent que je suis un peu différent, que ça les rend curieux, je sais que je peux leur parler, essayer de trouver un terrain d’entente, que ce soit à Oxnard ou à Paris : c’est une opportunité pour mieux se connaître.

Question : Quels sont vos projets, et plus précisément en France puisque votre maison de disques est française ?

Cola Boyy : J’ai un album qui sort cet été chez le label français Record Makers. Vive Marc et Cesar ! [producteurs de Record Makers]. Et vive les 150 ans de la Commune de Paris !

Question : Que voudriez-vous dire aux Français handicapés qui vont vous lire, et avoir envie d’entendre votre travail ?

Cola Boyy : Les personnes handicapées ne sont pas un bloc monolithique. Certains d’entre nous viennent de milieux pauvres, de la classe ouvrière, d’autres sont issus de milieux bourgeois. Donc nos intérêts de classe ne vont pas devenir les mêmes simplement parce que nous sommes handicapés. Pour ceux qui proviennent ou soutiennent la classe ouvrière et d’autres groupes opprimés, sachez que vous avez un rôle à jouer dans la transformation de cette société décrépite. C’est le capitalisme qui nous apporte ces conditions pourries et cette aliénation, pas nos semblables. Supplier n’y changera rien : nous devons combattre ! Les difficultés et les luttes auxquelles nous sommes confrontés nous rendent forts et capables ! Rien ni personne ne peut nous vaincre !

Laurent Lejard, mai 2021.

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