Recordman à 14 ans du nombre de tours à la minute en fauteuil électrique inscrit dans le Guinness des Records, Geoffrey Bugnot revient dans l’actualité, côté humour cette fois, en présentant lors du gigantesque Festival Off d’Avignon (Vaucluse) un one man show inspiré de sa vie de jeune homme tétraplégique. Il y raconte d’ailleurs les péripéties de l’accident de voiture qui l’a occasionnée, et présente une drôle de communauté : les « Handyablés »…
Question : Vous en êtes à plus de trois semaines de représentations, comment ça se passe ? Avignon, c’est quand même plus de 1.300 spectacles et il faut savoir se faire remarquer !
Geoffrey Bugnot : J’ai débuté Avignon grâce au comédien Artus puisque c’est lui qui m’a lancé dans ce festival, m’a conseillé pour ma carrière, m’a fait rencontrer des professionnels du spectacle vivant mais aussi un certain public. J’ai fait Avignon pour justement agrandir mon réseau.
Question : Mais jouer dans un théâtre entre une succession de spectacles et avec une telle concurrence, qu’est-ce que ça a donné, quelle est cette expérience ?
Geoffrey Bugnot : C’est très enrichissant de voir qu’il y a beaucoup de one man show au Théâtre de l’Observance où je joue. Justement, on s’entraide beaucoup, c’est ce qui fait le charme d’Avignon, c’est que tous les artistes ont une certaine cohésion pour réussir et c’est ce qui permet d’avoir un certain public. Mais il faut savoir jouer la carte de l’originalité pour se démarquer.
Question : Comment passe-t-on du record du monde de rotations en fauteuil à l’humour ?
Geoffrey Bugnot : C’est une très bonne question ! On va dire que l’humour est quelque chose d’inné dans ma famille, on aime bien rire, vanner sur le fauteuil. Mais c’est surtout, en fait, que mon sens de l’écriture est venu par hasard. Comme je suis originaire d’Auvergne, un humoriste local m’avait proposé de faire sa première partie alors que je commençais le théâtre en école de commerce. Et c’est du jour au lendemain qu’il m’a dit « Ecoute Geoffrey, tu feras aussi tes premières roues sur scène », et c’est comme ça qu’il m’a appelé pour faire sa première partie et que ça c’est lancé.
Question : L’Auvergne pour vous c’est Montluçon, une ville pentue, ancienne, que vous vivez comment ?
Geoffrey Bugnot : La ville a été bien aménagée pour les handicapés. Tous les trottoirs n’ont pas de bateaux, mais la ville est pratique, simple à vivre. C’est une belle petite ville où il y a beaucoup de commerces et tout à proximité.
Question : On sent dans votre spectacle qu’il est difficile de traiter du handicap, de jouer sur la dérision et d’embarquer tout le monde, « mirauds », « sourdingues », « trisos » et autres ?
Geoffrey Bugnot : J’ai un sketch un peu plus humour noir qui s’intitule « la confrérie Handyablée ». Je fais, c’est vrai, l’apologie de toutes les maladies handicapantes telles que vous les avez citées, et justement ce sketch est fait pour inclure toutes les personnes handicapées dans la société et non pas les exclure. Quand on n’en parle pas, on les exclut. C’est-à-dire « Oh là là, c’est des sujets sensibles, il faut surtout pas en parler », et justement cette confrérie Handyablée où je les évoque de façon cynique, c’est pour inclure et en parler, que les gens n’aient pas peur de ces handicaps-là.
Question : L’inclusion sociale passe par l’inclusion dans l’humour, la dérision, de toutes les personnes handicapées ? Rire entre soi, entre « zanzans », mais aussi entre « zanzans » et valides ?
Geoffrey Bugnot : Bien sûr. Il n’y a pas de sujet tabou. En ce moment, l’humour est de plus en plus communautaire. Je pense que l’humour doit être fait pour être ri par tous. Le handicap n’est pas un sujet tabou et il faut savoir changer les mentalités, faire rire du handicap même si c’est parfois difficile. C’est cette barrière qu’il faut casser, du fauteuil ou d’une déficience, puisqu’au final tout le monde est handicapé. N’importe qui, même les valides, est handicapé sauf que ça ne se voit pas. C’est plutôt facile de dire après que l’on peut rire de tout.
Question : Quels sont vos projets après Avignon, qui a dû engloutir pas mal de moyens ?
Geoffrey Bugnot : Il y a eu certains frais qui étaient nécessaires. Si je rencontre des professionnels, des producteurs, des programmateurs et surtout d’autres artistes qui me permettront de me mettre sur leur voie, cela me permettra de jouer sur Paris. Je recherche aussi des petites salles dans toute la France, d’une soixantaine de spectateurs, ce qui sera bien pour commencer.
Question : Donc trouver le fil de la pelote pour la dérouler en France, et ailleurs en Francophonie ?
Geoffrey Bugnot : Je ne dis pas qu’on me déploie le tapis rouge, mais je l’espère plus tard, on verra !
Question : Le tapis rouge, vous le préférez sur escalier ou sur rampe ?
Geoffrey Bugnot : Ah, si c’est sur une rampe il faudra juste dire au festival de Cannes qu’il mette une rampe, mais après, les escaliers ça ne me dérange pas non plus !
Propos recueillis par Laurent Lejard, juillet 2017.