Les planches attirent Philippe Sivy depuis longtemps : « Le cinéma, les comédies musicales m’ont donné envie de faire du théâtre. Adolescent, je faisais des imitations, puis j’ai suivi des cours dans une MJC en région parisienne. J’ai repris des cours à l’âge de 20 ans dans une école privée. J’avais envie d’autre chose, l’écriture et la réalisation m’intéressaient ». Jusqu’à l’accident qui l’a rendu paraplégique, mais n’a pas entamé sa vocation : « Ma situation sociale me permet de ne pas avoir de soucis financiers; je perçois une rente pour un accident du travail. Je ne vis pas dans l’urgence, la nécessité de travailler pour manger. L’environnement difficile de la profession n’a pas prise et je ne suis pas dans la nécessité de me raccrocher au statut d’intermittent du spectacle ». Philippe Sivy a mis à profit ce relatif confort matériel pour se former, se perfectionner, et jouer sans être payé.

S’il est désormais un professionnel rémunéré, il lui a fallu du temps et de la volonté depuis sa première prestation à Avignon Off, en juillet 2000 : au terme d’un stage, les apprentis-comédiens y avaient offert un Richard III (Shakespeare) très résumé, et déjà Philippe Sivy montrait des qualités de diction et de jeu. Cette première expérience, qui lui a fait rencontrer des gens de théâtre, lui a également ouvert des portes : « J’ai suivi beaucoup de stages, travaillé avec le metteur en scène Philippe Adrien et pour Radio France dans des fictions radiophoniques. Le metteur en scène Nicolas Rieu m’a proposé de jouer à Mulhouse dans une pièce de Koltés, ‘Dans la solitude des champs de coton’. Dans ce métier, les choses se font comme ça, sans casting ; ça s’est passé de la même manière pour le film ‘Sauf le respect que je vous dois’ de Fabienne Godet. »

Ce qui l’a conduit à travailler dès 2002 avec la metteure en scène Anne Bourgeois, qui lui a proposé une comédie écrite par Sophie Forte, « Sur le fil » : avec près de 200 représentations de 2006 à 2009, la pièce a été un succès public, à Paris comme en tournée. Anne Bourgeois avait précédemment dirigé Philippe Sivy dans « La Mouette » (Tchekov), pièce dans laquelle il jouait Trigorine, l’un des premiers rôles : « J’aime bien la manière de travailler d’Anne Bourgeois. Avec ‘Box-Office’, ce sera le quatrième spectacle que l’on fait ensemble. Elle défend le propos, aime les acteurs, transcende, enthousiasme ! »

Jouée à Paris du 10 novembre 2010 au 9 janvier 2011, au Lucernaire, puis du 8 février au 26 mars à Bruxelles, « Box-office » découle d’une rencontre en 2008 avec Francis Lombrail : « C’est un marchand d’art venu au théâtre pour défendre des textes. Tous les étés, il joue des pièces dans sa villa du Cap Ferret. Il a voulu investir le milieu théâtral. Il a vu « Sur le fil », rencontré Anne Bourgeois, et il a eu envie de ce spectacle ». Les amateurs de théâtre retrouveront dans « Box-Office » l’argument de « Partenaires », jouée en 1993 par Fabrice Luchini, Richard Berry et Anne Brochet.

« Nous, on est parti sur du neuf, une nouvelle traduction du texte de David Mamet. On est tombés fous de cette pièce ! Elle se passe dans le milieu du cinéma, et conte l’histoire de deux producteurs dont l’un est une véritable poule aux oeufs d’or. Mais une nouvelle secrétaire vient porter un regard neuf et remet en cause la vocation du producteur devenu riche : fera-t-il le sacrifice de la célébrité pour réaliser un film qui donne un sens à sa vie ? La pièce est une confrontation de gens aux prises avec eux-mêmes et leur destin. Quand les Dieux exaucent nos prières, c’est pour nous rendre fous. À la fin, on ne sait pas qui a raison ou qui a tort, on ne sait sur quel pied danser, ni quelle est la relation réelle entre les deux producteurs, amitié, intérêt, en fait on n’en sait rien ! »

…De même que nombre de spectateurs se demandent si le fauteuil roulant de Philippe Sivy est un accessoire de mise en scène : « Je ne suis pas gêné par le fauteuil roulant dans la vie, il ne m’embête donc pas sur scène. L’autre ne doit pas le voir comme un problème, il peut créer un niveau de lecture supplémentaire d’une oeuvre. J’envisage tous les rôles, le reste est affaire d’imagination et d’intelligence ». Et il affronte sereinement les problèmes d’accessibilité : « Les théâtres sont rarement accessibles, je m’adapte en supportant la fatigue, les déplacements. Jusqu’à présent, je n’ai pas connu de grands soucis. Mais je refuse qu’on improvise une loge dans un coin de la scène, je demande le même traitement que les autres, et à faire partie de la vie du théâtre ».

Outre le théâtre et le cinéma, Philippe Sivy a fait une brève apparition dans le clèbre feuilleton « Plus belle la vie », le temps d’une semaine d’épisodes en décembre 2009 : « La production cherchait un comédien en fauteuil roulant. J’ai hésité à passer le casting, mais un acteur existe quand il joue, c’est sa raison d’être. Le tournage a duré deux jours, en enchaînant les séquences. En fin de journée, on ne sait plus où on est, à quoi ça va ressembler ». Il a également tourné dans la série policière télévisée… « Sur le fil » : « On n’a pas le temps de chercher son personnage, il faut être efficace, aller à l’essentiel. Je n’ai pas eu l’occasion de défendre mon rôle sur un laps de temps suffisamment long. Moi, je ne sais pas me vendre… Et le personnage de Charlie Fox [dans « Box-Office »] me renvoie cet aspect de ma personnalité. Je suis un acteur, mais je ne peux pas postuler à tous les castings. Si le personnage est en fauteuil roulant, la production peut mettre un valide dans un fauteuil roulant. Moi, je veux pouvoir me présenter sur tous les rôles. Parce que l’auteur n’a pas inscrit le fauteuil roulant dans le personnage ».

Propos recueillis par Laurent Lejard, octobre 2010.

« Box-office », sur un texte de David Mamet, avec Nina Drecq, Francis Lombrail et Philippe Sivy. Mise en scène d’Anne Bourgeois. Du 10 novembre 2010 au 9 janvier 2011, au Lucernaire, 53 rue Notre-Dame des champs, 75006 Paris. Puis du 8 février au 26 mars 2011 au théâtre Le Public, rue Braemt 64-70, Bruxelles.

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