La peinture est la résurrection de Priscille Vincens. Amputée des deux jambes et du bras droit en 2006 à la suite d’un accident qui faillit la tuer, elle revit grâce à sa création artistique, qu’elle exposera en décembre 2009 dans une galerie d’art de Manhattan, à New-York, Synchronicity Fine Arts. Une étape importante dans la reconnaissance de son oeuvre, elle qui s’est heurtée à cette indifférence snob de galeristes parisiens qui a fait leur réputation de par le monde. Et c’est pour contourner cet obstacle que Priscille Vincens a cherché à exporter son travail, pour se présenter à ces « vendeurs » avec une reconnaissance transatlantique.

Une amie lui avait parlé de l’ouverture d’esprit des galeristes américains, notamment à New-York, elle voulait tenter l’aventure. Sur ce chemin, elle a trouvé le soutien de la Fondation Banque Populaire : « On aide un projet artistique et de vie », précise Martine Tremblay, responsable de cette fondation que Priscille Vincens a su convaincre en montrant son travail, en expliquant sa démarche artistique. Et elle est allé prospecter les galeries new-yorkaises durant deux semaines, affrontant les galères d’hôtels, et découvrant un autre monde : « Les gens me regardent normalement, quand j’ai besoin, ils m’aident, sans précipitation ».

Priscille Vincens peint depuis l’enfance et a suivi des cours jusqu’à l’âge de 30 ans. Durant cet apprentissage, elle a appris toutes les techniques, du plâtre au fusain, de l’aquarelle à l’acrylique. Et ce n’est qu’à 25 ans qu’elle a trouvé la clé de sa création, avec un professeur qui lui a appris l’art du collage, jouant avec la matière. De sa rencontre avec Jean-Yves Guionet, en 2002, résulte une méthode et une démarche philosophique : « Au départ, je pars d’une photo, je trace les lignes, ajoute de la matière, tourne la toile pour casser la représentation ». Elle gratte, remet de la peinture en épaisseur, re-gratte, une succession de « repentirs » dans lesquels elle exprime émotion et sensibilité : « C’est dur d’enlever de la peinture, alors qu’on fait surgir une couleur du dessous. C’est une part d’imprévisible, d’inconscient qui se révèle ». Et dans ce geste créateur, réalisé avec son unique bras, elle poursuit sa quête d’elle-même. Une quête qui lui a fait réaliser des performances publiques, lors de concerts.

Désormais contrainte à se déplacer en fauteuil roulant, elle conduit pourtant un travail très physique : « Ma technique est basée sur le mouvement, peindre debout était plus facile. J’ai essayé de travailler avec un fauteuil électrique verticalisateur, mais j’étais mal à l’aise. Alors, je travaille assise, avec la mémoire du mouvement ». Pour les oeuvres de grand format, cela la contraint à travailler moins vite, parce qu’elle ne peut parcourir la toile en un seul geste : « J’ai compris l’essentiel de la vie, avec ce que j’ai, je suis très contente. Je peins, j’expose, je m’éclate. Maintenant, je suis plus sure de moi, de ma technique, de mon expression ». Et de sa place dans le monde de l’art.

Laurent Lejard, novembre 2009.

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