Eric Dabas ne se destinait pas au métier d’aviateur quand, à l’âge de 17 ans, un accident le conduisit à poursuivre sa vie en position assise. Pas de tiers responsable, pas d’indemnisation, l’Allocation Adulte Handicapé et une reconversion nécessaire, il ne serait pas chauffeur routier : « J’étais un peu paumé avant mon accident, explique-t-il. Je suis ensuite passé par un cursus plus intellectuel que manuel, j’ai obtenu un B.E.P secrétariat, puis passé l’examen spécial d’entrée à l’Université et préparé un Deug en Arts Plastiques. Dix ans après l’accident, l’avion a commencé à me travailler. Mais je ne pouvais envisager de me qualifier seul au pilotage ». Depuis le 31 mai 2006, il est pilote professionnel après avoir décroché la licence idoine. Il est qualifié pour réaliser des activités de transport de fret ou de travail aérien (surveillance, photographie, etc.) sur avions monomoteurs ou monoturbines.

Les pilotes privés brevetés peuvent, depuis l’arrêté ministériel du 24 novembre 2003, préparer et obtenir une Licence de Pilote Professionnel (C.P.L en anglais). Eric Dabas a suivi sa formation grâce au soutien de l’Association Castel Maubousssin, basée dans le Var, et à la passion de son président, le pilote de ligne Luc Adrien. Durant ses jeunes années, ce dernier participait à des sorties organisées pour des enfants hospitalisés dans les nombreux centres de rééducation de la proximité toulonnaise. Il y a six ans, il a repris du service bénévole afin d’organiser des baptêmes de l’air pour ces enfants : « Je me suis aperçu qu’il y avait des opportunités professionnelles pour les personnes handicapées des membres inférieurs, explique Luc Adrien. Alors j’ai demandé à des dirigeants d’Air France, mon employeur, ce qu’ils en pensaient et leurs réponses positives m’ont incité à lancer l’association dans une action de professionnalisation en faveur de pilotes handicapés. Outre le travail aérien, ils pourront exercer les métiers au sol qui nécessitent une pratique de l’aviation ».

« Je peux effectuer du travail aérien, comme la surveillance des feux de forêts ou la photographie, poursuit Éric Dabas, mais en pratique, pour le transport de fret, il me faudra obtenir la qualification de vol aux instruments. Actuellement, les pilotes handicapés ne sont pas autorisés à l’obtenir, l’administration veut apprécier nos capacités au préalable. C’est dommage, parce qu’il faudra suivre une formation qui fait en grande partie double emploi avec celle de la licence de pilote professionnel ». Eric Dabas rend hommage aux actions de Dorine Bourneton (lire ce portrait), dont la médiatisation a fortement contribué à l’ouverture aux pilotes privés handicapés d’une opportunité professionnelle : « Son action a été énorme, son impact important, elle a poussé fort pour que l’on accède à la professionnalisation. Je regrette qu’elle ne soit pas allée jusqu’au bout, elle a donné tellement ». Dorine Bourneton a fait un autre choix de vie qu’Éric Dabas respecte mais qui l’a conduit à s’éloigner, temporairement espère-t-on, de la professionnalisation.

Cet été, en levant les yeux, les habitants du Lot pourront peut-être apercevoir l’avion piloté par Eric Dabas qui effectuera une veille aérienne contre les feux de forêts. A la rentrée de septembre, il débutera un contrat de professionnalisation dans la compagnie nantaise Atlantic Air Lift; là, il apprendra d’autres aspects du métier et plus particulièrement celui de technicien au sol. La réglementation fait en effet obligation à ces techniciens d’être qualifiés pour voler. « L’idée, précise Eric Dabas, est de développer l’activité travail aérien et fret; mais on navigue encore dans le flou, il faut adapter un avion et les infrastructures au sol aux besoins de pilotes handicapés. L’aide financière est nécessaire pour inciter un employeur à nous faire travailler, l’aménagement d’un avion léger revient à 15.000€. Heureusement que l’Agefiph soutient notre insertion professionnelle ».

Éric Dabas perçoit nettement le caractère pionnier que constitue l’arrivée parmi les pilotes professionnels de deux travailleurs handicapés : « C’est une première pour tout le monde, pilotes comme entreprises aériennes ». Une autre frontière repoussée par l’opiniâtreté de passionnés qui veulent rapprocher les hommes…

Laurent Lejard, juin 2006.


Plus d’informations sur l’adaptation des commandes aux pilotes handicapés en suivant ce lien. Association Castel-Mauboussin : aérodrome civil de Cuers-Pierrefeu, 83390 Cuers. Tél. 04 94 33 54 42.

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