Grégory Dunesme a 35 ans, il réside à Nice. C’est dans cette ville qu’il a rencontré la danse en fauteuil roulant, discipline que développait alors la Fédération Help. Depuis trois ans, leurs routes se sont séparées, Help devenant Handidanse et s’installant dans l’Aude, Grégory obtenant un brevet d’état handisport. « Avec de grandes difficultés, à la troisième tentative. J’avais arrêté mes études à 19 ans, juste après le baccalauréat, et alors que mes ennuis de santé s’accumulaient ». Grégory a en effet subi une série d’interventions chirurgicales sur la moelle épinière et le cervelet qui n’ont pu empêcher une paraplégie de s’installer progressivement. A 20 ans, il est en Centre de rééducation, à 23 ans il fait connaissance avec le fauteuil roulant. Il travaille durant deux années en Contrat Emploi Solidarité, ce sera sa première et dernière activité professionnelle, jusqu’en 2004. Dans l’intervalle, il se consacre essentiellement au sport : tennis en compétition durant quelques années, et athlétisme, d’abord en course de fond puis sur piste. « J’ai rencontré le monde du handicap à New- York, dans laquelle j’avais décidé de faire mes preuves. A l’époque, j’étais hyper- agressif ». Il s’essaie également au parapente, et s’en éloignera après un accident de ski qui aggrave sa scoliose : « Le parapente, c’est trop dangereux. Je ne l’ai pratiqué qu’en tandem, et j’ai rencontré des gens abîmés par des accidents. A trente ans, j’ai décidé de me calmer et m’investir dans l’éducation ».

Après avoir obtenu son brevet handisport, Grégory parvient, au terme de longs efforts de conviction, à ouvrir un cours de danse destiné à des personnes handicapées. La ville de Nice lui prête un local mal adapté dans un centre de loisirs, sans miroir ni barre. « Malgré cela, le centre est satisfait. Moi, je suis rassuré, je commençais à douter. Je reçois plusieurs personnes chaque semaine, handicapés moteurs ou mentaux, je les fais progresser sur une chorégraphie. Je souhaite poursuivre cette activité dans des foyers ». Grégory a été bénévole durant six ans pour Help. Actuellement, il continue à se perfectionner avec une professeure de Toulon, Cécile Martinez, qui n’enseigne qu’à des danseurs handicapés, et il participe à des compétions de danse sportive en duo : « dans les compétitions régionales, tout va bien. En nationale, le valide est noté mais pas moi. La direction de la Fédération française de danse sportive a une attitude ségrégationniste, elle veut renvoyer les danseurs handicapés vers le handisport ou le sport adapté. Alors que tout le monde dans les régions est prêt à nous accueillir. L’intégration, c’est le combat de ma prof et le mien ».

Durant l’automne 2004, Grégory a été sélectionné lors d’un casting pour participer au spectacle Les Hors la Loi, première comédie musicale française mettant en action des comédiens handicapés moteurs. « Depuis huit ans, j’ai progressé dans la danse. Ce que je fais dans les Hors la loi n’est pas ce que je fais habituellement, c’est ce que je dansais il y a quatre ans. Aujourd’hui, mon style est plus classique, coulé, rond ». Pour rejoindre le spectacle, il lui fallait également savoir chanter: « J’ai toujours chanté dans ma baignoire ou ma voiture, toujours eu envie de chanter; j’ai même fait un peu de café- théâtre. Lors du casting, on m’a dit que j’avais une belle voix, j’ai saisi l’opportunité. C’est bien pour moi. Je m’efforce de porter un projet qui ouvre les yeux des gens. Ça se fait cahin- caha ». Grégory a toutefois mal accepté le discours introductif larmoyant d’Henri- Jean Servat lors de la représentation de gala du spectacle: « J’ai expliqué que je ne voulais pas un regard condescendant. C’est un affront, un manque de respect, ça dessert la personne plutôt que ça ne l’aide ».

« J’en ai bavé durant un mois et demi, pour aller aux répétitions des Hors la loi. La production n’avait rien prévu d’adapté faute de moyens, l’appartement que l’on me proposait n’était pas accessible. Je me suis retrouvé dans un foyer pour personnes handicapées mentales, à Neuilly, inadapté pour moi, et je devais traverser Paris : trois heures et demi de bus par jour, plus un bon kilomètre en fauteuil. Je rentrais trop tard le soir pour dîner au foyer. Le taxi, impensable parce que trop cher. J’ai été payé, comme les autres comédiens handicapés, au minimum syndical de 7,50 € brut de l’heure, repas et transports à ma charge avec 50% de la Carte Orange payé »… Si Grégory a supporté un rythme soutenu dans des conditions difficiles, il tient à ce que ça change : « On peut se plaindre après, quand le spectacle marche. Un professionnel nous a dit quelles étaient ses conditions salariales. Moi, je ne suis pas un pro mais je veux être respecté et avoir un salaire décent ». Le producteur envisage de payer un cachet de 80 € aux comédiens handicapés (c’est la même somme qui est payée aux lauréats de la Star Ac’ ou de Nouvelle Star) alors que le prix de vente du spectacle est de 15.000 €. « On ne va pas se laisser faire, s’exclame Grégory ! Certains ont utilisé le bénévolat de l’équipe de production pour dire ‘faisons le spectacle pour la cause’ : le nouveau défi de la cause, c’est de nous payer correctement »…

Laurent Lejard, mars 2005.

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