Le grand public ignore qu’existe, dans les méandres de l’administration centrale, un secteur nommé « startups d’État. » Placé sous la tutelle de la Direction interministérielle du numérique (Dinum), cet incubateur des services numériques Beta.gouv.fr est notamment à l’origine du répertoire de l’accessibilité des Établissements Recevant du Public, Acceslibre, et du récent Portail de l’audiodescription développé à la demande de la Délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle du Ministère de la Culture.
Comment ça marche ?
Lancé après un an de chantier en février dernier à l’occasion de la remise du Marius de l’audiodescription, il présente l’ensemble des films diffusés avec une audiodescription en français sur les chaînes de télévision et plateformes de vidéo à la demande. L’interface est simple à utiliser, permettant de sélectionner en un clic les diffusions gratuites, une cinquantaine chaque semaine.
Les offres payantes nettement plus nombreuses, au moins 2.800 films, figurent dans Tous les films et la sélection s’effectue par moteur de recherche sur le titre, ou des filtres pour le genre et les diffuseurs. Chaque fiche comporte le titre, le genre, l’année de première diffusion, le nom du réalisateur, le public visé, un résumé et le, ou les liens directs de diffusion en mentionnant ce qui est gratuit ou payant. L’internaute a donc directement accès au film depuis son ordinateur. Les cinéphiles regretteront de ne pouvoir effectuer de recherche par nom d’acteur ou de réalisateur. Précisons que depuis quelques années, le subventionnement des films par le Centre National du Cinéma et de l’image animée (CNC) est subordonné à leur audiodescription avant la diffusion dans les salles de cinéma. Cela a donc considérablement augmenté l’offre audiodécrite. Théoriquement, la bande d’audiodescription doit accompagner toute la vie du film, à charge pour les diffuseurs de l’activer.
« On centralise au sein d’un service qu’on a créé l’ensemble des catalogues audiodécrits des partenaires avec lesquels on est en relation, explique Arthur Klein, coach en prestation. Ces partenaires sont de différentes natures. Certains comme Canal + ou la vidéo à la demande d’Orange et de LaCinetek ont un stock de films à louer ou à l’achat dont les droits durent des décennies, donc les films ne disparaissent pas, le gros des films que l’on expose vient de là. L’autre partie de notre catalogue est composée de films accessibles par abonnement auprès d’un diffuseur, ou gratuits, avec ou sans publicité ; là, il y a beaucoup de renouvellement et l’exploitation peut varier d’une semaine pour France Télévisions, à six mois pour d’autres. » Toute l’offre n’est pas intégrée dans le portail, celle du groupe M6 en est absente, par exemple, mais elle est déjà conséquente. Actuellement, il n’est pas possible de mentionner l’auteur de l’audiodescription, cette information n’étant pas incluse dans les données automatisées des films concernés.
De l’expérimentation à la pérennisation
Outre Arthur Klein, deux personnes travaillent pour ce portail : la designeuse Anne Faubry et la développeuse Chloé Corfmat, toutes deux expertes en accessibilité numérique. Équipe sous la responsabilité de Nathan Marcel-Millat, chef de cabinet du Délégué général à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle du ministère de la Culture. Ils ont mobilisé les acteurs associatifs de la déficience visuelle, l’écosystème (CNC, Arcom) du cinéma et des diffuseurs dans une approche de construction dite agile, pour rester simple et éviter le piège de l’usine à gaz. « On voulait que le site soit agréable à utiliser par les personnes déficientes visuelles, ajoute Arthur Klein. On a fait des tests avec des personnes ayant différents niveaux d’aisance dans le numérique, divers types de déficiences visuelles. » Depuis le lancement en février, le portail a connu deux évolutions, et il l’estime stabilisé. Le public est informé des nouveaux films gratuits par une infolettre hebdomadaire, contournant également les difficultés que des utilisateurs peuvent rencontrer avec le numérique : en cliquant sur le lien d’un film, ils y accèdent directement.
Il reste à stimuler l’intérêt d’une communauté d’utilisateurs encore très réduite, 1.500 visites en septembre. L’infolettre est diffusée à 260 personnes et génère 200 à 220 clics. Au total, environ 500 films sont visionnés chaque mois depuis le portail et l’infolettre. Il y a donc un enjeu de notoriété pour pérenniser ce portail, doté d’un budget annuel de 100.000€. C’est la prochaine étape, trouver un repreneur pendant le premier trimestre 2026 et inscrire durablement le portail de l’audiodescription dans le monde de la déficience visuelle. « Ce portail a été réalisé dans des délais très rapides, avec un souci de co-construction avec l’ensemble des experts d’usage, conclut Marine Roy, haut-fonctionnaire chargée du handicap au ministère de la Culture. En termes de méthodologie, on aura à s’en inspirer pour d’autres projets d’accessibilité. C’est un projet exemplaire. »
Laurent Lejard, octobre 2025.