La France compte 40.000 distributeurs de billets et automates bancaires. Un seul de ces appareils comportait une interface sonore conçue pour améliorer l’utilisation par une personne aveugle. Il était installé dans le hall d’accueil du siège national de l’Association Valentin Haüy, à Paris. Etait, parce qu’il a été retiré le 4 janvier dernier, victime des nouvelles normes de sécurité du transport de fonds et du faible nombre d’opérations effectuées. C’est paradoxalement au même moment que le chanteur aveugle Gilbert Montagné (lire ce portrait) a relancé sa revendication d’automates bancaires adaptés assurant un service sécurisant aux déficients visuels. Il avait annoncé son intention d’entamer une grève de la faim lors du débat à l’Assemblée Nationale du projet de loi d’égalité des droits et des chances des personnes handicapées, formulant trois revendications outre celle du service bancaire : une retraite anticipée à taux plein dès 55 ans, des émissions télévisées en audiodescription, des ressources décentes. Le débat parlementaire a rassuré notre Gilbert national sur la prise en compte de ces trois points, et la Secrétaire d’Etat aux personnes handicapées, Marie- Anne Montchamp, s’est engagée à traiter le sujet de l’accès aux services bancaires automatiques.

On avait fort peu entendu cette revendication d’une adaptation des automates bancaires, ce que confirme Philippe Chazal, Secrétaire Général du Comité National pour la Promotion Sociale des Aveugles et Amblyopes : « C’est une revendication pratique qui tient à coeur à Gilbert Montagné depuis quelques mois, et que l’on a repris à notre compte. On a estimé qu’il était temps de la défendre ». Le C.N.P.S.A.A s’efforce de structurer sa demande qui consiste en une adaptation vocale de 10% des distributeurs de billets dans un délai de un à deux ans; cette revendication porte sur les appareils simples, pas sur ceux qui permettent d’effectuer des opérations de gestion d’argent telles un dépôt de chèque ou d’espèces ou des virements.

Pour Gilbert Montagné, « c’est une urgence, ça aurait dû être fait depuis 20 ans ! Les claviers braille, c’est très bien, mais insuffisant. Il faut mettre une forte pression sur les banques. J’ai tendance à penser qu’il faut que tous les distributeurs doivent être adaptés, et qu’un effort soit visible dès 2006 ». Gilbert Montagné, indépendant des associations, ne s’estime pas lié par leurs revendications et considère que l’adaptation des automates bancaires doit concerner les déficients visuels et les handicapés moteurs, par un positionnement des appareils à bonne hauteur.

Si la France est en retard en la matière, la vocalisation des automates bancaires a débuté depuis quelques années au Canada, à l’exemple de la Californie, l’un des Etats américain qui a initié l’adaptation de ces appareils. Pour la seule Bank of America, 7.000 guichets automatiques devraient disposer d’une interface vocale à la fin 2005. La solution retenue aux U.S.A et au Canada consiste en une écoute individuelle et confidentielle des instructions en connectant des écouteurs personnels à l’appareil; au Canada, le fait de connecter des écouteurs éteint l’écran et adapte le processus de fonctionnement au mode vocal.

L’Italie démarre ce mois-ci un plan progressif de déploiement et d’aménagement des guichets automatiques; dès janvier, l’équivalent italien de la Fédération Bancaire Française imposera des normes d’accessibilité aux automates bancaire neufs, portant sur les besoins des déficients visuels mais également moteurs.

Leader sur le marché français, N.C.R, propose une version vocale de ses appareils. Mais les établissements bancaires ne demandent pas ces adaptations, qui présentent évidemment un coût supplémentaire. Cette information est également confirmée par Wincor Nixdorf. Ces fabricants proposent, outre des claviers avec chiffres braille et touches de fonction à symboles en relief, des kits audio optionnels qui représentent une infime partie du prix d’un automate. En revanche, l’adaptation des logiciels de pilotage des automates pourrait représenter un coût important, selon N.C.R qui ne peut néanmoins le chiffrer. En Europe, l’Italie et l’Espagne s’équipent en distributeurs vocaux, quelques appareils ont été installés en Allemagne. Si l’offre existe chez les industriels, c’est donc chez leurs clients, les banques, qu’il y a une lacune. A la Société Générale, dirigée par Daniel Bouton qui a également pris récemment la présidence de la Fédération Bancaire Française (nouvelle appellation de l’Association Française des Banques), on estime que tout est possible. Les décideurs, à la Direction des automates bancaires, connaissent l’existence des appareils à interface vocale mais la décision d’achat est suspendue au bon vouloir de la Direction Générale. Là encore, l’absence de demande exprimée par les clients déficients visuels est avancée pour justifier la situation actuelle. Daniel Bouton rencontrera bientôt, en sa qualité de président de la F.B.F, Marie- Anne Montchamp et Gilbert Montagné. Il leur dira peut-être si les banques sont prêtes à payer le prix de l’accès de tous leurs clients aux services automatiques, des services que les clients déficients visuels paient déjà sans pouvoir les utiliser pleinement.

Laurent Lejard, janvier 2005.

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