La salle d’atelier pédagogique du musée Soulages de Rodez (Aveyron) était pleine, ce 3 décembre, Journée internationale des personnes handicapées, pour un atelier « mondes partagés » inédit : ce jour-là, les animateurs étaient des jeunes scolarisés dans l’Institut Médico-Educatif de Millau ou résidant au foyer de vie Lucien Oziol de Marvejols (Lozère). Autour d’eux, des participants de tous âges, visiteurs du musée consacré aux oeuvres du peintre Pierre Soulages, mort en 2022 à l’âge de 102 ans. Musée qui organise des expositions temporaires, dont l’actuelle est consacrée à un aspect du travail de la cinéaste Agnès Varda. Le thème de la cabane du bonheur s’est imposé pour cet atelier inversé, avec l’objectif pour chacun de réaliser sa maison ou cabane du bonheur en lien direct avec le thème de l’exposition. Chacun s’y est mis, à partir d’une brique de lait vide, d’objets et matériaux recyclés, en étant encadré et aidé par des jeunes habituellement relégués à réaliser sous les conseils d’animateurs dits « valides. » Et ces réalisateurs ont été à la hauteur de leur investissement, après plusieurs mois de préparation lors d’ateliers dans leurs établissements et au musée Soulages.
« L’idée de travailler avec ces deux structures vient du besoin d’échanges souvent manifesté par les participants, justifie Christel Lagarrigue, animatrice culturelle au musée. Ces deux structures sont situées à seulement une soixantaine de kilomètres, les éducatrices se connaissaient d’avant le projet et nous avions plusieurs fois souhaité monter un projet commun, il n’y avait plus qu’à… L’inversion des rôles est un champ que j’essaie de pratiquer dès que c’est possible. Par exemple, en automne, une médiatrice avait proposé une visite en Langue des Signes Française dont le contenu était traduit aux visiteurs entendants en français oral par une interprète. Cette inversion fait partie de ma conception de la médiation. » Cet atelier est l’aboutissement de trois mois de préparation, avec la visite de l’exposition Agnès Varda suivie d’un échange avec les jeunes et les résidents sur les différentes manières d’habiter, selon la situation géographique et la façon d’appréhender l’habitat, qu’il soit spirituel, individuel ou social. Puis deux rencontres ont été organisées dans les établissements impliqués, pour préparer l’atelier au musée Soulages.
Pour l’atelier cabane, les participants formaient des petits groupes encadrés par les jeunes animateurs, laissant libre cours à leur créativité. Par exemple, la cabane d’Hélène est parée de tissu brillant, elle est aidée par Marius, l’un des animateurs, le seul à accepter d’exprimer sa motivation pour animer : « Je suis venu pour aider tout le monde, je suis déjà venu au musée Soulages. Et j’aime apprendre aux autres. » Sa maison peinte, parce que lui aussi construit tout en conseillant, est surmontée d’un gros bouchon en guise de cheminée. Il s’est préparé avec un éducateur au musée, et participe régulièrement à un atelier terre-céramique dans son établissement. Cathy explique à Cindy comment orner sa maison ; elle vient souvent au musée, où elle fait de la musique et de la danse avec des adhérents du Groupe d’Entraide Mutuelle. Elle est là en tant que participante et a décoré une maison habitée par un cochon aussi rose que souriant !
Parmi les adultes participants, on relevait un aveugle et deux en fauteuil roulant. « On voit plein d’idées, exprime l’un d’eux. C’est vivant, agréable, j’apprécie l’échange et la communication. » Il élabore une maison bonhomme, avec cheveux et yeux. La maison d’Olympe a une toiture de coquillages, et des murs habillés de tissu. « On vient souvent aux ateliers du musée avec ma fille, explique sa maman. Elle veut faire la cabane de Fanny. Que les animateurs soient des jeunes handicapés, ça ne change rien, je ne vois pas de différence, ce n’est pas exceptionnel. Ils nous expliquent très bien, c’est naturel. Tout le monde se mélange, c’est peut-être ça la différence. »
Laurent Lejard, décembre 2025.




