A quelques jours d’intervalle sont parues deux études sur le handisport, sa perception par la population générale et sa visibilité sur les chaînes de télévision, un an après les Jeux Paralympiques de Paris 2024. Réalisé par Odoxa pour RTL et une société de paris sportifs, un sondage auprès d’un millier de personnes témoigne de l’intérêt des répondants. Ils sont 41% à penser aisé de pratiquer un handisport, soit 15 points de plus que lors d’un précédent sondage de janvier 2022 (26%) mais seulement 8 points de plus que dans le sondage de mai 2021 réalisé en préambule aux Paralympiques de Tokyo. On remarque ainsi que l’opinion des personnes valides varie à la hausse comme à la baisse, de même que celle des répondants handicapés : si 43% déclaraient en mai 2021 facile de pratiquer un handisport, ils n’étaient plus que 34% huit mois plus tard [transcription du graphique téléchargeable]. Il est dommage que le sondage d’octobre 2025 ne restitue pas les réponses des personnes handicapées. Mais ce qu’il en ressort, c’est la variabilité de l’opinion générale dont on peut se demander sur quel fondement elle repose.

Facilité de la pratique sportive pour les personnes en situation de handicap

Si on constate un effet positif des Jeux de Paris, c’est la notoriété acquise par des handisportifs, le nageur Alex Portal suivi du triathlète charismatique Alexis Hanquinquant et de la radieuse Aurélie Aubert qui a fait connaître au grand public une discipline jusqu’alors confidentielle, la boccia. Ce trio arrive en tête, qu’on interroge l’ensemble des répondants ou uniquement ceux qui sont amateurs de sport [transcription du tableau téléchargeable]. Curieusement, le premier cycliste apparaît en 7e position alors que cette discipline a engrangé plus de la moitié des médailles d’or et 37% de l’ensemble des médailles gagnées par la France. En handisport, la notoriété repose visiblement davantage sur l’image renvoyée par un compétiteur que sur ses performances. Et l’handisportif le plus titré, Mathieu Bosredon et ses 3 médailles d’or en cyclisme, ne figurait pas dans la liste des 16 proposés aux répondants…

Athlètes handisport préférés

Cet intérêt sera-t-il durable ? 47% des téléspectateurs ne regardent jamais de handisport, contre 45% lors des Paralympiques de Paris et 13% à d’autres occasions, mais lesquelles ? La plateforme de veille et d’analyse médias Tagaday vient de publier son suivi de la médiatisation du handisport, et ce graphique est édifiant : 15.000 citations au plus en 2023 tous médias confondus, sommet à 45.000 au moment des Paralympiques 2024 pour retomber à 18.000 en 2025 [transcription simplifiée du graphique téléchargeable]. Et depuis novembre 2024, l’exposition médiatique du handisport « tricote » autour de la ligne des 10.000 citations dont le nombre est descendu à 6.700 citations le mois dernier marqué pourtant par la commémoration du 1er anniversaire des Paralympiques de Paris.

Nombre de citations du handisport dans les médias

Plus globalement, les sondages Odoxa de 2021, 2022 et 2025 montrent que l’opinion de la population sur le handisport n’a pas évolué en mieux du fait des Paralympiques de Paris : 85% des répondants pensent, en octobre 2025, qu’il « permet aux personnes en situation de handicap de participer pleinement à la société » contre 87% en janvier 2022 et mai 2021. En revanche, l’effet des Jeux imprègne les réponses à la question « le handisport est suffisamment soutenu et encouragé par les politiques publiques » : 35% de répondants le disent en 2025, contre 29% en 2022 et 30% en 2021. Le même phénomène apparaît pour la question « le handisport est suffisamment médiatisé » : 32% en 2025, 28% en 2022, 27% en 2021. Et si l’on tient compte de la marge d’erreur des sondages d’opinion, il n’y a que sur ces deux questions que l’opinion de la population ait évolué du fait de l’effet « Jeux à la maison. » Effet peu durable puisqu’aucune chaîne de télévision ne diffuse régulièrement des compétitions et reportages sur les disciplines handisport.

Qu’en pense le président de la Fédération Française Handisport ?

Né aveugle à La Réunion il y a 35 ans, Gaël Rivière préside la FFH depuis décembre dernier, auréolé du titre de champion paralympique de cécifoot remporté avec l'équipe de cécifoot, sport qu'il pratique depuis son arrivée en métropole.

Question : Que vous inspire le sondage Odoxa sur l’image du handisport dans la population ?

Gaël Rivière : On est satisfait du fait que les Français ont manifestement envie de voir plus de handisport. C’est un héritage des Jeux, les gens ont pris du plaisir à voir du handisport et du parasport. Le public était là quand on le diffusait dans les médias. Évidemment, on n’aura jamais le même engouement, les mêmes audiences hors des Jeux. Mais cette attente du grand public est significative. Les chiffres montrent que les gens trouvent ça passionnant, ont conscience de l’impact sociétal du handisport sur la capacité à faire changer le regard. Ces chiffres donnent un aspect quantitatif à une intuition qu’on a tous : le parasport a fait son entrée dans l’imaginaire collectif comme une source de plaisir pour ceux qui le regardent.

Question : Mais où peut-on voir du parasport sur l’une des dizaines de chaînes de télévision que l’on peut capter à travers les diverses offres du marché ?

Gaël Rivière

Gaël Rivière : C’est l’enjeu aujourd’hui. On sait qu’une partie des médias concentre mécaniquement l’attention du plus grand nombre, selon le numéro de chaîne sur la TNT. Les gens vont plus facilement sur la 1 que sur la 18, la 28 ou la 64. L’enjeu, c’est de réussir à convaincre les grands médias, les grandes chaînes de télé, les grands journaux et les grands relais de médiatisation numérique, de faire encore plus de place au parasport. La sensibilité s’est accrue mais elle ne se traduit pas encore suffisamment, les études que vous évoquez le montrent, par une augmentation significative de l’exposition médiatique. On fait des diffusions sur des chaînes Youtube de temps en temps, mais pour que le grand public ait un accès facilité à ces diffusions, il faut qu’elles soient sur les grands médias.

Question : L’opinion des répondants évolue très peu en comparant les trois sondages Odoxa, sauf sur la médiatisation et le soutien par les politiques publiques qui recueille 20% d’opinions positives supplémentaires. Vous partagez ce sentiment ?

Gaël Rivière : C’est dû à une exposition médiatique supplémentaire. Il y a une colonisation dans le discours des décideurs, dans le discours public de manière générale, d’une terminologie ayant trait à l’inclusion quasiment systématiquement intégrée. C’est sans doute la raison qui explique l’opinion du grand public. Dans les faits, on constate sur le haut-niveau que le parasport a bénéficié au cours des 15 dernières années de la montée en puissance, à l’approche des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris de la structuration de l’Agence Nationale du Sport [lire cet article]. En matière de développement, des efforts ont été faits mais le retard était tellement considérable qu’il reste des frustrations. Des pratiquants dans des clubs handi-accueillants notent toujours des obstacles à la pratique, liés à la mobilité, à l’accessibilité, à la disponibilité des infrastructures, et des obstacles financiers car, pour que des encadrants soient en mesure d’accompagner nos pratiquants, il faut des ressources. Actuellement, elles viennent essentiellement des collectivités locales et de l’État, elles sont réduites et vont être amenées à l’être encore plus à l’avenir.

Question : Quelles conséquences la médiatisation des Jeux a-t-elle eu sur la demande de pratique handisport ?

Gaël Rivière lors d'un match de cécifoot de l'équipe de France contre l'Argentine

Gaël Rivière : Dans les disciplines paralympiques, on a noté une augmentation du nombre de licences de l’ordre de 5 à 20%. C’est un peu contrasté, des clubs sont venus vers nous avec l’ambition de créer des sections handisport, il fallait les accompagner pour les aider à surmonter l’obstacle majeur à la pratique qu’est la mobilité : comment je vais de chez moi au lieu de pratique, que ce soit dans les villes ou dans les campagnes ? Des clubs nous ont dit : « On n’a pas les moyens d’accueillir parce qu’il nous faudrait un encadrement ou un créneau supplémentaire » et, dans une grande ville, ce n’est pas facile parce que le parc disponible est déjà saturé. Sur une fédération qui compte 1.600 clubs, les réalités et les retours sont très variables.

Laurent Lejard, octobre 2025.

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