Il appartient à la Cour de Cassation d’apprécier en droit les décisions des juridictions qui lui sont inférieures. Elle doit ainsi notamment vérifier que les décisions ainsi entreprises sont fondées sur la totalité des dispositions légales s’étendant largement jusqu’aux conventions collectives applicables en matière de droit du travail.

Or, la Cour d’Appel de Lyon, dans un arrêt du 11 septembre 2020, n’a pas pris en considération les annexes à la convention collective des industries chimiques parmi lesquelles figuraient deux avenants, à savoir les numéros 2 (du 14 mars 1955) et 11 de l’accord du 10 mai 2011 relatif à l’emploi des personnes handicapées. Or l’article L.5213-9 du Code du Travail dispose :

« En cas de licenciement, la durée du préavis [...] est doublée pour les [travailleurs reconnus handicapés], sans toutefois que cette mesure puisse avoir pour effet de porter au-delà de trois mois la durée de ce préavis. Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables lorsque les conventions ou accords collectifs de travail ou, à défaut, les usages prévoient un préavis d'une durée au moins égale à trois mois. »

C’est la portée de l’arrêt de la Cour de Cassation du 16 mars 2022 puisque la Cour d’Appel de Lyon n’a pas appliqué les annexes à la convention collective.

Bref rappel : composition du solde de tout compte et déroulé des procédures en droit du travail

Sur le solde de tout compte :

  • Si la plupart des salariés savent que la démission entraîne un défaut de perception des indemnités chômage versées par Pôle Emploi, peu d’entre eux savent de quoi sera composé en réalité leur solde de tout compte.
  • Pour autant, il se compose généralement de leur préavis – réciproque de la période d’essai -, du solde de leurs congés payés, d’une éventuelle indemnité de précarité (en cas du Contrat à Durée Déterminée) et d’une indemnité de licenciement.
  • Quoiqu’il en soit, son montant résulte toujours de l’examen cumulé du contrat de travail et des conventions collectives applicables souvent mentionnées sur les bulletins de salaire, étant précisé que l’employeur a l’obligation de les porter à la connaissance de leurs salariés.

Sur le déroulé d’une procédure devant les juridictions compétentes en matière de droit du travail :

  • Le conseil de prud’hommes est la juridiction chargée de régler les conflits individuels entre employeurs et salariés liés au contrat de travail. C’est la juridiction dite de première instance qui constitue la première étape de l’appréciation par des juges du différend. Elle est composée uniquement de juges professionnels et apprécie les situations dans les faits comme en droit.
  • La cour d’appel est comme son titre l’indique la juridiction qui a à connaître du recours ou appel formé sur le jugement rendu par le conseil de prud’hommes. Elle est pour ce qui la concerne composée uniquement de magistrats de carrière.
  • Tandis que la Cour de Cassation est la juridiction suprême qui apprécie si le droit est bien appliqué par les juridictions qui lui sont inférieures. Elle peut ainsi casser les décisions rendues par ces dernières pour leur demander d’appliquer de manière parfois plus rigoureuse le droit, et notamment en se fondant sur toutes les bases textuelles applicables à telle ou telle décision.
  • La cour de Cassation renvoie alors devant la cour d’Appel pour lui demander d’examiner de nouveau, le différend qui lui avait été déjà soumis.

L’apport de l’arrêt de la Cour de Cassation du 16 mars 2022

Sur les faits :

Un salarié avait été engagé depuis 2005 au sein d’une entreprise de matériaux de construction dépendant de la convention collective des industries chimiques. Il exerçait les fonctions de conseiller technico-commercial et bénéficiait à ce titre d’un coefficient de 300. Ce salarié avait été reconnu travailleur handicapé à compter du 1er mars 2010. Il a souhaité mettre un terme à son contrat par le biais d’une résiliation judiciaire.

Sur la procédure :

L’arrêt de la Cour d’Appel de Lyon du 11 septembre 2010 lui avait accordé uniquement 3 mois de préavis au titre de son coefficient de 300 en qualité de conseiller technico-commercial.

Cependant, le salarié avait déjà fait valoir que les deux annexes à la convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952 lui étaient cumulativement applicables en raison de la reconnaissance de son statut de salarié handicapé acquise depuis 2010.

Il s’est donc pourvu en cassation afin qu’il lui soit bien alloué le double du préavis de 3 mois uniquement apprécié par la Cour d’Appel au regard des textes généraux de ladite convention. C’est ainsi que la Cour de cassation a cassé et renvoyé le différend en question devant la Cour d’Appel de Lyon composée autrement.

Sur la portée de la décision :

Il appartient aux juridictions de veiller à ce que l’intégralité des textes applicables soit bien appliquée. C’est ainsi que la Cour de Cassation va relever qu’au titre de l’article 455 du code de procédure civile :

« Le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. »

En d’autres termes, les arguments des parties développées au sein de conclusions remises aux juridictions doivent être intégralement repris au sein des décisions pour être bien appliquées. Et les annexes à la convention applicable à la situation de ce salarié reconnu travailleur handicapé devaient s’appliquer comme la convention collective.

Lors d’un litige avec un employeur, le salarié peut donc invoquer toutes les dispositions d’une convention collective plus favorables que celles du Code du travail.

Laurence Martinet-Longeanie, avocate au barreau de Paris et juge médiateur auprès de la Cour Internationale de Médiation et d’Arbitrage (Cimeda), novembre 2022.

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