Que doit-on examiner lorsqu’un litige survient sur l’exécution d’un contrat ? C’est à l’application de l’article 1103 du code civil, généralement considéré, que vous avez affaire et il énonce : « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. » Il se lit en lien avec l’article1194 du même code qui prévoit : « Les contrats obligent à ce qui y est exprimé et à toutes les suites que leur donnent l’équité, l’usage ou la loi. » On distinguera ici deux situations, la vente de marchandises ou de prestations de services, dont la résolution est différente.

Le contrat de vente de marchandises

Souvent, tout figure tout simplement aux conditions générales de vente (CGV) ou aux conditions générales d’achat (CGA) qui vous sont opposables si et seulement si vous avez signé un devis ou un bon de commande les incluant, vous avez réglé et vous avez signé un bon de réception : le contrat est donc formé.

Première réaction utile : je les examine et je conteste par voie écrite ! Le courrier avec accusé de réception manifeste clairement votre volonté de contester et/ou résilier. Les délais sont théoriquement de 14 jours en période normale pour un achat Internet, mais pendant l’urgence sanitaire, ces délais peuvent être allongés : les huissiers ne peuvent que peu délivrer les actes, les juridictions sont quasiment toutes fermées et la justice ne fonctionne donc pas actuellement à un rythme ordinaire. Toutefois en pratique, ces délais sont définis, au cas par cas, par les CGV inscrites le plus souvent au verso des bons de commande. Exemple concret : vous avez commandé sur Internet un lit médicalisé plus adapté que celui dont vous disposez, et il ne vous est pas parvenu. Le vendeur professionnel doit vous livrer le bien ou vous fournir le service à la date ou dans le délai indiqué avant et lors de la conclusion du contrat. S’il ne vous a pas indiqué de date ou délai, ou en l’absence d’accord avec vous, le vendeur doit vous livrer le bien ou fournir le service au plus tard 30 jours après votre commande.

Quelle est la responsabilité du vendeur ou du transporteur ?

Vous avez choisi le transporteur proposé par le vendeur : il est alors seul responsable de la bonne exécution de la commande. Il doit s’assurer que vous possédez bien le produit. Si le vendeur n’en possède pas la preuve, et que vous contestez avoir reçu le produit commandé, il prend à sa charge les risques de la perte du produit. Cette responsabilité est automatique. Vous n’avez donc pas à prouver une faute.

Le vendeur n’est pas responsable s’il prouve que l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est due à votre action (adresse erronée par exemple), au fait imprévisible et insurmontable d’une personne étrangère au contrat (les prestataires de services auxquels le vendeur a recours ne sont pas considérés comme tels), ou à un cas de force majeure. Notez qu’une grève des services de La Poste n’est pas un cas de force majeure car d’autres entreprises peuvent assurer le transport de colis. Ici ce sont les articles L133-1 à L133-9 du code du commerce qui s’appliquent. Pour ce qui concerne l’application de la force majeure : sa définition et donc son application se situent au niveau du Code civil et plus particulièrement aux articles 1217 et 1218.

Mauvaise exécution ou absence d’exécution

En l’absence de livraison à la date prévue, ou en l’absence de date, plus de 30 jours après votre commande, vous pouvez exiger du vendeur qu’il vous livre dans un délai supplémentaire raisonnable. Vous pouvez le faire soit par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, soit par écrit sur un autre support durable (mail par exemple).
Si malgré tout la livraison ou l’exécution n’a pas lieu, vous pouvez annuler votre commande de la même manière (lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par écrit sur un support durable).

Vous pouvez toutefois directement annuler votre commande en cas de refus du vendeur de livrer ou de fournir le service, ou si la date indiquée constitue une condition essentielle du contrat. Par exemple, l’achat est lié à un événement précis et ponctuel tel qu’un mariage ou bien la date a été demandée de manière expresse au moment de la conclusion du contrat par le consommateur. Si le contrat est annulé, le vendeur doit vous rembourser la totalité des sommes que vous lui avez versées. Il doit le faire au plus tard dans les 14 jours qui suivent l’annulation du contrat. Les sommes que vous avez versées sont automatiquement majorées en cas de retard dans le remboursement.

Le cas d’Amazon : deux décisions Spécial Covid-19

Parce qu’elle ne respectait pas les règles de protection sanitaire de ses salariés, la filiale française de cette société américaine a été sanctionnée par une ordonnance du Tribunal judiciaire de Nanterre (Hauts-de-Seine) du 14 avril 2020 et un arrêt de la Cour d’Appel de Versailles (Yvelines) du 24 avril 2020. Résultat : 150 entrepôts du territoire national fermés ! Amazon s’est vue dans ce contexte ordonnée d’associer les représentants du personnel à l’évaluation des risques professionnels inhérents à l’épidémie de Covid-19 sur l’ensemble de ses entrepôts ainsi qu’à la mise en oeuvre des mesures pour précisément y pallier.

À titre de simple exemple, la juridiction de première instance a mentionné : « Il est en effet particulièrement nécessaire que cette évaluation rende compte des effets sur la santé mentale induit notamment par les changements organisationnels incessants (modifications des plages de travail et de pose, télétravail…), les nouvelles contraintes de travail, la surveillance soutenue mise en place quant au respect des règles de distanciation et les inquiétudes légitimes des salariés par rapport aux risques de contamination à tous les niveaux de l’entreprise. » Près de 350 salariés, ambassadeurs hygiène et sécurité, avaient pourtant été affectés à la nouvelle mission que constituait la garantie du respect par les salariés des mesures barrières et des consignes de sécurité et de prévention du risque de contamination telles que prévues par l’article L4121-1 du code du travail. 

Conséquence : vous n’avez pas été livrés parce que les dépôts se voyaient appliquer par décisions de justice une activité restreinte à une partie des produits vendus, les fameux « besoins essentiels ». Vos droits de recours dépendent là encore des CGV, à lire attentivement, avant toute action.

Le contrat de vente de prestations de services

Vous avez pu voir votre aide-soignante ne pas vouloir, ou ne pas pouvoir venir vous prodiguer ses soins habituels, ou les soins que vous venez de prévoir. Était-elle bien protégée ? L’étiez-vous vous-même ? A-t-elle exercé son droit de retrait ? C’est ici une question qui a été tranchée pour la première fois – s’entendant pendant l’épidémie Covid-19 – et pour une fois très rapidement. Il s’agissait ici de protéger le salarié de son client et vice et versa !

Le tribunal judiciaire de Lille a dans son ordonnance de référé du 3 avril 2020 sanctionné l’association ADAR Flandres Métropole en application des alinéas de l’article L4121-1 du code du travail appliqué à la situation actuelle. Il faut ici mentionner la particulière promiscuité du salarié au client dans la mesure où cette association a pour activité l’aide à domicile qui peut exposer les salariés qui exécutent les prestations au domicile de clients dont tout le monde ignore s’ils sont contaminés par des agents biologiques, et actuellement le Covid-19.

ADAR Flandres Métropole a ainsi diminué le nombre d’interventions à domicile des salariés aux seules interventions indispensables aux personnes en situation de dépendance et sans famille ou proche pour leur venir en aide, réalisées conformément à l’article R4422-1 du code du travail : « L’employeur prend des mesures de prévention visant à supprimer ou à réduire au minimum les risques résultant de l’exposition aux agents biologiques ». L’association a été obligée d’établir une liste des interventions supprimées et des interventions maintenues avec leurs motifs respectifs, de définir par écrit les modalités de vérification préalable à l’intervention à domicile auprès des clients ou de leur famille de l’existence de symptômes ou de l’existence d’un diagnostic de Covid-19 avéré. Elle a dû aviser ses clients qu’il leur sera demandé, s’ils présentent des symptômes ou ont été diagnostiqués positifs, de porter un masque chirurgical afin de protéger le salarié intervenant au domicile. Elle doit organiser des formations pour chaque travailleur (y compris les cadres parmi lesquels les responsables d’agences qui sont en charge de relayer les informations auprès des salariés), et les informer, par écrit, des risques encourus lors des différentes interventions dans la situation où le client peut être porteur du virus sans le savoir.

Là encore, les clients doivent consulter les conditions du contrat de prestations à domicile pour s’assurer, tout en tenant compte de la situation d’urgence sanitaire, que l’organisme prestataire a respecté ses obligations.

Covid-19 ou pas, chaque contrat est unique et c’est en les étudiant au cas par cas que l’on pourra agir efficacement dans une période où la justice et ses auxiliaires, dont les huissiers, fonctionnent au ralenti.

Plus d’informations sur ce blog.

Laurence Martinet-Longeanie, avocate au barreau de Paris et juge médiateur auprès de la Cour Internationale de Médiation et d’Arbitrage (Cimeda), juin 2020.

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