Finie l’orientation vers le comptoir « personnes handicapées » pour aller récupérer un audioguide descriptif, un guide écrit braille ou caractères agrandis, un visioguide LSF, un guide papier mentionnant les accès fauteuil roulant, un livret de visite en facile à lire et à comprendre, un guide audio avec quelques langues étrangères… Tous ces supports sont intégrables dans un seul outil numérique, le Geed qui accommode tous les smartphones et tablettes, conçu et développé par la société Livdeo basée à Besançon (Doubs). « Le projet date de 2013-2014, explique Ciprian Melian, ingénieur informatique président de Livdeo, pour la médiation au château-fort de Sedan (Ardennes) dont l’épaisseur des murs ne permettait pas de créer un réseau, obligeant à télécharger une appli de visite. Ça nous a conduit à créer Livdeo pour travailler sur un projet pour le Musée des Maisons comtoises, à Nancray : une solution sur mobile et tablette avec accès handicap, sans téléchargement ni connexion, avec un volume important de données à diffuser, ainsi que des palliatifs à l’inaccessibilité aux personnes à mobilité réduite de certaines maisons, dont leurs étages. On a proposé une solution universelle sur smartphones et tablettes, respectant l’accessibilité et utilisable également pour le multilingue, l’audio, la vidéo. »

Aux Maisons comtoises…

Livdeo avait inventé en 2015 l’outil universel de visite : les logiciels d’accessibilité des smartphones et tablettes ainsi que les paramètres de chaque utilisateur sont respectés. « On a créé un point d’accès unique dès l’entrée, sans rien à demander à l’accueil, poursuit Ciprian Melian. Le visiteur est invité à connecter son smartphone ou sa tablette à un réseau Wifi local qui ne donne pas accès au Web, et ne collecte ou n’enregistre aucune donnée de l’utilisateur. Tous les modules sont accessibles via le navigateur Web de l’appareil, pour une visite tout public ou adaptée en fonction du handicap moteur, visuel, auditif, ou linguistique : plus de 20 langues sont proposées. » La réalité virtuelle (VR) est également intégrée pour montrer aux visiteurs ce qu’était la vie dans les différentes maisons comtoises reconstruites dans le musée en plein air. « Ce qui nous a motivé, précise Virginie Duède-Fernandez, directrice du Musée des Maisons comtoises, c’est l’absence d’autre réponse. Nous avons un vaste espace de 16 hectares, avec un seul point d’accueil. » Ce musée présente une trentaine de maisons d’époques diverses, témoignant de la vie d’antan, toutes ouvertes au public. « On a commencé à travailler sur les publics déficients visuels et auditifs, reprend Virginie Duède-Fernandez, avec un comité de pilotage et les connaissances partagées de visiteurs handicapés et valides. Le musée est fermé pendant cinq mois d’automne-hiver, il était compliqué de former suffisamment de personnels à la Langue des Signes Française parce qu’il faut la parler pour entretenir son niveau. On a écarté les QR codes, très limitants et pas très fun sur nos maisons anciennes. Et le téléchargement d’une appli nous apparaissait contraignant. On a rencontré Livdeo sur le handicap, et c’est sur ce public que l’outil de visite a été développé, puis pour le tout public. »

Les visiteurs handicapés moteurs disposent de vidéos commentées ou de textes à lire, avec focus sur des objets, pour les maisons aux entrées trop étroites, les pièces et étages inaccessibles. Les visiteurs sourds ou malentendants ont le choix du mode de communication, vidéos en LSF ou Langage Parlé Complété ou sous-titrées, dans une réalisation originale : interprètes et codeurs ont été enregistrés sur fond vert puis incrustés sur une seule vidéo employée pour tous les modes de communication, quel que soit le public. L’ensemble du site a été audiodécrit pour les personnes déficientes visuelles par Juliette Soulat, et la visite est complétée d’objets à toucher (indiqués dans l’audiodescription) ainsi que de supports physiques, parce que tout ne peut être numérique : plan relief braille, guide et plans papier en caractères agrandis, guide de visite et jeu de piste braille. Papier toujours pour le livret en langage facile à lire et comprendre, illustré et laissé en souvenir aux visiteurs handicapés intellectuels. Mais rien n’empêche d’intégrer son contenu au Geed, qui comporte également des jeux pour enfants et grands, par exemple trouver des objets insolites dans des reconstitutions 3D. Une réalisation qui a coûté, tous modules et publics confondus, 80.000€ et qui est déjà largement amortie si on effectue cette comparaison : un guide papier de visite revient à 2€ et les Maisons comtoises reçoivent 45.000 visiteurs sur ses 7 mois d’ouverture !

…Et aux Beaux-Arts de Besançon.

Le Geed vient également d’intégrer le musée des Beaux-Arts et d’Archéologie (MBAA) de Besançon, rouvert en novembre 2018 après une importante rénovation qui lui a fait gagner un tiers de surface d’exposition et a eu peu d’impact sur son accessibilité : un ascenseur en libre service remplace le monte-charge, la salle des peintures du XXe siècle demeure accessible avec aide, les rampes fortes reliant les étages restent. Les oeuvres sont présentées dans une chronologie thématique, de la préhistoire au rez-de-chaussée jusqu’à la peinture moderne au dernier étage. Sauf pour les visiteurs handicapés moteurs : « Le compagnon de visite est en chronologie inversée, avec une vue à 360° de la salle XXe siècle desservie par une rampe à 10%, précise Nicolas Bousquet, chef du service du développement culturel. Tous les visiteurs ont accès sur le Geed à un parcours express commentant une sélection d’œuvres, PMR comprises. » Les oeuvres du parcours express sont également audiodécrites, et commentées en vidéo sous-titrée et LSF. « L’interface intuitive déclenche les descriptions, permet le retour en arrière, l’accéléré, complète Nicolas Bousquet. Le Geed est un outil de visite polyvalent qui permet d’intégrer aisément d’autres oeuvres, dont les chinoiseries de François Boucher. Dans le cadre de l’année Gustave Courbet, on élabore également une visite LSF, on ajoutera des contenus au fil du temps. » Là encore, l’outil de visite est complété par l’offre de visites et animations adaptées pour individuels et groupes, des supports tactiles et objets à toucher.

Un seul outil de visite pour tous les publics, quelles que soient leurs aptitudes et mode de communication, rien d’étonnant à ce que le Geed soit nommé pour les trophées internationaux GLAMi Awards : résultat tout bientôt à Boston, pour savoir si cet outil de visite convaincra les professionnels de la culture de par le monde !

Laurent Lejard, avril 2019.

Post Scriptum : Le Geed du musée de Besançon a effectivement reçu le GLAMi Award 2019.

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