La forêt d’Ardenne (sans S, lorsque l’on parle du massif) a été décrite pour la première fois par… Jules César en personne, dans sa célèbre Guerre des Gaules. De l’Arduenna silva d’origine, demeurent le nom de la déesse gauloise de la chasse (récemment ressuscité pour une bière locale) et son symbole, le sanglier, devenu celui du département. Un musée (accessible et ludique) lui est d’ailleurs entièrement consacré à Mogues (près de Carignan), dont l’existence semble hélas compromise. Reste, visible depuis l’autoroute A34, l’énorme silhouette de Woinic, géant de 50 tonnes dû au sculpteur Éric Sleziak et implanté sur une bretelle, entre Réthel et Charleville-Mézières, au lieu dit Saulces-aux-Tournelles.

Le moyen le plus sûr de jouir de la forêt, si diverse ici dans ses essences, ses murmures et ses parfums, reste évidemment la balade. À Monthermé, par exemple, on peut parcourir un chemin aisément praticable en fauteuil roulant qui domine le bourg (charmant) lové autour d’un méandre de la Meuse. La route qui suit le fleuve est d’ailleurs superbe, offrant de très beaux points de vue. Les plus sportifs pourront emprunter un tronçon de la (longue) voie verte Trans-Ardennes, ancien chemin de halage qui court sur plus de 80km (prêt possible d’un handbike par le Handiclub Charleville-Mézières). Les autres pourront se contenter d’une visite au Musée de la forêt (Renwez) où des personnages en bois font revivre (avec plus ou moins de bonheur) d’authentiques machines liées à cette industrie, au-milieu des grands arbres. À l’intérieur du bâtiment, un parcours audiovisuel fait un tour exhaustif de la thématique. Cheminements accessibles, stationnement aisé.

Autre industrie, remarquablement mise en scène à Vendresse, celle de la fonte. L’un des derniers hauts-fourneaux du XIXe siècle, pieusement restauré, y sert de décor à une muséographie contemporaine spectaculaire qui fait revivre (et comprendre) la genèse et les techniques d’une activité qui a constitué le moteur économique de la région pendant plus d’un siècle. L’endroit, partiellement reconverti en vivier, offre également un aquarium et la possibilité de pêcher dans les paisibles étangs qui l’entourent (pontons aménagés). Les enfants ne sont pas oubliés, qui peuvent s’ébattre librement dans le parc et ses installations ludiques. Industrie toujours, à Mouzon, où le Musée atelier du feutre expose, dans le cadre élégant (mais accessible uniquement en rez-de-chaussée) d’une ancienne ferme, des collections contemporaines et une partie muséale consacrée à cette matière aux ressources multiples. Démonstrations de machines et atelier enfants sur rendez-vous.

La Meuse à Monthermé

Terre d’invasion depuis des siècles, la région a par ailleurs été le théâtre de nombreuses batailles dont rend remarquablement compte le musée Guerre et Paix en Ardennes (Novion-Porcien) grâce à des mises en espace qui projettent le visiteur au coeur des conflits. Des commentaires audiovisuels restituent le contexte historique avec un réel souci d’équité. À l’étage (accessible par élévateur) sont présentés des objets, tant civils que militaires, qui témoignent de la réalité quotidienne. Une réorganisation du musée devrait néanmoins intervenir pour 2009, mais sans dommage pour l’accessibilité.

Cité emblématique du conflit de 1870-71 qui a vu la chute du Second Empire, Sedan offre toujours au visiteur la masse colossale de son château, le plus étendu d’Europe. L’accessibilité en fauteuil roulant se limite à la cour mais l’immensité écrasante de celle-ci mérite largement le détour ! Un hôtel confortable et une table réputée y ont été récemment aménagés. Le reste de la ville offre quelques jolies rues où il est agréable de déambuler. Sachez enfin, pour l’anecdote, que Sedan est la ville natale de Turenne, célèbre maréchal de France (« Tu trembles, Carcasse ? ») et de… Yannick Noah !

Rimbaud, pour sa part, a vu le jour à Charleville-Mézières, préfecture du département. Si le poète n’a eu de cesse qu’il n’ait quitté la ville (lire par exemple le cruel « A la musique« ), le visiteur d’aujourd’hui succombe aisément aux charmes de l’endroit. Charleville, surtout, dont la splendide place ducale (qui évoque, en à peine plus petit, la célèbre place des Vosges de Paris) s’empourpre au soleil couchant et autour de laquelle rayonnent d’élégantes rues, parfois piétonnières. C’est le rêve (et la récompense) d’un seul homme : Charles de Gonzague (1580-1637), qui en a fait la capitale de sa principauté souveraine d’Arches, rattachée à la France au début du XVIIIe siècle. Développée aux XIXe et XXe siècles grâce à l’industrie, la cité a souffert des bombardements des deux guerres mondiales, qui ont détruit de nombreux monuments.

Cette histoire mouvementée est notamment retracée au Musée de l’Ardenne, qui déploie ses galeries lumineuses et contemporaines dans des bâtiments de la place ducale (accès par l’arrière). Un parcours passionnant à travers les siècles, dont la pièce maîtresse, abritée par une cloison de verre, est le mécanisme du Grand Marionnettiste, horloge monumentale de la place Winston Churchill qui évoque l’histoire des Quatre Fils Aymon. Car Charleville-Mézières est le cadre d’un fameux Festival mondial des marionnettes dont la prochaine édition est programmée pour septembre 2009.

Apothicairerie du musée de l'Ardenne

Et Mézières ? Moins touristique que Charleville, à qui elle a été rattachée en 1966, la seconde cité n’a guère à offrir à la contemplation que ses (modestes) restes de fortifications, mais elle cache néanmoins un trésor incontournable : les époustouflants vitraux abstraco-symboliques de René Dürrbach à la basilique Notre Dame d’Espérance, accessible par rampe côté nord. Stationnement aisé.

Le reste du département est également riche en heureuses découvertes, parfois au hasard de routes qui courent en pleine campagne : citons, par exemple, Rocroi, site d’une fameuse bataille et bijou Vauban assez bien conservé pour qu’on puisse se faire une bonne idée du fonctionnement de la place. Dommage que le petit musée installé en entrée de ville soit totalement inaccessible ! Plus au sud, à Asfeld, une incroyable église baroque, tout en rondeurs et en briques, est en cours de restauration. Et encore, même si elle ne se visite pas, la très romantique chartreuse du Mont-Dieu, enchâssée dans sa clairière comme un immense vaisseau de pierre. Pique-nique possible à proximité. Enfin, principalement pour les enfants, l’étrange Nocturnia (près de Vouziers) vous invite, comme son nom l’indique, à découvrir les mystères de la nuit et des animaux qui la hantent. Excellente accessibilité (sauf partie basse des jardins), restauration possible sur place, parking aisé à proximité.

Jacques Vernes, novembre 2008.

Sur le web, le site du Comité départemental de Tourisme offre toute l’information nécessaire pour préparer un séjour dans les Ardennes… mais hélas sans mention d’accessibilité.


Nos adresses accessibles :

Hôtel Le Château Fort : Sedan offre le rare privilège de pouvoir loger dans un château-fort médiéval. Ce trois étoiles récent dispose de chambres adaptées et d’un restaurant gastronomique accessible. Parking dans la cour (pente). On regrettera toutefois que l’accès fauteuil s’effectue par une porte de service…

La Ferme de Monthimon, à Montimon près de Sedan : demandez au chef, Thierry Stasiak, de vous expliquer le mystère du H disparu, en dégustant sa carte inventive imprégnée des produits du terroir. Jolie vue sur la campagne, prix doux, stationnement possible dans la cour pour éviter l’épaisse couche de graviers…

La Ronde des sens, à Sedan : cuisine inventive, présentation soignée, excellent rapport qualité-prix dans un cadre design. Boudin blanc en aumônière, risotto aux asperges et crevettes de Madagascar, croustillant d’orange sont quelques exemples de plats que vous pourrez trouver au hasard d’une carte fréquemment renouvelée.

La Ferme de Landi, à l’entrée de Sedan : gastronomie régionale dans une ancienne ferme à la déco originale, chinée dans les brocantes. Accessibilité intérieure par rampes, autant pour les clients que pour le patron. Terrasse donnant sur les pâtures. Ne loupez pas non plus la déco des toilettes (adaptées) !

L’eau à la bouche, à Charleville-Mézières, tout petit, mais bon marché et tout proche de la place ducale : boudin blanc et « cacasse », spécialités ardenaises à déguster ici !

La Côte à l’Os, à Charleville-Mézières : une adresse incontournable et une bonne occasion de manger du gibier, en saison, dans un cadre BCBG, à des prix raisonnables.

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