Afin de venir en aide aux jeunes mineurs non accompagnés entrés en France pour fuir leur pays d’origine, les députés La France Insoumise ont fait adopter le 5 novembre dernier un amendement finançant la création d’un nouveau programme d’État « Plan d’urgence pour les mineurs non accompagnés. » Ces parlementaires invoquent le développement d’une politique de préférence nationale menée par des Conseils Départementaux : « Ces enfants, parce qu’ils sont étrangers, font l’objet d’une déshumanisation croissante. La loi française comme la Convention internationale des droits de l’enfant impose de protéger tous les enfants en danger sur notre territoire, sans condition de nationalité. » Leur situation est en effet peu enviable, fréquemment livrés à eux-mêmes et de ce fait proies rêvées pour les trafiquants et abuseurs en tous genres.

Mais faut-il, pour combler cette lacune, utiliser près des trois quarts de la ligne budgétaire finançant les Instituts nationaux des jeunes sourds ou aveugles (INJS et INJA), l’emploi accompagné des travailleurs voulant sortir d’ESAT, la lutte contre les maltraitances et une poignée d’autres actions en direction des personnes handicapées ? C’est pourtant ce que le groupe des députés LFI a fait voter en Commission des finances lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2025. Cette pratique rejoint celle des Gouvernements qui se sont succédés ces 15 dernières années, détournant allègrement la contribution pour l’emploi des travailleurs handicapés. Et ce n’est pas la première fois que cette formation politique s’attaque aux personnes handicapées, son ex-député phare, François Ruffin, avait en 2020 proposé de supprimer le droit d’employer directement leurs aides humaines au domicile parce que ces « particuliers employeurs ne sont pas en situation d’être des employeurs responsables » (lire cet Éditorial).

Bien sûr, la disposition budgétaire que LFI a faite adopter est un amendement d’appel au Gouvernement pour qu’il pallie les carences des Départements qui ne respectent pas leur obligation légale à l’égard des mineurs non accompagnés, ce texte restera éphémère. Mais un fait est certain : les députés LFI ont réussi à faire voter par des députés d’autres groupes politiques une disposition qui ampute l’action en faveur de citoyens handicapés dont la vie vaut autant que celle des autres. Ils ont également opposé les besoins de deux publics vulnérables et arbitré en faveur de l’un. Doit-on sacrifier l’enseignement des jeunes aveugles ou sourds et l’émancipation professionnelle des travailleurs en ESAT pour accompagner les mineurs isolés ? LFI a tranché par un amendement révélateur, en pleine année Paralympique, d’une pensée sur la place des personnes handicapées dans notre société…

Laurent Lejard, novembre 2024.

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