C’est peu d’écrire que l’on ne regrette pas l’année qui vient de s’achever. Marquée par des guerres atroces visant les civils pour le plus grand profit de certains dirigeants politiques et de tous les marchands d’armes (la France y a regagné la 3e place sur le marché international), une augmentation orchestrée des prix de l’énergie entraînant une inflation aggravée par des industriels qui en profitent pour accroître leurs marges, et la progression de ce vieux principe ultralibéral : pour enrichir les riches, il faut appauvrir les pauvres. Contrat rempli par notre président de la République et sa Première ministre, qui ont également réussi l’exploit de faire passer au Parlement la loi la plus répressive qui soit en matière d’immigration, la 30e en 40 ans. Le pouvoir autocratique de Monsieur Macron en sort renforcé et on ne sait pas encore ce qu’il réserve à la population, le pire étant toujours à venir.

Le secteur du handicap a particulièrement souffert l’an dernier, notamment parce qu’il est devenu un enjeu politicien au moment de la Conférence Nationale du Handicap qui a fracturé le milieu associatif. Regroupée au sein du Collectif Handicaps, une cinquantaine d’associations nationales avait décidé de ne pas s’y rendre, en protestation des conditions lamentables de préparation de cette grand-messe lors de laquelle ont été annoncées une flopée de mesures pas ou peu concertées. La décision majoritaire du Collectif Handicaps a volé en éclat par la volonté de plusieurs de ses membres, dont deux sont entrés ouvertement en collaboration à l’action présidentielle. Si l’APF France Handicap est connue pour son double langage, la Fédération Apajh est passée de sa lassitude de « l’autosatisfaction permanente » à l’offre de service, un revirement à 180 degrés. Cette politisation laissera des traces durables parce que c’est à l’aune des prises de position de ces organisations que l’on pourra comprendre ce qu’elles veulent : servir leur intérêts gestionnaires et mercantiles, ou les populations qu’elles sont censées défendre ?

Aucune de ces organisations ne semble s’émouvoir, ni même s’intéresser, à la dissolution lente du guichet unique que devait être la Maison Départementale des Personnes Handicapées. Le transfert de l’orientation des travailleurs au nouvel organisme France Travail, qui remplace désormais Pôle Emploi mais avec une hégémonie totale sur tous les acteurs concourant au service public de l’emploi, en constitue une étape essentielle. Ce ne sera plus la MDPH et son équipe pluridisciplinaire qui proposeront d’orienter vers une formation rémunérée, un Établissement ou Service d’Aide par le Travail, un soutien par un organisme spécialisé Cap Emploi : ce sera un conseiller France Travail au terme du premier entretien de 10-15 minutes avec chaque demandeur d’emploi handicapé. On imagine déjà le massacre, préfiguré par cette déclaration du ministre de l’Emploi, Olivier Dussopt : « Notre politique est de considérer le demandeur d’emploi handicapé comme un simple demandeur d’emploi. » Cette réforme a pourtant été acceptée, voire saluée au nom de l’inclusion, par des associations qui dénoncent par ailleurs le manque de moyens structurels dans ce domaine comme dans bien d’autres services publics. Parce que l’inclusion sans moyens, c’est de l’exclusion.

L’autre pan essentiel d’activité des Maisons Départementales des Personnes Handicapées, l’orientation des enfants vers l’enseignement ordinaire avec adaptations et accompagnement, ou le secteur spécialisé, devait également disparaître pour être confiée au mammouth Éducation nationale. Le Conseil Constitutionnel a néanmoins écarté cette menace pour quelques mois ; contrairement à ce qu’a « vasouillé » le cabinet de la ministre chargée des Personnes handicapées, il faut une loi pour changer la règle et pas seulement un décret à la main du Gouvernement. On a failli entamer 2024 avec la liquéfaction du guichet unique d’accès aux droits des personnes handicapées âgées de moins de 75 ans, réduit à distribuer allocations et cartes, gageons que ce n’est que partie remise. Les MDPH doivent intégrer le nouveau Service public départemental de l’autonomie, nouvelle couche ajoutée au mille-feuilles administratif pour mieux le simplifier parait-il. Sur le papier c’est tout beau : les acteurs territoriaux travailleront ensemble en réseau et non plus dans leur coin, en silos. En pratique, les Conseils Départementaux auront la main puisqu’ils paient et pourront actionner les curseurs : plus pour les personnes âgées ici, moins pour les enfants ailleurs, etc., bienvenue dans le clientélisme…

Que ce qui précède ne vous empêche toutefois pas de profiter des beautés de la vie et des moments joyeux qui la ponctuent. Bonne année à toutes et tous, quand même !

Laurent Lejard, janvier 2024.

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