La réforme du marché du travail sur le point d’être adoptée par le Parlement va faire de nombreuses victimes. La droite française a en effet obtenu ce qu’elle exigeait depuis de nombreuses années : punir les chômeurs et les allocataires du Revenu de Solidarité Active (RSA) en leur imposant la signature d’un contrat d’engagement contenant un minimum de 15 heures obligatoires d’activité. Les expérimentations déjà réalisées ont permis de constater que des demandeurs d’emploi avaient ainsi fourni du travail dans des entreprises privées, pour le plus grand bénéfice de ces dernières et aux frais de ces employés gratuits. Pour faire bonne mesure, la nouvelle loi obligera non seulement les bénéficiaires du RSA à s’inscrire à France Travail (nouvel organisme remplaçant Pôle Emploi) pour que leur maigre allocation soit maintenue, mais également leur conjoint ou assimilé. Tous au boulot ! Les réactionnaires français peuvent triompher : leur doctrine sur les « pauvres fainéants » est enfin gravée dans la loi.

Certes, les travailleurs reconnus handicapés pourront être exemptés de ce STO nouvelle mouture, mais à leur demande : ce ne sera pas automatique. Et ils devront obligatoirement passer d’abord par France Travail pour bénéficier des dispositifs d’aide et de soutien à la recherche d’emploi. Actuellement, ils peuvent en effet s’adresser directement aux organismes spécialisés Cap Emploi et se contenter de « pointer » pour conserver leur éventuelle allocation chômage. C’est fini : France Travail sera chargé de les accueillir tous pour ensuite être orientés vers un dispositif adapté à leur situation, handicap et besoins. Cette orientation sera décidée par l’agent France Travail qui les recevra, censé connaître les handicaps pour décider qui ira où. Autant écrire « dans le mur » tant la tâche est déjà ardue pour les employés des Cap Emploi pourtant spécialisés dans cet accueil.

Mais voilà : en 2023, il faut être in-clu-sif ! Donc tout le monde doit passer par le cadre commun pour ensuite être dirigé au petit bonheur la chance vers un dispositif adapté. Tant pis si la nouvelle loi inverse le parcours et crée une étape inutile pour la plupart des demandeurs d’emploi handicapés. Les 54.000 agents de France Travail vont devoir traiter mensuellement plus de 5 millions de personnes ; face à cette masse, il n’y a pas de place pour l’approche individualisée nécessaire à la prise en compte des handicaps. Cela d’autant plus que ces agents sont loin d’être formés à recevoir les travailleurs handicapés, ce que le Gouvernement ne voulait d’ailleurs pas changer. Ce sont des députés progressistes qui, en bataillant, ont réussi à introduire une telle formation aux handicaps, après d’âpres négociations. La gauche au secours d’une loi de droite…

Laurent Lejard, novembre 2023.

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