« Moi, ce que j’ai envie c’est de passer surtout de l’obligation à l’envie […] Il faut travailler par exemple avec l’Agefiph qui est le fonds qui récolte la contribution pour être politiquement correcte, c’est-à-dire la pénalité quand vous n’êtes pas à 6%. » Pour la secrétaire d’État aux personnes handicapées, Sophie Cluzel, s’exprimant sur France Info le 16 novembre, la loi sur l’emploi des personnes dont elle a la charge est une obligation qu’elle voudrait transformer en envie de recruter. Ce n’est pas la première fois qu’elle tient ce propos, elle milite depuis son entrée en fonction pour la suppression de l’obligation d’emploi qu’elle voudrait remplacer par une incitation, ainsi qu’elle l’avait expliqué il y a tout juste quatre ans sur Sud Radio : « Surtout arrêtons d’être coercitifs et soyons incitatifs, on voit que la coercition ça ne marche pas. » Et l’incitation encore moins, comme le constatent régulièrement les personnes faisant partie d’une minorité visible.

En novembre 2017, Madame Cluzel relevait que le pourcentage de travailleurs handicapés était de 3,5%, qu’elle avait fait le calcul et que 26 ans seraient nécessaires pour atteindre les 6% instaurés par la loi. Elle avait raison : quatre ans plus tard, le pourcentage effectif a progressé de trois dixièmes de point, 3,8%, et à ce rythme il faudra encore 22 ans pour atteindre les 6%. Trois dixièmes de plus pour les quatre ans d’action du Gouvernement auquel appartient Madame Cluzel, qui a réformé le droit du travail pour en assouplir les modalités de licenciement, réduit les droits sociaux et à l’assurance chômage, précarisé l’emploi pour les salariés les moins qualifiés. Comme par hasard, beaucoup d’entre eux sont reconnus travailleurs handicapés.

Ce qui choque le plus dans les propos de Madame Cluzel, c’est qu’elle qualifie la contribution en faveur de l’emploi de travailleurs handicapés de « pénalité ». Rappelons sa raison d’être : les employeurs sont tenus d’employer directement ou contribuer financièrement, ce qui permet d’organiser des actions de soutien en faveur de travailleurs handicapés. La contribution financière versée à l’Agefiph pour le secteur privé et le FIPHFP dans le public est une compensation : tous les employeurs de 20 salariés et plus sont mis à égalité, qu’ils occupent ou non des travailleurs handicapés. C’est cette égalité que Madame Cluzel voudrait faire disparaître, au risque d’enlever à ces travailleurs la béquille financière qui leur permet d’avancer.

Laurent Lejard, novembre 2021.

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