De la lecture du rapport « Nous vieillirons ensemble… 80 propositions pour un nouveau Pacte entre générations », approfondi et documenté de Luc Broussy [président de la filière nationale de Silver Économie] sur l’adaptation des logements pour bien vieillir (publié en mai 2021), je retiens surtout cette prévision démographique : entre 2020 et 2030, la population âgée de 75 à 84 ans augmentera de 30%.

Pour y faire face dans l’urgence et efficacité, je propose trois mesures :

  1. Dans la loi du 11 février 2005, partie accessibilité du cadre bâti (Article 41) et dans l’article L111.7 du code de la construction et de l’habitation, il faudrait supprimer : « Les dispositions [architecturales d’accessibilité] ne sont pas obligatoires pour les propriétaires construisant un logement pour leur propre usage ». Ces modalités concernent la construction de maisons individuelles qui représentent 60% des logements neufs que l’on construit chaque année ! Il faut remarquer que cette dérogation n’existait pas dans la loi précédente du 30 juin 1975 qui stipulait le contraire : « Il est recommandé d’étendre les dispositions obligatoires des bâtiments collectifs aux maisons individuelles ».
  2. Dans la loi du 23 novembre 2018 dite ELAN, il faudrait remplacer au sein de l’article 64 : « Dans les bâtiments nouveaux 20 % des logements sont accessibles et les autres sont évolutifs » par : « Dans les bâtiments nouveaux tous les logements sont accessibles, les coûts étant maîtrisés par la généralisation [Cette généralisation « Lifetime homes » a été adoptée en Grande-Bretagne en 2013 et a un caractère obligatoire]. Ils doivent être aussi évolutifs pour s’adapter à des cas particuliers ». Notre réglementation serait alors semblable à celle de la Suède où le coût de l’adaptation du logement est fixé par subvention à 1.900€, alors qu’en France pour 2019-2020 le coût médian de l’adaptation à été de 6.500€ par logement, rapporte Luc Broussy !
  3. Dans la loi du 11 février 2005, il faudrait contrôler la stricte application de la disposition suivante : « Art. 41. V : « la formation à l’accessibilité aux personnes handicapées est obligatoire dans la formation initiale des architectes et des professionnels du cadre bâti ». La qualité de la construction, conception et réalisation, doit dépendre de l’enseignement que reçoivent l’architecte, l’ingénieur, le constructeur et non pas être guidée uniquement par l’application de normes. On remarque d’ailleurs dans le rapport de Luc Broussy que les professionnels du cadre bâti ne figurent pas parmi les personnes consultées. J’en suis très étonné.

En conclusion, face à l’urgence et par anticipation nous devons arrêter de construire encore des logements neufs inaccessibles, inadaptés au confort de tous les âges et de toutes les situations de la vie. C’est malheureusement ce que nous construisons depuis plus de vingt ans sous la dictée d’une réglementation en place depuis plus de quarante ans. Économiquement, nous le payons cher par un coût d’adaptation à posteriori trop élevé, trois fois supérieur à celui de la Suède !

En 2021, préparons l’avenir en adaptant tous les logements neufs dans la perspective de 2030.

Louis-Pierre Grosbois, Architecte urbaniste, professeur honoraire à l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-La Villette. Auteur de l’ouvrage Handicap et construction (qui en est à la 11e édition), juin 2021.

NB : Luc Broussy était déjà l’auteur d’un rapport sur le même thème remis en mars 2013 au Gouvernement de Jean-Marc Ayrault et largement resté lettre morte. Le second connaitra-t-il le même sort ?

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