C’est peu dire que la stratégie vaccinale lancée fin décembre par le Gouvernement a fait flop et polémique. Nos éminences dirigeantes avaient en effet décidé de vacciner les personnes âgées vivant en maisons de retraite (EHPAD) ou de soins de longue durée (USLD), au moyen d’un protocole lourd et complexe : en cinq jours de temps, ces établissements devaient organiser des consultations médicales d’information pré-vaccinales destinées à recueillir le consentement éclairé des résidents, puis vacciner celles qui acceptaient sous surveillance médicale. Mais ces élites supérieurement intelligentes ont oublié la carence des EHPAD en médecin : bien qu’obligatoire, peu disposent d’un « médecin coordonnateur » effectif, autre que de papier, et le suivi des pensionnaires est assuré par des médecins de ville qui ne se déplacent plus. C’est le pensionnaire qui va au cabinet médical, et on doit l’y conduire. Sans parler des nombreux territoires médicalement sinistrés, comptant peu de médecins, plutôt âgés et surchargés, qui n’ont pas de temps disponible pour aller consulter en EHPAD. En ignorant cette réalité, nos éminences ont évidement planté cette campagne de vaccination et la France parvient péniblement à traiter moins de 10.000 personnes par jour. A ce rythme, il faudrait 15 ans pour vacciner la population…

Et voilà qu’acculés par l’opposition et la presse grand public notre Premier ministre et son collègue chargé de la Santé se retrouvent obligés le 7 janvier d’amender la stratégie publiée dix jours avant. Depuis le 4 janvier, les professionnels de santé, pompiers et aides humaines à domicile âgées de plus de 50 ans, les « personnes handicapées hébergées dans des établissements spécialisés et leurs personnels âgés de 50 ans et plus et/ou présentant des comorbidités » peuvent se faire vacciner. Et à partir du 18 janvier, la vaccination sera étendue aux soignants âgés de plus de 50 ans et aux personnes de plus de 75 ans vivant à domicile. Ces dernières devront obtenir un rendez-vous par téléphone ou Internet pour se rendre dans un centre de vaccination ; prévoyez déjà de la patience, numéro de téléphone et interface web saturés, ça leur donnera une idée de ce que l’Administration fait subir aux étrangers qui doivent obligatoirement obtenir par Internet un rendez-vous pour le renouvellement de leur titre de séjour. Ce système fonctionne fort mal, mais cette contingence n’intéresse pas nos éminences.

Selon les informations officielles actuellement publiées, on ne sait pas comment les personnes handicapées ou malades chroniques menant une vie indépendante à domicile, mais potentiellement à risque de développer une forme grave de Covid-19, peuvent se faire vacciner. Parmi elles, les personnes trisomiques, insuffisantes rénales, cardiaques, sous assistance respiratoire permanente ou intermittente, obèses, myopathes, tétraplégiques, etc. Elles ne sont pas incluses dans les catégories de personnes acceptées à compter du 18 janvier, et les associations de personnes handicapées interrogées ne disposent pas d’informations. Et si l’on doit comprendre qu’elles figurent parmi « les personnes vulnérables et précaires », ce n’est qu’à partir du printemps qu’elles pourront être vaccinées. C’est d’ailleurs ce que vient de décider en référé le Tribunal Administratif de Châlons-en-Champagne (Marne) en rejetant la demande d’un quinquagénaire handicapé moteur, diabétique, obèse et sous assistance respiratoire, d’être vacciné dans les 48 heures. Le juge lui a répondu qu’il a « vocation à bénéficier de ce vaccin dans un délai de quelques semaines à quelques mois, après qu’il ait été administré à d’autres personnes plus vulnérables que lui ». Si lui et d’autres sont encore vivants. Patience et longueur de temps…

Laurent Lejard, janvier 2021.

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