2020 a débuté avec une offensive de propagande menée par plusieurs organisations de l’église catholique sur le thème du « droit à la vie », en clair supprimer l’interruption de grossesse qu’elle soit volontaire ou médicale en cas de malformations graves du foetus. Premier acte, une campagne de pub sur les panneaux parisiens de la SNCF et du métro affichée par une organisation dont on taira le nom pour ne pas lui offrir l’exposition qu’elle espère. Une campagne en quatre visuels, pour appeler au respect de la vie, de la paternité, la maternité et de la différence. En fait, il s’agit d’attaquer une fois encore l’interruption volontaire (vie et maternité) ou médicale (différence) de grossesse, et les techniques de procréation médicalement assistées permettant aux couples de femmes d’avoir des enfants (paternité). Cette propagande est véhiculée depuis des années par une organisation proche de la droite néofasciste, pourtant récemment auditionnée par les parlementaires et écoutée par nombre de politiciens, qu’ils soient de droite, du centre et même de gauche.

Il se trouve que le délégué général de cette organisation est un chroniqueur régulier de la revue de l’Office Chrétien des personnes Handicapées dont le numéro de janvier lui offre une pleine page de publicité et consacre un dossier à… l’interruption médicale de grossesse. Il expose des alternatives à l’IMG défendues par des religieux, des fidèles et des organisations d’obédience catholique dont les témoignages ne présentent que des couples, comme si les familles monoparentales, à plus forte raison homoparentales, n’existaient pas. A aucun moment ne sont évoquées les conditions de vie difficiles voire impossibles réservées par nos administrations (MDPH, éducation nationale, services publics, etc.) aux familles élevant un ou plusieurs enfants handicapés, la stigmatisation sociale, les discriminations. Logique : pour l’église catholique, la souffrance constitue le quotidien terrestre, il faut accueillir la vie, quelle qu’elle soit, et l’accepter sous toutes ses formes même les moins viables.

Et ledit délégué de proclamer en préambule, « Si j’ai trouvé un sens à ma vie, c’est grâce aux personnes portant un handicap. » Avant d’ajouter : « Le pape Jean-Paul II, qui osait assimiler les personnes handicapées à Jésus crucifié, les voyait en ‘messagers d’un monde nouveau, non plus dominé par la force, la violence et l’agressivité, mais par l’amour, la solidarité, l’accueil… » Parce que les personnes handicapées sont des « icônes vivantes du Fils crucifié [montrant que] la consistance ultime de l’être humain, au-delà de l’apparence, est en Jésus Christ », déclarait Monseigneur Zygmunt Zimowski, président du Conseil pontifical pour la pastorale de la santé lors du congrès de la cécité du 7 mai 2012 à Rome. Propos à rapprocher de celui du moine théologien Samuel Rouvillois, « directeur de conscience » de certains dirigeants de grandes entreprises : les personnes handicapées sont l’Alliance entre Dieu et les hommes, expliquait-il lors d’une conférence de l’OCH en octobre 2009, allant jusqu’à assimiler la souffrance des personnes handicapées à celle du Christ en croix pour les ériger en prophètes annonçant la Bonne Nouvelle ! En clair, toucher une personne handicapée, c’est adorer Dieu. Samuel Rouvillois aura toutefois quelques difficultés à poursuivre ce prêche, il est tombé en disgrâce en juin 2019 pour ces histoires de « zézettes » devenues désespérément banales au sein de l’église catholique.

Mais tout cela n’est pas parvenu aux yeux et aux oreilles de la maire de Paris, Anne Hidalgo, quand elle a demandé à la régie publicitaire des transports parisiens de retirer la campagne de propagande de cette organisation : elle a exigé le retrait immédiat des affiches « maternité » et « paternité » mais le maintien de celle qui affirme le respect de la différence et montrant un adolescent handicapé. Or, c’est au nom de ce respect, essentiel pour que toutes les personnes nées ou devenues handicapées puissent vivre pleinement dans notre société, que l’église catholique et ses officines demandent que l’interruption volontaire ou médicale de grossesse soit interdite. Pour elles, seul Dieu décide de qui doit vivre ou mourir, et le corps des femmes appartient de facto à l’église sinon à l’Etat. La maire de Paris n’a manifestement pas perçu ce discours à tiroir et est tombée dans le panneau (publicitaire) comme quelques-uns de ses collègues d’une douzaine de villes qui ont financé des maisons partagées entre habitants handicapés et valides, les Communautés Simon de Cyrène. Sous le couvert très honorable d’intégration par le logement, cette organisation catholique remplit une mission évangélique qui culminera cette année avec l’organisation d’un pèlerinage à Lourdes pour Pâques. L’église catholique déploie en effet une multitude d’organisations (L’Arche, Foi et Lumière, pastorales locales) ciblant essentiellement les personnes handicapées mentales embarquées, bon gré mal gré, dans des célébrations, messes et pèlerinages. A quelles fins, on se le demande : un miracle qui « évaporerait » les handicaps ou la (re)mise au pas des femmes ?

Laurent Lejard, janvier 2020.

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