L’une des rares bonnes nouvelles du premier gouvernement de la présidence d’Emmanuel Macron est la nomination d’une secrétaire d’Etat chargée des Personnes handicapées qui connaît les problèmes vécus par les familles : Sophie Cluzel combattait depuis six ans pour un accompagnement scolaire de qualité des élèves handicapés, en tant que présidente de la Fédération nationale des associations au service des élèves présentant une situation de handicap (FNASEPH). Son secrétariat d’État est rattaché au Premier ministre recruté chez Les Républicains, Édouard Philippe, ce qui pourrait lui donner davantage de poids que si elle dépendait de la ministre des Solidarités et de la Santé. Mais cela veut dire qu’elle n’aura pas de budget et devra aller chercher les moyens nécessaires à son action chez les deux ministres de droite chargés des Finances et du Budget, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin, partisans d’une austérité renforcée. Evoluant dans le monde du handicap dont elle connaît tous les enjeux et acteurs, Sophie Cluzel n’a pas droit à l’erreur : choisie pour sa connaissance du handicap, elle aura la difficile tâche d’accorder la politique libérale d’Emmanuel Macron (qui prône moins de soutien public et plus d’initiative individuelle comme moyens de promotion sociale) aux réalités des personnes handicapées et de leurs familles qui sont davantage victimes de l’environnement social et du dénuement qu’acteurs de leurs vies.

Rien ne permet de penser, en effet, que la libéralisation du droit du travail, le transfert sur l’impôt CSG des cotisations sociales finançant la Sécurité Sociale et le chômage, la réduction du périmètre de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’action pour une Union Européenne fédéraliste dépossédant les Etats de leur politique budgétaire, vont améliorer la situation sociale et financière de la plupart des Français, notamment de ceux qui vivent le handicap au quotidien. Emmanuel Macron a promis d’augmenter de 100 euros l’Allocation aux Adultes handicapés, ce qui représente au moins un milliard d’euros. Certes, cela n’équivaut qu’à 1/7e des sept milliards que le Gouvernement précédent a donnés à Électricité de France pour se recapitaliser afin de financer un programme nucléaire ruineux et ultra-déficitaire… en Angleterre. Mais les euros que l’État distribue si généreusement à la filière nucléaire dont est issue le nouveau Premier ministre font défaut aux citoyens handicapés : il y a de l’argent pour financer des centrales (90% de l’électricité consommée y est produite) mais pas pour aider les personnes handicapées à vivre dignement. L’objectif du nouveau président de la République est de réduire les dépenses publiques de 60 milliards d’euros pendant son quinquennat : comment financera-t-il sa promesse qu’il n’y ait « plus de personnes en situation de handicap sans solution » ? Leur prise en charge risque d’ailleurs de devenir plus difficile du fait de la suppression de 120.000 emplois publics qui ne devrait pas améliorer le fonctionnement des administrations nationales et territoriales.

Parce qu’une lecture attentive des propositions (fluctuantes) du candidat Macron en matière de handicap montre qu’elles s’inscrivent dans la continuité de l’action publique conduite depuis cinq ans. « Tous [les enfants] qui ont besoin d’être accompagnés le seront par un auxiliaire de vie scolaire, qui aura un statut sécurisé et qui sera mieux payé », c’est fait, les Maisons Départementales des personnes Handicapées évaluent ce besoin et l’accordent, reste à l’Education Nationale à recruter et payer ce qu’elle fait en fonction de son budget. De plus, la transformation de ces emplois précaires en contrats de travail a été lancée par le gouvernement précédent. A cet égard, l’amélioration de la qualité de scolarisation des enfants handicapés nécessite davantage d’enseignants formés et moins d’élèves dans les classes d’intégration : rien n’indique que la politique Macron-Philippe ira dans cette direction. La nomination comme ministre de l’Education nationale d’un haut-fonctionnaire conservateur, Jean-Michel Blanquer, présume même du contraire, apôtre du principe « faire plus avec moins » qu’il a mis en oeuvre en liquidant 4.000 postes quand il était directeur général de l’enseignement scolaire (2009-2012) sous le ministère de Luc Chatel. En matière de personnes handicapées sans solution, le précédent gouvernement a lancé un plan « Zéro sans solution » qui mobilise les moyens existants sans créer davantage de services et de places en établissements médico-sociaux. Bien sûr, on peut toujours faire plus en utilisant mieux les ressources disponibles mais tirer sur cette ficelle a des limites que les familles connaissent bien : la rupture et le retour à leur charge du parent handicapé. Autre promesse du candidat Macron, la labellisation des formations professionnelles, autant dire rien puisque le financement des formations adaptées n’a cessé de baisser depuis 2011 et le nombre de bénéficiaires a fortement chuté.

Toutefois, le sort de ce premier Gouvernement Édouard Philippe ne dépend pas des ministres qui le composent mais des citoyens qui éliront leurs députés à l’Assemblée Nationale les 11 et 18 juin prochains. Seront-ils sensibles à cette volonté de faire travailler ensemble la droite (y compris dure), des centristes qui ne représentent guère qu’eux-mêmes (Bayrou-Sarnez), la droite du Parti Socialiste et des techniciens de la « société civile » ? Approuveront-ils les réformes qu’on leur annonce, ce changement dans la continuité, ou rappelleront-ils les choix qu’ils avaient faits au premier tour de l’élection présidentielle ?

Laurent Lejard, mai 2017.

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