Depuis le début de la réforme de l’accessibilité engagée par l’ordonnance prise sans concertation le 26 septembre 2014, les ministres concernés n’ont eu de cesse de nous dire que le chantier avançait bien, et que plus des trois-quarts du million d’Établissements Recevant du Public (ERP) étaient en règle. Et voilà que dans son dernier Edito, la nouvelle Déléguée Ministérielle à l’Accessibilité, Brigitte Thorin, taille en pièces le discours gouvernemental : « Les résultats sont très encourageants : nous approchons du million d’ERP. L’essentiel des ERP du 1er groupe (1ère, 2ème, 3ème et 4ème catégorie), soit près de 600.000 ERP, sont donc soit déjà accessibles parce que neufs, construits, ou encore mis aux normes après 2007, soit enfin parce qu’entrés dans le dispositif des Ad’AP. » Or, les ministres nous assènent que la France compte autour d’un million d’ERP, chiffre que nous estimons minoré de moitié : avec 800.000 commerces et autant de professions libérales, notre pays compte environ deux millions d’ERP, un chiffre compatible avec les 600.000 établissements du 1er groupe obligatoirement recensés par les Services Départementaux d’Incendie et de Secours. Ces ERP reçoivent plus de 300 personnes, et constituent une petite minorité face aux commerces, cabinets médicaux et autres petits établissements assujettis à l’accessibilité. « Il nous reste encore à mobiliser, plus particulièrement les gestionnaires des petits établissements, les ERP de 5ème catégorie, nos commerçants de proximité et nos professions libérales dont, pour certains, nous n’avons pas de nouvelles, » justifie pudiquement Brigitte Thorin.

L’autre vérité mise en évidence par la déléguée ministérielle est la grande mansuétude avec laquelle sont traités les propriétaires et gestionnaires : « Certes, le délai ‘légal’ de dépôt de l’attestation d’accessibilité est dépassé depuis le 1er mars 2015 [c’est-à-dire depuis plus d’un an !] mais ce n’était pas une date couperet, juste une date aiguillon. il faut transmettre l’attestation malgré tout. » Le contribuable taxé de 10% de pénalité parce qu’il a adressé avec quelques jours de retard sa déclaration de revenu appréciera… « D’autres sont clairement en retard, poursuit la Déléguée, mais il est toujours temps de déposer son Ad’AP et il faut continuer à le faire savoir en indiquant qu’il faudra tout de même justifier son retard auprès du préfet. » En clair, la date-butoir du 27 septembre 2015 compte pour du beurre.

En sera-t-il de même du contrôle d’exécution de ces Agendas d’Accessibilité Programmée ? On ne le sait pas encore, par manque d’informations qualitatives parce que là n’était pas l’enjeu essentiel pour le Gouvernement quand il a décidé de réformer l’accessibilité en reportant les échéances et en révisant les normes à la baisse. L’objectif était de donner l’illusion d’une politique pragmatique en faveur des personnes handicapées, en jouant sur les chiffres sans s’intéresser à la réalité : combien de dérogations, de palliatifs plus ou moins sérieux, de solutions au rabais ? Cette politique du chiffre est ainsi avouée par Brigitte Thorin : « Chacun doit encore se mobiliser pour passer le cap du million d’ERP ». La réalité sera vécue, ou subie, par les personnes handicapées, en toute vérité…

Laurent Lejard, novembre 2016.


L’Edito de la Déléguée Ministérielle à l’Accessibilité est à lire en ligne.

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