Les commentateurs s’accordent pour saluer les Jeux Olympiques qui se sont déroulés le mois dernier à Rio de Janeiro, malgré un climat politique brésilien délétère, une baie aux eaux polluées, une pauvreté accentuée par la crise économique que connaît le pays et une insécurité combattue par des policiers armés comme des troupes de choc. Mais côté sport, tout s’est bien déroulé, performances et records, stades remplis et business lucratif, corruption tranquille et pots-de-vin juteux, un grand cru que ce Rio 2016 !

La chanson sera nettement différente pour les Jeux Paralympiques qui vont se dérouler dans la même ville du 7 au 18 septembre. Les stades seront entre vides et peu remplis, 20% seulement des billets ayant été vendus dix jours avant le début des compétitions. Les caisses du comité d’organisation sont à sec, tout a été dépensé pour les Olympiques, le budget des Paralympiques a été détourné. On ne sait toujours pas si toutes les compétitions pourront avoir lieu, et combien d’équipes seront absentes : il revient en effet au comité brésilien d’organisation de payer le voyage et le séjour d’athlètes de pays pauvres dont les autorités ne financent pas, ou peu, le handisport. Des sites de compétition sont déjà démantelés, les services de transports créés pour les Olympiques supprimés. Les handisportifs ne devraient pas trop en souffrir, mais les spectateurs handicapés vont, eux, vivre une nouvelle expérience d’inaccessibilité urbaine. On est aux antipodes de ce qui s’est produit il y a quatre ans à Londres, lors des Jeux précédents, que le président (anglais) du Comité International Paralympique, Sir Philip Craven, avait qualifiés de « meilleurs Jeux Paralympiques que l’on ait connus » : il estime déjà que ceux de Rio seront les pires !

Cela n’entame en rien le discours des autorités françaises concernant la candidature de Paris à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. L’argument déjà servi en 2006 lors de la précédente tentative est réassaisonné; ils amélioreront la visibilité des handisports et l’accessibilité : rien n’est moins sûr. Actuellement, les compétitions handisports se déroulent « entre soi », avec comme public famille, amis et enfants des écoles convoqués comme dans une dictature pour saluer un chef d’Etat en visite… Combien de Français sont-ils prêts à payer pour assister à un match de basket fauteuil, à un meeting d’handiathlétisme ? Organisé à Lyon en juillet 2013, le championnat du monde de cette compétition s’était déroulé dans un petit stade de banlieue, avec entrée gratuite. Il n’y a toujours pas en France de public intéressé au handisport, mais il ne déserte pas les gradins lorsqu’une compétition réunit valides et handisportifs, comme lors du mondial 2010 d’escrime : tous les spectateurs se sont enthousiasmés pour les escrimeurs français, quelle que soit leur condition.

La popularité de Jeux Paralympiques distincts des Olympiques revient régulièrement dans les discussions, y compris politiques puisque le souverainiste Nicolas Dupont-Aignan vient même de publier un communiqué demandant leur tenue conjointe. Dans cette occurrence, l’alternance de compétiteurs valides et handis assurerait une visibilité à tous, même si les contingences d’organisation en seraient plus importantes. Mais au vu de ce qui s’annonce à Rio, et s’est déroulé lors d’Athènes 2004, les handiathlètes ne se produiraient pas dans des stades, gymnases et piscines quasi vides. Pourtant, aucun tenant de la candidature parisienne ne veut voir la réalité de l’audience du handisport en France, tenant un discours positiviste sur l’inclusion par Immaculée Conception…

Reste la promesse d’amélioration de l’accessibilité. Bien évidemment, les handisportifs évoluent lors de Jeux Paralympiques dans des conditions privilégiées, ils ne sont pas concernés, le propos vise à faire accepter et soutenir par la population une candidature. Mais on nous a déjà fait le coup en 2006, lors de la candidature de Paris aux Jeux de 2012 : meilleure accessibilité de la voirie, des établissements et des transports. Sauf que rien n’a évolué positivement depuis l’échec de cette candidature, aucun des projets annoncés n’a été entrepris et surtout pas celui de mise en accessibilité partielle du métro parisien. Pire, la sensibilisation des professionnels de l’hôtellerie et du tourisme à l’accueil des visiteurs handicapés est en déshérence à Paris et en Ile-de-France depuis plus de cinq ans, victime de l’abandon de collectivités locales qui privilégient la clientèle à haut pouvoir d’achat. Résultat : Paris ne peut dire combien de visiteurs handicapés elle pourrait loger lors des Jeux de 2024, l’offre actuelle n’étant pas connue. Côté transports, avec un métro inaccessible, un RER qui l’est peu, des bus surchargés et lents, des taxis chers et inadaptés, des embouteillages apoplexiques à toute heure, les spectateurs handicapés d’éventuels Jeux Olympiques et Paralympiques parisiens ne seront pas à la fête. A la différence notable du business…

Laurent Lejard, septembre 2016.

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