En organisant à la Présidence de la République une seconde Conférence Nationale du Handicap alors que la loi ne permettait de l’envisager qu’en 2017, après la prochaine élection présidentielle à laquelle il se prépare, François Hollande savait qu’il ne courrait aucun risque de contestation de sa politique. Le cadre solennel du Palais de l’Elysée et l’omniprésence policière écrasent toute spontanéité, toute parole un peu plus haute qu’une autre. Le déroulement est rodé, pesant, une succession de tables-rondes aux intervenants cadrés pour une enfilade de propos lénifiants, à la limite du soporifique. Le point d’orgue se doit d’être, au bout de trois heures de causerie, le discours du Président et les annonces de mesures nouvelles. La CNH est devenue la CPH : Conférence Présidentielle du Handicap !

Lequel n’aura pas dit un mot sur les ressources des personnes handicapées privées d’emploi et de revenu autre qu’une Allocation aux Adultes Handicapés, une pension d’invalidité ou une rente accident du travail, prestations qu’il a gelées et au pouvoir d’achet en baisse. Pas un mot non plus sur les 500.000 chômeurs handicapés, une proportion double de la population générale, qui voient fondre les aides à l’emploi et à la formation professionnelle malgré tous les discours positifs. Pas un mot enfin sur la citoyenneté et l’implication dans la vie publique : les politiciens parlent toujours à la place des personnes handicapées et assènent ce qu’ils croient bon pour elles.

Plusieurs des mesurettes annoncées par François Hollande l’avaient déjà été au fil des derniers mois, dont l’octroi de la prime d’activité aux Allocataires Adultes Handicapés qui travaillent (le ministère du Budget les avait oubliés, ce sont deux associations qui lui ont fait comprendre sa bévue) mais les pensionnés d’invalidité continueront à faire ceinture. L’une des mesurettes aurait pu être écrite dans l’entre-deux guerres : créer « 1.500 places supplémentaires par an en pension de famille » ! On suppose que cela concerne l’accueil familial, mais le technocrate rédacteur ne fait visiblement pas la différence…

Et voilà notre Président qui fait une boulette : « Le délai de renouvellement de l’AAH sera allongé de plusieurs années pour les allocataires dont le taux d’incapacité est supérieur à 80%. Ce délai pourra aller jusqu’à cinq ans. » Comme actuellement cette allocation peut leur être attribuée pour dix ans, le Président de la République a donc annoncé une régression de ce droit ! Nul doute que l’éclaircissement viendra bientôt… Autre boulette qu’il revendique haut et fort : la création de la carte unique mobilité-inclusion franco-française qui fera perdre à ses titulaires le bénéfice des facilités de circulation et de stationnement dans les pays européens et l’Amérique du Nord. Possesseurs de la carte européenne de stationnement conservez-là précieusement !

Mais l’objectif du Président de la République n’était pas de convaincre ceux qui vivent le handicap, ceux-là savent mesurer la régression de l’insertion sociale et professionnelle qu’ils ont subie ces dernières années. Grâce à la réforme de l’accessibilité du Gouvernement, ils continueront à vivre durablement l’inaccessibilité des logements, des Etablissements Recevant du Public, des transports collectifs qu’ils paient pourtant dans leurs impôts. L’objectif du Président, on l’a bien compris, était d’obtenir des manchettes dans les médias, comme « Hollande veut bâtir ‘une société inclusive’ pour les personnes handicapées » (La Croix), « Hollande promet des CDI pour les auxiliaires de vie scolaire » (Les Echos), « Auxiliaires de vie scolaire, polyhandicapés, le plan de François Hollande sur le handicap » (Europe 1). On s’y attendait, cette pseudo CNH : de la com’, rien que de la com’.

Laurent Lejard, mai 2016.

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