"Au-delà
du fond pour lequel le débat ne fait que commencer, nous tenons
à souligner un aspect de cette consultation qui pourrait être
un gag, si cela n'empêchait pas une majorité importante de voter
: le site même dédié au vote est 'mal accessible'." Ce constat
affligeant est dressé par la Confédération Française pour la Promotion
Sociale des Aveugles et des Amblyopes (CFPSAA). En clair, le site
web dédié au débat démocratique sur le contenu du projet de loi
numérique est inaccessible aux citoyens aveugles : "Sa présentation
dense et complexe ne facilite pas la démarche pour un grand nombre
de personnes, déficients visuels ou non. En premier lieu, la visualisation
des articles pose problème sous Internet Explorer, l'inscription
obligatoire est parsemée de complications, les votes sur la page
correspondant à l'article 29 s'avèrent impossibles tant sur l'article
que sur les arguments. Les multiples manipulations auxquelles
il faut se plier sont propres à en décourager beaucoup. Nous ne
voulons pas imaginer que cela puisse être intentionnel !"
Que la CFPSAA se rassure, cette bévue gouvernementale n'est certainement
pas intentionnelle mais elle illustre une nouvelle fois l'ignorance
totale de ce qu'accessibilité veut dire en matière de communication
électronique. On ne le sait que trop, aucun effort n'a réellement
été fait par les ministres successifs depuis l'instauration de
l'obligation de mise en accessibilité des sites Internet de l'administration
et des services publics. Si la secrétaire d'Etat à la modernisation
de l'Etat, Clotilde Valter, a lancé le 25 juin dernier la troisième
version du Référentiel Général d'Accessibilité de l'Administration,
c'est surtout pour qu'on ne lui rappelle pas que les deux premières
versions étaient restées dans les tiroirs et que le gouvernement
qu'elle venait de rejoindre refusait de faire respecter l'obligation
instaurée par le Parlement et bafouait ainsi la loi du 11 février
2005.
Dans un tel contexte, à quoi servirait-donc aux internautes aveugles
de donner leur avis sur un texte de loi qui ne leur apportera
rien ? Il ne supprime ni ne renforce l'obligation légale existante
et bafouée, mais lui adjoint l'obligation d'afficher "une mention
visible qui précise, dès l'ouverture, le niveau de conformité
ou de la non-conformité du site aux règles d'accessibilité". A
défaut, ´"Une sanction pécuniaire est fixée à l'encontre des sites
qui ne respectent pas ce dispositif". Ce ne sera donc pas l'inaccessibilité
qui sera sanctionnée mais l'absence de sa mention : "étonnant,
non ?" comme disait Desproges...
Laurent Lejard, octobre
2015.
Précision : La concertation en ligne ne durait que trois semaines
pour s'achever le 18 octobre 2015...
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