Alors qu’elle est chargée, dix ans après sa création, de mettre en oeuvre et financer les politiques publiques en direction des personnes handicapées ou âgées en perte d’autonomie, la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie n’est toujours pas en mesure de remplir toutes ses missions. C’est ce que constate le rapport présenté le 21 janvier à la Commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale par la députée socialiste de la Nièvre et présidente du Conseil national Consultatif des personnes Handicapées, Martine Carrillon-Couvreur.
Ce n’est pas un réquisitoire mais cela s’en approche. Au plus haut-niveau politique, les relations entre la CNSA et l’administration centrale via la Direction Générale de la Cohésion Sociale « doivent être clarifiées », affirme la rapporteure qui demande également que la réforme de la tarification des établissements médico-sociaux soit concrétisée dans les trois ans. De même, les recettes de la CNSA doivent être « sanctuarisées », affirme-t-elle, et il est nécessaire de veiller à ce que les dotations versées aux départements soit adaptées à l’évolution de leurs dépenses en prestations légales. On sait qu’en pratique le Gouvernement détourne certaines recettes lors de chaque loi de financement et baisse le taux de couverture par le budget de la CNSA des dépenses incombant aux Conseils Généraux qui doivent couvrir la différence sur leurs recettes propres, au détriment d’autres actions puisqu’ils sont tenus de payer les prestations accordées aux personnes handicapées ou âgées.
La rapporteure relève des disparités importantes sur le territoire, tant en matière d’offre collective que de compensation individuelle de la perte d’autonomie, notamment des écarts d’équipements entre établissements, régions et dépenses par habitants. Le niveau d’attribution de l’Allocation Personnalisé d’Autonomie et de la Prestation de Compensation du Handicap est inégal d’un département à l’autre, ce qui pourrait être corrigé par de nouveaux critères de péréquation pour les contributions de la CNSA à ces prestations, estime-t-elle : « L’action de la CNSA est également entravée par l’existence de carences dans la connaissance des besoins sur le territoire comme dans celle des coûts des établissements et services » Pour connaître ces coûts, la Caisse a recours à un organisme public dont les moyens sont notoirement insuffisants. Par ailleurs, le patrimoine immobilier du secteur médico-social est mal connu, alors qu’il se dégrade et nécessite d’être modernisé. La recherche dans le secteur médico-social « reste ponctuelle et peu structurée alors qu’elle devrait être au coeur de l’action de la CNSA ».
En résumé, la CNSA ne fait que payer, elle ne pilote rien, et pour cause : elle est quasiment aveugle ! La rapporteure déplore le « retard considérable pris en matière de systèmes d’information […] qui nuit à l’analyse des coûts et à la qualité des remontées de données dont dispose la CNSA bien que des progrès récents aient été constatés. » La carence est criante pour ce qui concerne les Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH), qui ne peuvent effectuer d’échange de données entre elles, ce qui complique d’ailleurs la vie des usagers quand ils changent de département. Cela nuit également à la remontée d’informations auprès de la CNSA. Le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement de la population prévoit toutefois de pallier ce qui précède par la création d’un système d’information commun à toutes les MDPH et à la CNSA, et interopérable avec les Conseils Généraux, dont la rapporteure demande qu’il soit opérationnel dans les deux ans. Elle a bien raison, parce que ce système d’information commun risque de buter sur son financement et la volonté politique de le déployer.
« Il est nécessaire de promouvoir la continuité des parcours de vie, » affirme-t-elle. Les auditions auxquelles la rapporteure a procédé ont permis de relever que les politiques restaient encore trop segmentées, celles qui concernent les personnes handicapées ou âgées faisant l’objet de traitements distincts. Il en va de même pour les politiques sanitaires et médico-sociales. Ce que l’on pourrait qualifier de politique du « chacun chez soi ». Si Martine Carrillon-Couvreur propose un guichet unique d’accès aux prestations, c’est en conservant la prise en compte des spécificités des besoins des personnes handicapées ou âgées dépendantes. La CNSA serait garante de l’égalité de traitement sur le territoire par une « fonction renforcée de pilotage, de régulation et d’évaluation de cette nouvelle organisation pour conforter une politique nationale de l’autonomie. » Le constat est fait, reste aux politiciens et au Gouvernement de le traduire en actes concrets, mais en auront-ils la volonté ? Ce serait vraiment nécessaire pour mieux gérer l’aide aux personnes handicapées ou âgées, et respecter leur choix de vie en leur donnant les moyens de l’assumer réellement.
Laurent Lejard, janvier 2015.