Le projet de budget de l’État pour son action en direction des personnes handicapées sera pour 2015 identique aux crédits finalement affectés en 2014 après les lois de collectif budgétaire, soit onze milliards six cents millions cinq cent mille euros. Compte-tenu de la hausse des prix, ce budget est donc en baisse, parfois forte selon les secteurs. C’est ainsi que le financement des Maisons Départementales des Personnes Handicapées est réduit de 15%, à charge pour la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie de contribuer pour 10 millions d’euros afin d’équilibrer la dépense. Ce nouveau transfert de charges confirme la politique gouvernementale : désengagement, rognage sur les dépenses et reniement de la parole donnée.

Le désengagement, on le retrouve dans le prélèvement 29 millions d’euros opéré sur les réserves de l’Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées (Agefiph). Il ne constitue pas une recette en plus pour le budget de l’État mais, ainsi que le précise l’étude d’impact du Projet de Loi de Finances pour 2015 « permet de réduire de 29 M€ le montant de la subvention du programme 102 de la mission Travail et emploi à l’ASP (Agence des Services et de Paiement) […] La contribution de l’association permettra d’assurer le financement de près de 10.000 emplois aidés en faveur des travailleurs handicapés ». Toutefois, rien ne permet d’affirmer que ce financement n’ira pas à des travailleurs « valides ». Côté Etablissements et Services d’Aides par le Travail (ESAT), les crédits progressent de 1,5%, juste de quoi compenser la hausse des prix sans création de places s’ajoutant aux 119.211 autorisées, « soit un niveau stabilisé depuis 2012 ». La dotation globale de fonctionnement des ESAT progresse de 20 millions pour prendre en compte les « conséquences de l’annulation par le Conseil d’État de l’arrêté tarifaire pour 2012 et de la revalorisation du tarif plafond sur la base duquel est mis en oeuvre, depuis 2009, un mécanisme de convergence des dotations des ESAT destiné à renforcer l’équité dans l’allocation de ressources à ces établissements. » Si le gouvernement est contraint de revaloriser un montant gelé pendant quatre années, il n’opère pas le rattrapage tarifaire pourtant nécessaire. Les crédits de paiement de la Garantie de Rémunération des Travailleurs Handicapés (GRTH) augmentent de 22 millions, là encore juste de quoi couvrir l’augmentation du SMIC à partir de laquelle elle est calculée. Enfin, le plan d’aide à l’investissement en faveur des ESAT est réduit de 1,5 millions, pour atteindre 2 millions d’euros soit moins de 17€ par place.

Stagnation des moyens et reniement de la parole de l’État pour les Entreprises Adaptées, dont le nombre d’emplois bénéficiant d’une aide au poste reste inchangé : 21.535. Stagnation parce que la dotation correspondante n’est augmentée que du montant correspondant à l’évolution du SMIC. Reniement de la parole de l’Etat puisque les 500 aides au poste promises en décembre 2013 par le ministre du Travail et de l’emploi d’alors, Michel Sapin, ne sont pas créées : dans un courrier adressé à l’Union Nationale des Entreprises Adaptées, il lui avait « semblé préférable d’étaler dans la durée les 1.000 créations d’aides au poste prévues dans le cadre du Pacte pour l’emploi des personnes en situation de handicap en entreprises adaptées, afin de suivre les potentialités d’embauche des entreprises adaptées. » Devenu depuis ministre des finances, le même Michel Sapin a totalement renié l’engagement qu’il avait pris, et jeté aux orties le Pacte pour l’emploi. La subvention spécifique versée à ces entreprises reste à 40 millions d’euros, ce qui équivaut à une baisse puisque qu’elle ne tient pas compte de l’évolution des prix. De la même manière, les Programmes Régionaux pour l’Insertion des Travailleurs Handicapés (PRITH) recevront la même somme qu’en 2014.

L’emploi des personnes handicapées ne serait-il plus une priorité gouvernementale ? Bien au contraire comme vont le constater celles qui perçoivent l’Allocation aux Adultes Handicapés pour un taux d’invalidité inférieur à 80% et qui présentent une restriction substantielle et durable d’accès à l’emploi : le Gouvernement veut faire baisser le taux de renouvellement de leur AAH de 90% en 2013 à 80% en 2017, une belle économie en perspective. Mais pas nécessairement avec une insertion professionnelle, aucun moyen n’étant prévu pour ce public. Autre économie attendue, la baisse de la réformation par les tribunaux des décisions d’attribution d’AAH ayant fait l’objet d’un recours, que le Gouvernement souhaite faire passer de 23% en 2014 à 15% en 2017. Il espère également relever à 67% (contre 42% en 2014) le nombre d’allocataires adultes handicapés titulaires d’une Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé dans le cadre de l’évaluation forcée de leur employabilité.

Pour clore cette analyse du projet de budget 2015, observons que le Gouvernement envisage de supprimer l’impression et l’expédition au domicile de chaque citoyen des « professions de foi » des candidats aux prochaines élections, et de leurs partis politiques comme le précise l’étude d’impact : « En effet, ce coût représenterait 112,9 M€ pour les élections régionales – soit 63 % du coût total de l’élection (178,4 M€), 79,9 M€ pour les élections départementales – soit 52 % du coût total de l’élection (152,2 M€) et 0,8 M€ pour l’élection des conseillers à l’Assemblée de Guyane et à l’Assemblée de Martinique – soit 35 % du coût total de ces élections (2,3 M€). » En remplacement, ces « propagandes » seraient mises en ligne sur des sites web spécifiques (80% de la population dispose d’un accès à Internet) et mises à la disposition des électeurs dans les préfectures, sous-préfectures et mairies. Les 20% de citoyens non « connectés » sont concernés par cette mise à disposition, dont des personnes handicapées qui risquent de rencontrer de grandes difficultés d’accessibilité pour les consulter librement. Par ailleurs, si l’étude d’impact précise que la « mesure permettra, en adaptant les sites internet à cet effet, de favoriser une meilleure accessibilité de certaines personnes handicapées aux documents électoraux », la réalité de l’accessibilité du web gouvernemental incite à la prudence. Mais après tout, réduire l’accès à la communication politique est un excellent moyen de limiter la sanction par les électeurs d’une politique qui les sert peu, voire les punit…

Laurent Lejard, octobre 2014.

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