Le mot d’ordre lancé par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault est bien passé auprès de ses ministres : il faut communiquer sur le bilan positif du Gouvernement qui vient de passer le cap de l’année d’existence. Ministre déléguée aux personnes handicapées, Marie-Arlette Carlotti a saisi cette opportunité de valoriser son bilan en publiant un argumentaire, une chronologie et en discutant par chat avec des internautes pendant une heure.

Démocrate affirmée, Marie-Arlette Carlotti veut « renforcer le lien entre les citoyens et leurs représentants » et a fait réaliser à deux reprises une version « facile à lire » de discours gouvernementaux, l’un du Premier ministre, l’autre d’elle-même, en oubliant de proposer une telle version pour les arguments de l’opposition…

Elle omet par ailleurs les nombreux couacs résultant d’une absence de concertation avec les associations nationales de personnes handicapées, dont elle a rencontré peu de dirigeants, laissant ce soin aux conseillers techniques de son cabinet : transfert des ESAT aux départements et transformation des MDPH en service du Conseil Général, limitation de l’autorité parentale en matière d’orientation d’un enfant handicapé, forte réduction des crédits alloués à la formation professionnelle des travailleurs handicapés alors que l’insertion professionnelle de ces derniers est paraît-il « une priorité nationale ».

Marie-Arlette Carlotti est satisfaite par la mise en oeuvre de la circulaire du Premier ministre « destinée à garantir la prise en compte du handicap dans chaque projet de loi » et elle cite en exemple celles sur « les emplois d’avenir, les contrats de génération ou encore la grande loi de refondation de l’école ». Sauf que pour cette dernière, ce sont les députés qui ont fait progresser la prise en compte du handicap, le Gouvernement ayant écrit dans l’étude d’impact du projet de loi : « Les dispositifs prévus à l’égard des élèves et des étudiants en situation de handicap ne requièrent pas de modifications substantielles. » Les députés de l’intergroupe Handicap ont d’ailleurs relevé l’absence de dispositions positives relatives aux étudiants handicapés dans le projet de loi réformant l’enseignement supérieur déposé à l’Assemblée Nationale en mars dernier : la seule mesure concerne le développement des contenus numériques, présenté comme une alternative à l’inaccessibilité des immeubles universitaires !

Dans les faits, depuis qu’elle est ministre, Marie-Arlette Carlotti n’a pris aucune décision, tranché aucun dossier, laissant cette responsabilité à d’autres ministres et aux Parlementaires. Il en va ainsi du retard pris dans la mise en accessibilité du cadre bâti et des transports : face à un premier rapport accablant dont elle a eu connaissance une poignée de semaines après sa prise de fonction, elle a confié à une sénatrice socialiste le soin de réaliser… un rapport ! Depuis septembre 2012, vingt mois ont été perdus à cause de cette absence de décision, et de nombreux autres le seront, le temps que le Gouvernement pallie cette lacune. Faute de visibilité des futures législation et réglementation, les promoteurs, constructeurs, opérateurs et décideurs attendent pour mettre l’existant en accessibilité.

Certes, la ministre déléguée aux Personnes handicapées a signé quelques décrets, au rayon mesurettes : fixation du plafond minimal d’achat de prestations auprès d’un ESAT au titre de l’obligation d’emploi, simplification de la délivrance de la carte de stationnement (d’ailleurs inapplicable du fait d’un délai de délivrance obligatoire de deux mois déconnecté de la réalité administrative), transfert à l’AGEFIPH sans compensation financière de la gestion de la déclaration obligatoire d’emploi (décidée par le précédent gouvernement de droite). Elle a également présenté, avec six mois de retard sur le délai qu’elle avait annoncé, un Plan autisme pour lequel elle a effectué un voyage d’étude en Belgique, plan dans lequel la ministre a totalement oublié les personnes autistes exilées dans ce pays faute de prise en charge adaptée en France.

La ministre présente en ligne la chronologie de ses interventions publiques et déplacements, qui confirme qu’elle n’est pas (contrairement à ce qu’elle a affirmé dans le chat organisé le 13 mai) « ministre à 100% ». En réalité, et on le constate à la lecture de l’agenda qu’elle diffuse en moyenne une semaine sur deux, Marie-Arlette Carlotti ne consacre que deux à trois jours en moyenne à son portefeuille ministériel, étant l’une des ministres qui semble travailler le moins pour le Gouvernement et le plus pour « sa » ville, Marseille, dont elle voudrait conquérir la mairie en mars 2014. Lors du même chat, Marie-Arlette Carlotti a affirmé qu’elle serait « maire à 100% » si elle gagnait ce combat électoral.

On ressort de ce qui précède avec une certitude positive : élue ou battue, Marie-Arlette Carlotti ne sera plus ministre et ne sévira dans le champ du handicap qu’au pire quelques mois encore.

Laurent Lejard, mai 2013.

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