Selon les estimations d’associations, il y aurait en France 100.000 jeunes autistes en déshérence. La faute à l’absence d’une prise en charge efficiente sur fond de querelle de chapelles psychiatro-psychanalytiques et d’absence de moyens pour développer d’autres thérapies que celles qui ont échouées. A une époque où les chercheurs ont mis en évidence le facteur génétique de l’autisme, le traitement psychanalytique des enfants qu’elle nomme « psychotiques » continue d’être prescrit, accompagné de son corollaire psychiatrique. Sans pour autant désavouer totalement, et préconiser son abandon, la Haute Autorité de Santé dans un avis publié en mars 2012 a nettement encouragé la promotion et le développement de prises en charge des personnes autistes par des approches éducatives et comportementales qui, si elles demeurent imparfaites et perfectibles, donnent, elles, des résultats : bien des enfants sont socialisés, les familles vivent mieux ensemble, des perspectives d’avenir sont ouvertes.

C’est dans ce contexte que devait survenir le 2 avril dernier, journée mondiale de l’autisme, la présentation du troisième plan gouvernemental dédié. Mais bien que la ministre des personnes handicapées, Marie-Arlette Carlotti, y travaille depuis des mois, multipliant les entretiens avec les ministres concernés, allant jusqu’en Belgique visiter des établissements recevant des personnes autistes françaises exilées faute de prise en charge adaptée dans notre pays, ce plan n’est ni finalisé, ni encore financé. Aussi, pour ne pas rater le rendez-vous qu’elle avait précédemment fixé, la ministre s’est livrée à une opération de communication tous azimuts : réponse à l’Assemblée Nationale à une question orale opportunément posée par une députée socialiste, interview au quotidien Le Figaro, participation au diner de gala d’une association spécialisée…

Pour annoncer quoi ? Le déploiement d’un réseau de repérage, diagnostics et interventions précoces dès les 18 mois de l’enfant, l’accompagnement de la personne tout au long de sa vie, un soutien des familles, des efforts de recherche et la formation de l’ensemble des acteurs. Cinq grands axes sans détails, processus, mesures, ni financements, la ministre assurant que son plan est prêt, qu’elle l’a remis à la ministre de la santé et au Premier ministre, et qu’elle le présentera « prochainement » au Comité National Autisme. Lequel était réuni huit jours avant la Journée mondiale de l’autisme : seules les grandes lignes du plan lui ont été présentées. L’association Vaincre l’autisme avait alors vivement réagi, dénonçant un « gouvernement [qui] choisit clairement de cloisonner et de maintenir l’institutionnalisation de l’autisme ». Dans un communiqué daté du 2 avril, la même association relate les contacts pris avec le ministère des personnes handicapées : « A 15h, cet après-midi, nous obtenons enfin un début de réponse : ‘pas d’annonce du plan officielle ce jour, les arbitrages financiers ne sont pas finis – encore des réunions à venir’. »

Qui est dans le vrai dans ce pataquès ? Dans quel état réel d’élaboration se trouve le plan Autisme alors que le cabinet de la ministre connaît encore un renouvellement de conseillers ? La ministre aurait-elle pris des libertés avec la réalité pour masquer un nouveau retard, elle qui avait précédemment annoncé un plan autisme pour… novembre 2012 ?

Laurent Lejard, avril 2013.

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