Interrogée sur France Info, la nouvelle ancienne ministre de l’économie, Christine Lagarde, donne le ton : « [Le Gouvernement] est totalement révolutionnaire. Le principe de la révolution, […] c’est que vous faites un tour complet à 360 degrés ». La définition géométrique est exacte, mais politiquement, on comprend mal le propos : le Gouvernement serait-il revenu à son point de départ du 18 juin 2007, sur le mode « on reprend tout et on recommence » ?

Certes, la plupart des ministres sortants conservent le même portefeuille avec, parfois, des attributions remodelées. Parmi eux, Roselyne Bachelot-Narquin confirme son incombustibilité politique : sa gestion calamiteuse et dispendieuse de la supposée dramatique épidémie du virus H1N1 n’a pas porté préjudice à sa carrière. Elle gèrera désormais les solidarités et la cohésion sociale, donc les pauvres et les miséreux, les personnes handicapées ou âgées, la famille, l’enfance. Elle aura en charge de conduire l’une des deux réformes de fin de quinquennat (la seconde portera sur la fiscalité des plus riches, mais certainement pas pour les appauvrir), soit la création de la 5e branche de Sécurité Sociale garantissant la dépendance des personnes âgées.

Brice Hortefeux reste, quant à lui, à l’Intérieur et récupère son joujou, l’immigration, qu’il traitera en connaisseur, seul ministre en exercice à avoir été condamné pour « injure non-publique envers un groupe de personnes en raison de leur origine » (jugement du Tribunal de Grande instance de Paris du 4 juin 2010). Pour sa part, Nadine Morano ne traitera plus de famille et de solidarité (« notre Sarah Palin », comme la qualifient des députés de gauche, s’en était-elle vraiment occupé ?) mais d’apprentissage et de formation professionnelle.

L’habituel jeu de chaises musicales a laissé sur le carreau Fadela Amara, Jean-Marie Bockel, Jean-Louis Borlo, Dominique Bussereau, Marc-Philippe Daubresse, Patrick Devedjian, Christian Estrosi, Hubert Falco, Anne-Marie Idrac, Bernard Kouchner, Valérie Létard, Hervé Morin, Hervé Novelli, Eric Woerth et Rama Yade. Ces départs sont compensés par trois vétérans (Xavier Bertrand, Alain Juppé, Marie-Anne Montchamp) et six novices en matière ministérielle : Jeannette Bougrab (qui n’aura présidé la HALDE que 7 mois, une période toutefois suffisante pour en avoir altéré l’image), Frédéric Lefèbvre (député UMP inébranlable porte-parole du parti majoritaire), Maurice Leroy (président du Conseil Général du Loir-et-Cher et vice-président de l’Assemblée nationale), Thierry Mariani (député UMP fondateur d’un mouvement à la droite de la droite) et Philippe Richert (président du Conseil Régional d’Alsace et sénateur du Bas-Rhin). Certains de ces entrants vont peser sur la vie des personnes handicapées, le toujours souriant Thierry Mariani héritant des transports, et le toujours chiffonné Frédéric Lefèbvre du tourisme.

Reste l’énigme Marie-Anne Montchamp : secrétaire d’État aux personnes handicapées de mars 2004 à mai 2005, elle a porté et défendu au Parlement la loi d’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Rentrée en dissidence après son exclusion de l’UMP (pour s’être opposée en 2008 au maire de Nogent-sur-Marne) elle avait rejoint Dominique de Villepin et son mouvement République Solidaire dont elle était la porte-parole. Députée de la 7e circonscription du Val-de-Marne, Marie-Anne Montchamp était menacé d’errance politique, cette circonscription ayant été supprimée lors du dernier découpage électoral. De facto, la députée demeurait toutefois rattachée au groupe UMP à l’Assemblée Nationale, son exclusion n’étant que façade. Critique sur le Projet de Loi de Financement la Sécurité Sociale, elle s’était abstenue de la voter en commission des finances. Très critique également quant au dernier projet de loi de réforme des retraites, elle l’avait pourtant voté.

Démentant jusqu’au vendredi qu’elle accepterait une place au Gouvernement, elle devient secrétaire d’État le dimanche, moins de 48 heures plus tard… Une secrétaire d’État sans attribution, simplement rattachée à la ministre des Solidarités et de la cohésion sociale. Une députée sans circonscription, donc, qui a décidé de rentrer dans le rang pour préserver l’avenir politique qu’on lui annonce au Sénat. Une parfaite illustration du « changement dans la continuité »… 

Laurent Lejard, novembre 2010.

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