« Le handicap demeure l’une des priorités du Président de la République ». Ce propos rapporté par le directeur général de l’Unapei, Thierry Nouvel, devrait suffire à rassurer ceux qui doutaient de la volonté de Nicolas Sarkozy, le « Maître de toutes les décisions » comme le qualifiait récemment un éditorialiste du quotidien Ouest-France : l’AAH augmentera de 25% durant son quinquennat, les 50.000 places promises en établissements et services médico-sociaux seront effectivement créées d’ici 2013, 200.000 élèves handicapés seront scolarisés d’ici la fin de l’année, tous les acteurs seront mobilisés pour réaliser avant 2015 le chantier « titanesque » de l’accessibilité. Comment, avec quels moyens ? Le mystère reste semble-t-il entier dans l’esprit des porte-parole du Comité d’entente des associations de personnes handicapées, reçus à l’Elysée (à leur demande) le 13 septembre dernier.

La seule certitude est que la loi de finances pour 2011 contiendra l’augmentation de l’AAH initialement prévue, soit 15,66€ de plus au 1er avril puis 16,01€ au 1er septembre. Mais il semble que cette revalorisation soit d’ores et déjà amputée par les mesures répressives à l’encontre des malades que le Gouvernement envisage de faire adopter dans le projet de finances de la Sécurité Sociale pour 2011 : baisse du remboursement des consultations médicales, de médicaments, des frais d’hospitalisation. La promesse de relever le plafond d’accès à la Couverture Médicale Universelle Complémentaire, inférieur de quelques euros au montant de l’AAH, sera-t-elle tenue en 2011 ? Nicolas Sarkozy ne l’a pas dit.

Ce qu’il affirme en revanche, c’est que le plan quinquennal de création de 50.000 places en établissements et services médico-sociaux lancé le 10 juin 2008 lors de la première Conférence Nationale du Handicap serait effectivement réalisé. Or, la réforme de l’organisation sanitaire et sociale résultant de l’empilage de la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP) et de la loi Hôpital Patients Santé Territoires entraine un important retard dans l’examen des projets par l’administration, d’autant que la procédure vient de changer : désormais, il appartient aux nouvelles Agences Régionales de Santé de lancer des appels d’offres répondant à des besoins qu’elle, et elle seule, estime justifiés. De fait, la mise en oeuvre du plan Sarkozy de création de 50.000 places n’est plus réalisable.

Autre objectif présidentiel : que les établissements scolaires accueillent 200.000 élèves handicapés d’ici la fin de l’année, soit 15.000 de plus que pour la précédente année scolaire. Sans moyens supplémentaires en enseignants formés et en personnel d’accompagnement, et sur fond de déqualification des nouveaux professeurs dont près de 16.000 postes sont supprimés cette année. Accueillir plus avec moins de moyens, voilà une nouvelle devise présidentielle qui ne règle pas un aspect essentiel de l’intégration scolaire, sa qualité : que veut dire accueillir deux heures par semaine un enfant autiste en classe primaire, sinon remplir une statistique ?

Nicolas Sarkozy a, paraît-il, déclaré que la situation de l’accessibilité française était « catastrophique » et le chantier de rattrapage « titanesque ». Il est permis de partager ce constat… apocalyptique. Les ministres ont pourtant attendu le 5e anniversaire de la loi de février 2005 pour commencer à mobiliser l’Administration par l’intermédiaire des préfets. Deux ans et demi après la date-limite de leur élaboration, moins de la moitié des réseaux de transports publics disposent d’un Schéma Directeur d’Accessibilité des transports. Il n’existe aucune politique nationale d’incitation à la mise en accessibilité, et l’État laisse les acteurs de terrain se débattre avec des profiteurs qui vendent des diagnostics d’accessibilité incohérents et des solutions techniques aussi coûteuses qu’inutiles ou inadaptées.

Ce n’est pas l’Observatoire national de l’accessibilité et de la conception universelle qui pourra inverser cette tendance : le Gouvernement ne lui a confié ni mission de conseil et d’information, ni même les moyens de tenir ses réunions, vidant le « machin » de sa substance. Sur un plan plus politique, le Gouvernement nommé par Nicolas Sarkozy n’a eu de cesse, ces deux dernières années, de tenter d’introduire des dérogations en matière d’accessibilité des constructions neuves, un sujet qui va revenir au Sénat le 26 octobre prochain lors de l’examen d’une proposition de loi initiée par le sénateur UMP Paul Blanc. Le Président de la République a fait comprendre à ses interlocuteurs du Comité d’entente qu’il pourrait arbitrer le conflit entre les associations, opposées aux dérogations, et les promoteurs immobiliers qui y sont favorables et dont les intérêts sont portés par des élus de la Nation. Une volonté politique s’apprécie dans les actes : un premier verdict sera rendu fin octobre. 

Laurent Lejard, septembre 2010.

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