« Le progrès ne vaut que s’il est partagé par tous », proclamait naguère un slogan publicitaire que la SNCF avait emprunté à Aristote. Les voyageurs handicapés moteurs ont su, au fil des ans, apprécier à sa juste valeur la portée de l’argument et mesurer le net décalage entre l’amélioration du confort des passagers valides et le leur. Le tout nouveau Train à Grande Vitesse qui dessert les régions de l’Est de la France est une nouvelle occasion de le constater.

Tout d’abord, si la ligne est nouvelle, les trains, eux, sont vieux : les liaisons sont en effet assurées par les plus anciennes des rames TGV, celles qui furent mises en service en 1981 sur Paris-Lyon et dont la rénovation intérieure à été confiée au grand couturier Christian Lacroix, sans modification des structures. Conséquence : les toilettes demeurent trop étroites; pour y accéder ou aller au bar (la restauration à la place ne sera assurée que sur les trains internationaux) il vous faudra demander au contrôleur une chaise de transfert… qu’il n’a pas le droit de vous aider à utiliser. On entre dans le compartiment par un couloir dont la largeur est juste suffisante pour un fauteuil manuel standard. A l’intérieur, quatre places : une isolée à gauche pour voyageur restant sur son fauteuil (dans l’emprise de la porte et du passage) et trois sièges à assise relevable. Les tablettes, très lourdes, doivent être tirées d’un caisson vertical ce qui les rend difficilement utilisables. A la différence des autres sièges de 1ère classe (inclinables à 150° environ, avec repose-pieds et porte-gobelet repliable) leur dossier est fixe, proche de l’angle droit (105°). Assise et dossier sont d’un confort plutôt ferme. Si vous payez, ainsi que votre accompagnant(e), votre billet au tarif de la 2e classe, la SNCF ne vous fait pas un cadeau car en seconde, les sièges sont inclinables manuellement. Au moins, l’accompagnant(e) disposera d’un confort acceptable, à la différence des exécrables TEOZ qui assuraient une partie des liaisons Est dans un compartiment « fauteuils » doté uniquement de strapontins durs et sans accoudoirs.

Une fois parvenu(e) dans l’une des trois gares nouvelles (Champagne, Lorraine et Meuse TGV), situées à l’extérieur des villes, vous ne serez toutefois pas assuré(e) de trouver des transports collectifs. Si Champagne TGV est reliée par TER à Reims, les deux autres gares ne seront desservies que par autocar sans accessibilité. Les contrôleurs seront dotés d’un service mobile d’information nommé Accélio : numéro d’une compagnie de taxi, modes de transport urbains et correspondances ferroviaires, ou encore informations touristiques. Mais la SNCF n’est pas en mesure d’indiquer si ces informations prendront en compte l’accessibilité et les besoins spécifiques des voyageurs handicapés. Son service spécialisé dans la vente et l’information, Accès Plus, n’est pas davantage en mesure d’informer les passagers « à besoins spécifiques » !

Visiblement, la chaine de l’accessibilité n’est pas encore entrée dans la culture de la SNCF, compagnie qui ne fait pas avancer au même rythme les conditions de voyage de tous ses clients, qui paient pourtant le même prix…

Laurent Lejard, juin 2007.

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